Le désert des couleurs

Le 20 mai dernier, les éditions Scrinéo publiaient le dernier roman d’Aurélie Wellenstein, une autrice que j’admire beaucoup et dont les romans me provoquent des émotions fortes, en particulier Mers mortes. Intitulé Le désert des couleurs, c’est un roman de marche, de voyage au cœur d’un monde en passe de disparaître. Présenté comme une ode aux histoires, à la liberté et aux souvenirs, c’est un titre que je me suis empressée d’acheter pour le découvrir dès les premiers avis enthousiastes comme celui de Zoé prend la plume …

" Le volcan paraissait petit, perdu au milieu de l'océan de sable bariolé. La jeune femme prit son temps, ne détourna pas les yeux, comme si elle cherchait à en fixer les moindres détails dans sa mémoire. Elle avait peur d'oublier. On ne choisissait pas les souvenirs que le désert vous volait."

Couleurs, oubli et espoir

Le désert des couleurs est un roman aux frontières des genres imaginaires, entre fantasy et post-apo. Monde en ruines, anticipation écologique et aura magique, quasi mystique parsèment ce livre aux couleurs multiples et enivrantes. Aurélie Wellenstein renoue, après Yardam, avec le mouvement, et nous propose le récit d’une quête vers les confins de son univers autant que vers les confins des esprits des personnages. Dans ce monde-désert, tombeau des souvenirs de l’humanité et d’une nature disparue, elle nous conte avec talent l’histoire de deux êtres élus pour le salut de l’humanité, Kabal, jeune, enthousiaste, sensible et investie et Irae, femme à la colère bouillonnante qui s’enferme à l’intérieur d’elle-même. Si l’histoire ne manque pas de zones d’ombres, nécessaires au choc, au message mais aussi à la nuance, c’est aussi un récit chargé d’espoir et de beauté. C’est encore une fois un roman qui souligne avec force les failles terribles de l’humanité, provoquant des claques nécessaires, mais qui laisse aussi une grande place à la lumière plus rare dans les autres livres de l’autrice. On retrouve en effet du positif et du beau que ce soit dans la description du désert, dans l’amour en construction entre Kabal et Irae ou encore dans un final poétique et puissant comme l’autrice sait si bien le faire.

"𝗅l 𝖺𝗎𝗋𝖺𝗂𝗍 𝗉𝗎 𝗌𝖾 𝗅𝗂𝗆𝗂𝗍𝖾𝗋 𝖺𝗎𝗑 𝖻𝖾𝖺𝗎𝗑 𝗆𝗈𝗆𝖾𝗇𝗍𝗌, 𝗅𝖺 𝗋𝖾𝖼𝗈𝗇𝗌𝗍𝗋𝗎𝗂𝗋𝖾 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅𝖺 𝗆𝖾𝗂𝗅𝗅𝖾𝗎𝗋𝖾 𝗏𝖾𝗋𝗌𝗂𝗈𝗇 𝖽’𝖾𝗅𝗅𝖾-𝗆𝖾̂𝗆𝖾, 𝗆𝖺𝗂𝗌 𝗂𝗅 𝗌𝖺𝗏𝖺𝗂𝗍 𝗊𝗎𝖾 𝖼’𝖾́𝗍𝖺𝗂𝗍 𝗎𝗇𝖾 𝖾𝗋𝗋𝖾𝗎𝗋 𝖾𝗍 𝗊𝗎’𝖺̀ 𝗍𝖾𝗋𝗆𝖾, 𝗌𝖺𝗇𝗌 𝗅𝖾𝗌 𝗈𝗆𝖻𝗋𝖾𝗌 𝗊𝗎𝗂 𝗅𝖺 𝖼𝗈𝗇𝗌𝗍𝗂𝗍𝗎𝖺𝗂𝖾𝗇𝗍, 𝖾𝗅𝗅𝖾 𝖿𝗂𝗇𝗂𝗋𝖺𝗂𝗍 𝗉𝖺𝗋 𝗌𝖾 𝖽𝗂𝗌𝗌𝗈𝗎𝖽𝗋𝖾 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗌𝖺 𝗉𝗋𝗈𝗉𝗋𝖾 𝗅𝗎𝗆𝗂𝖾̀𝗋𝖾."

Une quête au cœur de soi

L’intrigue du Désert des couleurs prend majoritairement place en chemin, au cœur des sables aux milles nuances, constitués de souvenirs oubliés. La plume de l’autrice nous donne à voir et à sentir ce monde fascinant, beau et dangereux, onirique et terrifiant. On ressent la chaleur de ce désert, la blessure du sable emporté par le vent, le bonheur des glissades le long des dunes jamais foulées et l’horizon étendue à perte de vue de liberté et de silence. On goûte même aux grains de sable, infime porte vers l’oublié dans un voyage épatant. Splendide décor qui donne soif d’évasion et dans lequel prend place un duo de personnages remarquablement bien écrits. Aller au bout du désert, c’est aussi aller au bout de soi-même. Le roman traite ainsi de sujets psychologiques profonds et abordés avec justesse, évoquant les notions de traumatisme, d’acceptation de soi, de culpabilité et d’épanouissement. Je regrette cependant un côté un peu prévisible, que ce soit dans les révélations, dont les jalons sont peut-être trop évidents, ou dans le déroulé de l’histoire, très caractéristique de l’œuvre de l’autrice. Cela n’empêche pourtant pas le coup de cœur. Parce que c’est un livre que j’ai dévoré. Un livre dans lequel je me suis même réfugiée et évadée. Un livre qui m’a émue, encore une fois, jusqu’aux larmes. Un voyage, jusqu’au cœur de moi-même…

En bref, Le désert des couleurs est un formidable roman qui souligne encore une fois l’immense talent d’Aurélie Wellenstein. Monde fascinant dans lequel la plume nous immerge complètement, personnages remarquables que l’on suit avec émotions, messages puissants et engagements écologiques forts, Le désert des couleurs est une lecture puissante et captivante qui remplit parfaitement le contrat de l’évasion. Une lecture parfaite pour l’été ou pour s’échapper de son univers trop étriqué tout au long de l’année.

« Dans le désert des couleurs, chaque grain de sable est un souvenir perdu et oublié. Marcher dans les dunes, c’est voir sa mémoire s’effacer. Alors pour se protéger, l’humanité s’est réfugiée dans le cratère d’un volcan. Mais depuis quelque temps, le sable monte chaque jour le long de ses pentes, prêt à l’ensevelir.

Malgré les risques, Kabalraï, fils du marchand de sable, et Irae, sa demi-sœur, s’aventurent dans les dunes multicolores pour trouver un nouvel endroit où s’installer. Mais le désert est dangereux et une fois qu’on s’y engage, il est difficile de ne pas s’y perdre… »

(Illustration de couverture : © Aurélien Police)

> Lire un extrait (© Scrineo) <

D’autres avis sur cette édition dans la blogosphère: Zoé prend la plume, …

[Diversité : pp lesbienne, pp végétarien.ne]

Cruauté animale, Drogue, Inceste, Meurtre, Mort, Sang, Slutshaming, Torture, Viol, Violences domestiques

[Lecture n°64/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

[Lecture n°9 pour le Challenge Juillet sororité de Stelphique]