L'écrivain public

Elu meilleur roman policier de l’année par le New York Times, The Letter Writer de Dan Fesperman est paru en 2016 en version originale et vient d’être publié en français (le 12 avril) sous le titre L’écrivain public chez les éditions du Cherche Midi. Il s’agit de la lecture d’avril de la #TeamThrillersCHM et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: J’insiste mais je remercie encore les éditions du Cherche Midi pour cette chance qu’ils m’ont donné d’être dans cette #BestTeamEver, et merci à Benoît, le meilleur animateur de Book Talk du monde.]

Un contexte passionnant et maîtrisé

Vous le savez, l’historique et moi, généralement, ça ne marche pas des masses. Et quand policier et historique se mêlent, encore moins. A une exception près: les livres de Ray Celestin (Carnaval et Mascarade) également publiés chez Cherche Midi. Et de fait, cette exception pourra s’intituler dorénavant « les livres publiés chez Cherche Midi » parce que L’écrivain public m’a également pleinement convaincu et embarqué! L’histoire se déroule en 1942 à New York, peu après les évènements de Pearl Harbor. En fond, la Seconde Guerre Mondiale, dont le front est certes éloigné, mais qui a une influence indéniable sur l’ambiance de la ville peuplée de tant d’émigrés européens. Cette ambiance, entre suspicions de trahisons, sabotages et engagements pour la patrie, est très juste et extrêmement intéressante car maîtrisée de bout en bout par l’auteur. Il est rare d’aborder cette période aux USA, c’est d’ailleurs le seul roman que j’ai lu qui le fait jusqu’alors! Et pourtant, le front européen a beau être si loin (et on le ressent réellement comme distant mais omniprésent), dans une ville aussi cosmopolite, la guerre se joue aussi sur un autre niveau. J’ai grandement apprécié découvrir ce contexte, avec les stigmatisations raciales qu’il entraîne, les jugements hâtifs et les alliances étranges qu’il impose. C’est, très honnêtement ce qui m’a passionné le plus car s’y ajoute le contexte déjà présent avant la guerre à New York, à savoir les histoires de mafieux, les luttes de pouvoir des gangsters et toutes les magouilles qui en font un territoire aussi mystérieux qu’hostile (et qui seront d’ailleurs au coeur du prochain Ray Celestin <3). Dan Fesperman a eu l’intelligence de prendre beaucoup d’aspects véridiques et avérés pour baser et construire son intrigue, soulignant une maîtrise historique du sujet importante qui a contribué grandement à mon immersion totale. Et puis croiser de vrais gangsters dans les romans c’est toujours génial!

« Lorsqu’on est né dans un pays, puis qu’on s’établit dans un second, et que ces deux-là deviennent ennemis mortels, comment affirmer honnêtement que nous jurons fidélité à l’un ou l’autre? Ces questions-là ne cessent de nous hanter.»

Oui mais l’intrigue policière dans tout ça?

Certes, le contexte historique intéressant et immersif fait beaucoup, mais ça n’aurait sans doute pas suffit à faire de cette lecture un moment passionnant sans une intrigue policière pleine de mystères et des personnages principaux auxquels on s’attache. Côté « enquête », l’ancrage dans les faits historiques et la rencontre de personnages réels m’ont emporté puisqu’ils donnent une crédibilité importante. L’écriture très fluide et très agréable de Dan Fesperman ajoute ensuite au plaisir. On se laisse complètement emporté dans cette intrigue complexe. Et si parfois je me sentais perdue face à la multitude de personnages et d’éléments, et que la résolution de ce grand mic-mac m’a paru un peu rapide, j’ai dévoré cet ouvrage sans grande peine et même avec une certaine passion. Côté personnages, si nous suivons majoritairement Cain, policier fraîchement débarqué à New York, c’est surtout l’écrivain public, Danziger, que je retiendrai. Joli coup de coeur sur ce personnage très charismatique, à l’histoire absolument envoûtante et dont le style me plaît énormément. Il a clairement contribué à m’accrocher à l’histoire dès le prologue par sa façon de conter les choses et pour tous les mystères dont il est entouré. Et quand on lit, au final, qu’un tel personnage a existé réellement (dans une certaine mesure du moins), cela ne fait qu’ajouter à son charme. L’histoire de Cain ne manque pas d’intérêt non plus, j’ai notamment beaucoup apprécié les réflexions qui sont faîtes sur l’intégration de cet homme venu du sud des Etats-Unis et qui paraît plus étranger que tous les émigrés new-yorkais. 

« Il n’a de réponse de personne depuis maintenant plus d’un an. Ses relations à Prague gardent le silence. C’est comme ça pour toute l’Europe de l’Est depuis un moment. Des bougies qui vacillent dans le noir…»

En bref, L’écrivain public est un excellent roman policier historique! Le contexte est passionnant et grandement maîtrisé, l’écriture très agréable, les personnages charismatiques et l’intrigue est crédible: un vrai régal!

« 9 février 1942. Dès son arrivée à New York, Woodrow Cain, un jeune flic du sud des États-Unis, est accueilli par les flammes qui s’échappent du paquebot Normandie, en train de sombrer dans l’Hudson. C’est au bord de ce même fleuve que va le mener sa première enquête, après la découverte d’un cadavre sur les docks, tenus par la mafia. Là, il fait la connaissance d’un écrivain public, Danziger, obsédé par les migrants qui arrivent d’une Europe à feu et à sang, ces fantômes au passé déchiré et à l’avenir incertain. Celui-ci va orienter Cain vers Germantown, le quartier allemand, où, dans l’ombre, sévissent les sympathisants nazis. Alors que le pays marche vers la guerre, la ville est en proie à une paranoïa croissante. Et les meurtres continuent…»

(Photographie de couverture: © Edouardo Manzana - Arcangel / Graphisme de couverture : © Rémi Pépin)