Les féministes t’encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine

Le 10 janvier, les éditions Le Nouvel Attila publieront un essai au titre particulièrement magistral : Les féministes t’encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine. Écrit par Alex Tamécylia, il est présenté comme un nouveau Scum Manifesto (livre-pamphlet de Valérie Solanas). Son titre, citation d’un évangéliste proche de Trump, a évidemment retenu mon attention. Et comme j’ai eu le plaisir de m’y plonger en avant-première, voici ce que j’en ai pensé…

« La révolte s’écrira

à la fierté    des marges

en rage        contre l’oppression

aux paillettes            de l’émancipation

parce que la lutte parfois            est une fête.»

Une expérience surprenante

Plonger dans cet essai c’est se plonger dans une expérience littéraire. À la fois pamphlet queer et féministe virulent, drame personnel poétique, et performance narrative qu’on à envie de déclamer à haute voix, Les féministes t’encouragent à […] est un texte dont le fond comme la forme surprend. Que ce soit par la plume, tantôt acide et cynique, tantôt vibrante de rage et tantôt émouvante que par la façon dont les mots nous parviennent dans leur mise en page riche de sens, c’est un texte qui a beaucoup à dire et qui frappe fort. Partant d’une citation d’un évangéliste proche de Trump, l’essai n’essaye jamais de nier le propos et invite au contraire à embrasser pleinement cette soit-disante menace dans un texte qui s’émancipe des carcans et invite à tout cramer. Si parfois le propos m’a perdue en route, notamment dans son intransigeance assumée, certains passages n’en sont que plus beaux par la force fulgurante de cette dénonciation. Le début, notamment, sur les violences et le poids à porter des victimes est particulièrement dévastateur. On sent ici toute l’énergie artistique d’Alex Tamécylia, poétexsse et performeureuse, qui nous offre un texte comme un cri dans la nuit: surprenant, dérangeant et impossible à passer sous silence.

« Comment ça va aujourd’hui

garder le lien pour que le jour où

le jour où l’air la fera remonter qu’elle ne soit pas seule à la surface des survivances

à flotter dans un océan de débris non recyclés 

 

on appelle ça sororité

— si t’es queer ça se prononce adelphité»

La dénonciation sans concession

Alex Tamécylia dénonce le patriarcat, le sexisme, l’hétérosexualité, les LGBTphobies mais également le capitalisme. Iel invite à sortir des carcans que le monde impose, à bousculer les codes pour se retrouver soi-même et arrêter de souffrir, quitte à se brûler un peu les ailes dans le processus d’émancipation. C’est un texte d’une puissance folle, porté par une émotion intime et sincère de celles qui vous noient si vous ne les écoutez pas. Si j’ai adoré certains passages dont le cynisme parfois m’aura fait rire autant qu’il blesse, j’ai aussi été parfois complètement désarçonnée, à côté du propos qui part dans des extrémités qui me parlent nettement moins. Il se rapproche en effet beaucoup, par instants, du Scum Manifesto pour les propositions qui y sont faites. Ce n’est pas le féminisme dont je m’empare au quotidien et je n’ai donc pas adhéré au propos à 100 %. Cela n’en fait pas moins une lecture marquante, une expérience militante qui ne laisse pas dans l’indifférence et qui a le mérite de secouer les codes avec talent. J’ai en tout cas aimer la forme et, souvent, le fond du propos qui n’hésite pas à taper fort. 

« tout va mal et tu sais pourquoi

le problème c’est pas l’astrologisme

le problème c’est le capitalisme »

En bref, Les féministes t’encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine est un texte percutant, virulent, cynique et poétique à la fois qui n’hésite pas à dénoncer et invite à tout renverser. Si je n’ai pas adhéré à tout le propos, parfois trop intime, parfois trop puissant, l’essai n’en reste pas moins une lecture intéressante dont certains passages sont d’une poésie acide remarquable.

« Dans cet essai-poème féministe, l'auteure considère la famille comme une secte, la maternité, du salariat déguisé, et l’hétérosexualité, le cheval de Troie du capitalisme. Elle aborde également la violence, le militantisme, l’amour, la sexualité, la création, entre autres. »

(Couverture: © Le Seuil)