L’Agneau égorgera le lion

Pour le lancement de la collection RéciFs, les éditions Argyll publient deux titres le 13 septembre prochain. Le premier, Le Bracelet de jade de Mu Ming, sera donc accompagné du second titre de la collection, à savoir L’Agneau égorgera le lion de Margaret Killjoy. J’avais apprécié découvrir cette autrice avec Un pays de fantômes et il me tardait de me lancer dans ce court roman qui, si je ne m’abuse, initie le cycle Danielle Cain. Ayant eu la chance de découvrir ce texte avant l’heure, voici ce que j’en ai pensé…

« Parfois, on n’a pas d’autre choix que dégainer un couteau. Ce n’est pas une bonne chose. Ça ne me plaît pas. Mais de temps à autre, tout ce qu’on peut faire, c’est sortir son arme et annoncer clairement où ira se ficher le bout pointu.»

Quand Danielle Cain débarque à Freedom à la recherche d’informations sur son ami décédé et découvre, non seulement une communauté autogérée et mais aussi l’existence, ni plus ni moins, de la magie. Margaret Killjoy nous propose en effet dans L’Agneau égorgera le lion une histoire teintée de fantastique-horrifique où une communauté vit avec un démon-cerf mort-vivant censé les protéger mais se retournant visiblement contre ses invocateurs. Nous voilà rapidement propulsés dans une course contre la montre qui s’accompagne de montées en tension haletantes, le tout dans une ambiance teintée de mystères, de magie et de secrets. Les menaces semblent se multiplier au fur et à mesure de l’intrigue, teintées de remises en question tout autant que de renforcement des liens entre les personnages. C’est trépidant, captivant et intense. C’est aussi un récit très humain et queer, teinté de nombreuses émotions, du deuil aux relations naissantes, en passant par la puissance d’une fraternité/sororité face à l’adversité, le tout ponctué d’un humour franc rafraîchissant porté par des personnages mémorables. 

Mais le récit ne s’arrête pas là puisqu’il nous propose aussi la découverte de la communauté anarchiste auto-suffisante de Freedom. Margaret Killjoy, elle-même vivant dans une communauté anarchiste, verse comme dans Un pays de fantôme, des réflexions sur un mode de vie alternatif et propose, à travers cette histoire, quelques pistes de réalisation concrète. Et ce, sans jamais prendre le pas sur l’histoire mais en l’accompagnant logiquement. Le récit incarne en effet avec force des idéaux de liberté et d’égalité que ce soit sur plan réel que sur celui de l’imaginaire. Avec cet herbivore démon-protecteur, garant de justice et d’équité, l’autrice insuffle à son récit une puissance évocatrice rare qui souligne la richesse de son imagination tout autant que la force de ses valeurs. Margaret Killjoy est une autrice qu’il faut lire car elle propose, par son côté anarchiste et queer, d’autres voies narratives au sein de l’imaginaire et trace ainsi les lignes d’une plus grande diversité au sein de la SFFF. Et elle le fait magnifiquement, sous une plume franche et assumée qui ne me laisse pas indifférente.

« On dit toujours que l’anarchie ne peut pas fonctionner parce qu’on ne peut pas faire confiance au peuple pour se gouverner lui-même. Ce à quoi je réponds toujours: si les gens sont vraiment aussi peu fiables, comment peut-on confier à une seule personne du pouvoir sur toutes les autres? C’est impossible.»

Là où Le Bracelet de jade propose une parenthèse philosophique et poétique dans un style qui semble suspendre le temps , L’Agneau égorgera le lion est un texte beaucoup plus direct, plus concret et plus féroce aussi. La collection RéciFs s’annonce ainsi, par ces premiers textes, comme une collection proposant des textes très diversifiés et assumés aux frontières de l’imaginaire, portée par des autrices aux plumes remarquables. Il y a, dans ce double lancement, un courage admirable de ne pas avoir choisi la facilité mais de proposer directement deux textes originaux, puissants et formidables dans deux tonalités quasiment opposées. Chapeau bas.

En bref, L’Agneau égorgera le lion est une histoire trépidante, sous tension, portée par de nombreux mystères, une plume féroce et une dose rafraîchissante d’humanité dans toute sa diversité. C’est un récit fantastique-horrifique joliment agrémenté de pensée anarchiste qui nous emporte sans faillir dans cette communauté en pleine crise. Un texte puissant, queer et punk que j’ai tout simplement adoré de bout en bout. 

« Après des années passées sur la route, Danielle Cain débarque à Freedom, une ville de l’Iowa squattée par des anarchistes, à la recherche d’indices sur le suicide soudain de son meilleur ami.
Sur place, l’ambiance a tourné à l’aigre depuis que les habitants ont invoqué un esprit protecteur, un cerf rouge sang à trois bois. À la fois juge et bourreau, l’animal commence à se retourner contre ses invocateurs.
Danielle espérait élucider les circonstances d’une mort mystérieuse, mais c’est peut-être bien tout une communauté anarchiste qu’elle devra sauver ! »

(Illustration de couverture: © Anouck Faure)

[Diversité: pp bisexuel.le, ps gay, ps trans, ps noir.e, ps bisexuel.le, ps poly amoureux.se]

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- Livre reçu en service presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. - 

[Lecture n°35 (45/60 points avec les bonus pour l'échelon 4 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 12 de Ma lecturothèque]