Notre dignité : un féminisme pour les Maghrébines en milieux hostiles

Le 16 octobre prochain, les éditions Stock publieront le nouveau livre de Nesrine Slaoui, journaliste, réalisatrice et autrice, intitulé Notre dignité: un féminisme pour les Maghrébines en milieux hostiles. Intéressée par tous les aspects du féminisme intersectionnel, c’est avec joie que j’ai eu la chance de m’y plonger en avant-première. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Je suis une femme. Le racisme empêche de le voir parce qu’une femme, dans l’imaginaire commun en Occident, c’est une femme blanche. Moi, je suis avant tout perçue comme une Arabe, une Maghrébine, voire une musulmane, en tout cas un corps étranger à la nation française.»

Dans cet essai, l’autrice souhaite interpeller sur la double condamnation portées aux femmes « Maghrébines » (terme qu’elle questionne d’ailleurs dans un passage passionnant sur la définition d’une multiplicité d’identités sous des termes généraux), à savoir la misogynie et le racisme. Si elle s’ancre dans un contexte français, notamment pour ce qui est des forces politiques grandissantes et de l’islamophobie qui l’accompagne, cet essai et son histoire se transposent également, je le crois, assez bien à d’autres pays occidentaux proches. L’autrice explore les limites du féminisme blanc qui, souvent, ignore même jusqu’à l’existence de femmes racisées dans ses luttes ou, et ce n’est pas mieux, tente de les « sauver » sans écouter ce qu’elles ont à dire. Par ce livre, Nesrine Slaoui invite à un féminisme intersectionnel où l’émancipation des femmes Maghrébines ne peut se passer de leurs conditions ni de leur parole. Elle propose d’ailleurs dans son essai beaucoup d’autrices ou de personnalités de ce féminisme anti-raciste auxquelles elle joint sa voix. C’est un essai important, qui, comme celui de Hanane Karimi Les Femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes?, explore l’impossible positionnement de ces femmes qui, quoiqu’elles fassent, subissent un jugement social négatif. Elle interroge notamment les questions vestimentaires et religieuses, du rejet du voile au nom d’une laïcité ou d’un soit-disant féminisme nationaliste à l’hyper-sexualisation de la femme racisée maquillée et publique. Bien que je ne sois pas une personne concernée, cet essai éclaire avec beaucoup de force la violence endurée chaque jour et le combat de ces femmes pour avoir simplement le droit d’exister.

« Présenter notre libération comme un alibi pour essentialiser les hommes maghrébins ne peut être acceptable dans notre féminisme. Notre émancipation de toutes les oppressions ne peut venir que de nous-mêmes, selon nos termes et à nos conditions. C’est un chemin exigeant et sinueux.»

Nesrine Slaoui plonge aussi dans l’histoire coloniale pour déceler les prémisses de ces ambiguïtés, des fantasmes orientalistes aux pratiques de dévoilement. Elle invite à décoloniser le féminisme et redonner une identité propre de femmes à celles qui, encore aujourd’hui, se retrouvent réduites à leurs origines dites « étrangères ». Elle propose également un regard, de part son expérience personnelle en partie, du traitement médiatique de ces femmes et du respect quasi inexistant de leur parole. Elle questionne tant ceci de son point de vue de journaliste que de ce qui est fait de leur image dans la pop culture et notamment des émissions de télé-réalité qui s’amusent en général d’une image stéréotypée soit hypersexualisée, soit violente/dangereuse. Et ce, sans jugement aucun sur celles qui y participent. Elle analyse avec brio le pouvoir patriarcal et raciste des médias français mais aussi de la société dans son ensemble, qui étend sa haine jusque sur Internet. C’est un livre riche et foisonnant qui explore également les questions de relations amoureuses, les questions de pouvoir dans la sphère privée quand la société vous définit soit soumise soit érotique, mais également le racisme qui va jusque’à imposer un jugement de valeur sur votre choix de partenaire. Passionnant et nécessaire, Notre dignité est un essai qui se lit sans peine, porté par une plume limpide et qui donne envie, une fois la dernière page tournée, de poursuivre notre exploration du sujet via les lectures citées et proposées en bibliographie.

En bref, Notre dignité est un essai foisonnant, riche, mêlant habilement des anecdotes de vie personnelle et des recherches et lectures parallèles. On y explore tant le passé que l’existant et le possible du public jusqu’à la sphère de l’intime pour donner une voix à un féminisme anti-raciste plus que nécessaire dans le climat politique actuel. Si le sujet vous concerne directement, c’est un livre qui, je pense, peut vous faire du bien et vous invite à penser une lutte collective qui vous convient. Si, comme moi, vous n’êtes pas concernées par cette souffrance directement, c’est un livre nécessaire pour comprendre et écouter ces femmes qui sont nos sœurs de lutte. 

« Permanence du mot « beurette  » dans le débat public, fétichisme de la femme dite orientale hérité de l'ère coloniale, instrumentalisation des femmes maghrébines dans la téléréalité... Un continuum oppressif annihile les corps, les perceptions et les possiblités de chacune de ces femmes.  Dans cet essai vibrant politiquement et nourri de références et de vécus, Nesrine Slaoui fouille les enjeux historiographiques et intimes de la condition de la femme maghrébine en France et propose une approche intersectionnelle invitant à la réparation collective.»

(Photographie de couverture: © Alexandre Leroux - couverture: © Raphaëlle Faguer)

Content warning (contenus pouvant heurter la sensibilité sur la base d'une liste établie par Planète Diversité): Harcèlement, Racisme, Relations toxiques, Sexisme 

- Livre reçu en service presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. -