Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Livre deuxième

Après quelques années d’attente, les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont publié cette année la suite du chef-d’œuvre d’Emil Ferris, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. J’avais été soufflée par le premier livre, tant pour son esthétique incroyable de richesse que pour l’histoire proposée. Il me tardait de retrouver Karen et voici ce que j’en ai pensé…

« Peut-être bien que la grande différence entre les deux sortes de monstres (à part que les méchants sont carrément pas cool) c’est que les gentils monstres savent qu’ils sont des monstres! Alors que les méchants, eux, ne le savent pas. Et ne veulent pas le savoir… »

Un second chef-d’œuvre

Emil Ferris, dès son premier livre, prouvait tout son immense talent. Et dès qu’on ouvre ce second livre, on est encore soufflé par cet esthétique foisonnante, ultra détaillée et très expressive réalisée entièrement au stylo. L’impact de chaque page, de chaque dessin, est remarquable. Que ce soit l’hommage perpétuel aux histoires d’horreurs, via notamment les couvertures de pulps, la reproduction de peintures magnifiques, ou simplement dans la narration de l’histoire de Karen et son regard particulièrement puissant sur le monde qui l’entoure, chaque page de ce magnifique pavé est une véritable œuvre d’art. Le travail réalisé est impressionnant, original et magnifique. Toutes ces illustrations ont une véritable identité, une âme même et c’est ce qui rend les livres d’Emil Ferris aussi remarquables et aussi uniques. On retrouve également avec plaisir le magnifique travail de mise en page et d’édition. Monsieur Toussaint Louverture respecte l’œuvre et participe à la réalisation d’un très beau livre. 

Les monstres qu’on aime

L’histoire se poursuit exactement là où le premier livre s’est achevé. On retrouve donc Karen avec tous ses fantômes qui la hantent, tous les monstres qu’elle aime mais aussi son entrée dans une adolescence un peu chaotique entre affirmation d’elle-même, relation amoureuse et découverte de secrets de famille qui, parfois, la font grandir trop vite. On retrouve avec plaisir son regard sur le monde, sur la différence qu’elle aime tant et qu’on aime nous aussi. C’est encore une fois un magnifique cri d’amour pour l’affirmation de son identité, quelle que soit son origine, son genre, son orientation sexuelle ou encore ses idéaux. Karen, sous la plume d’Emil Ferris, voit l’humain avant tout, ces monstres gentils qui rendent le monde plus intéressant et, possiblement, un peu plus beau. La suite de son histoire conserve cette intensité émotionnelle. La poursuite de la découverte du récit d’Anka avec son passage en camp de concentration est un moment particulièrement rude, mais c’est aussi le cas de l’histoire de Françoise ainsi que celle de sa mère qui lui rappelle sans cesse sa désapprobation. C’est aussi un véritable cri d’amour pour son frère, Deeze, qui, malgré ses côtés sombres, conserve de magnifiques intentions, une envie furieuse de la protéger, de faire en sorte qu’ils puissent s’en sortir. Hommage à l’autre, à la liberté d’être qui on veut, sur fonds d’appel à la paix entre la guerre du Vietnam, le récit de la Shoah ou encore l’histoire de Judith, ce second volume de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, rappelle que l’humanité est capable du pire mais aussi du meilleur. Que dans l’ombre et la souffrance jaillissent aussi de véritables héroïsmes ordinaires qui aident à bâtir un plus bel avenir. 

« Le dessin, c’est grâce à ça que je comprends les choses. C’est un chouette mot, « comprendre ». Ça veut dire « prendre avec soi », comme si on emportait quelque chose.»

En bref, lisez Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Comme le premier livre, ce second volume est un véritable chef-d’œuvre, tant graphique (quelle claque visuelle à chaque page!) que narratif. L’histoire est terriblement touchante, c’est un magnifique cri d’amour à la différence sur fond d’histoire familiale et sociale et d’hommage à la pop culture et à ces monstres qui disent beaucoup sur qui nous sommes. Je suis une nouvelle fois soufflée par la qualité de l’ensemble et je n’attends qu’une seule chose: la suite. 

« Le meurtre d’Anka Silverberg, la muse sombre et survivante de l’Holocauste de Karen Reyes n’a toujours pas été élucidé. L’arrestation de son voisin, la gangster Kiri Jack Gronan, a soulevé un coin du voile noir qui flotte sur son quartier, dans les années 1960, laissant entrevoir un monde en ébullition constitué de prostituées et de truands, d’êtres fantomatiques et de hippies. Et la mort de sa tendre maman a laissé un vide sidéral dans l’âme déjà chamboulée de Karen. Mais Uptown n’attend pas…

Notre petite artiste doit désormais faire face à une vie nouvelle où tout tremble et vacille, et dans laquelle même les quelques certitudes qu’elle avait semblent sur le point de voler en éclats. Mais Karen est un être farouche – 1/3 loup-garou, 1/3 détective, 1/3 enflammée. Toute de curiosité, d’imagination et de compassion, elle veut désormais bannir de son existence les tabous et les mensonges censés la protéger mais qui ont fini par empoisonner ses rêves.

Heureusement que son frère Deeze, artiste contrarié au passé trouble, est encore là pour la protéger des menaces invisibles qui pèsent sur elle, et ce, quoi qu’il en coûte, même s’il est obligé de franchir la ligne rouge et faire des choix moralement plus qu’inacceptables. Mais pour combien de temps pourra-t-il encore la protéger ? Car il est sur le point d’être mobilisé et envoyé au Vietnam.»

(Illustration de couverture & extrait: © Emil Ferris)

[Diversité: pp lesbienne, pp latinx, ps noir.e, ps lesbienne, ps trans]

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Prequel - à paraître 

[Lecture n°47 (61/60 points avec les bonus pour l'échelon 4 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 12 de Ma lecturothèque]