Le Monde enfin

Il y a un an, aux Imaginales, Jean-Pierre Andrevon lisait le dernier chapitre de sa novella Le Monde enfin lors d’une conférence. J’étais très émue et depuis ce récit m’obsède! Alors quand le challenge Hold my SFFF de mai a mis en avant l’écologie, ni une, ni deux, j’ai acheté la version numérique de l’édition 2013 de cette nouvelle qui date de 1975, ici réécrite pour figurer dans le recueil Demain le monde chez Le Bélial’. Et voici ce que j’en ai pensé…

« La peur atavique de ces grands bipèdes si lourds et si lents subsistait dans leur petite cervelle d’oiseaux, faiblement; mais bientôt, très bientôt, il n’y aurait plus nulle peur, nulle part, pour quelque bête que ce fût, parce que nulle part il n’y aurait d’être humain.»

Une utopie avant-gardiste

Le Monde enfin se déroule dans un univers où l’espèce humaine est sur le point de disparaître complètement suite à une pandémie (parfait timing de lecture!) mais c’est bel et bien une utopie. Car pour l’auteur, la seule utopie possible c’est celle-ci: un monde où la nature reprend ses droits, un monde où l’humain n’est plus là pour l’anéantir: une idée très avant-gardiste en 1975! Je suis, pour ma part, entièrement en accord avec cette idée et cette lecture entre donc en parfaite résonance avec ma vision des choses, empêchant très clairement un avis objectif sur cette lecture tant son message résonne au fond de moi. Cette nouvelle est donc un récit engagé et percutant qui nous rappelle notre place de parasite sur cette si belle planète qui a bien besoin qu’on lui fiche la paix. L’humain de l’histoire n’a d’ailleurs aucun nom, il n’est que trace dans un paysage peuplé de nombreuses créatures toutes plus importantes que lui, un prétexte pour illustrer la beauté du monde sur lequel son ombre et celle des siens va bientôt disparaître.

« La grande nuit qui a avalé l’humanité n’est pas prête de se lever. Les bêtes, elles, possèdent le monde, 

ENFIN.»

Une fin du monde apaisante

Cette novella est un road-novel contemplatif. D’animaux et animaux, ce sont autant de rebonds de descriptions animalières qui s’offrent au lecteur à travers les déambulations du vieux cavalier. On y décèle non seulement une réelle connaissance du monde sauvage par la diversité des espèces et la précision de ces passages, mais aussi et surtout on ressent un amour fou de la nature. Le récit est donc non seulement très puissant dans son message mais il est aussi très beau. Certains y trouveront sans doute quelques longueurs, dues au côté contemplatif et un peu redondant de la narration descriptive. Mais pour ma part, j’ai trouvé cet aspect-là tout à fait apaisant. Ils rendent la conclusion du récit d’autant plus puissante ce qui la fait résonner en nous longtemps. Le récit évoque aussi certaines rencontres humaines qui semblent assez anecdotiques dans l’ensemble mais racontent aussi une forme de fin apaisée de l’espèce humaine, une abdication à demi-mots mais sans vraiment de regrets.

En bref, Le Monde enfin est un texte formidable et abouti qui allie la beauté du contemplatif à la puissance phénoménale de son message: l’espèce humaine est une calamité, sa disparition, une bonne chose. 

« Dans un futur proche… Le monde civilisé a pris fin, et la nature reprend désormais tous ses droits. Les villes tombent en ruine, les animaux domestiques retournés à l'état sauvage hantent les campagnes. Un vieil homme à dos de cheval traverse une France quasi vidée de ses habitants. Son intention ? Gagner le Sud, les rivages de la Méditerrannée, afin d'y mourir en paix…»

(Illustration de couverture: © Cédric Bucaille)

[Lecture n°28/60 (pour l'échelon 4) et Auteur/Autrice classique n°2/3 (pour la catégorie D) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 8 de Ma lecturothèque]

- Lecture pour le Challenge #HMSFFF - Mai 2020: Ecologie -