Juste avant la nuit

Première traduction française de l’autrice anglaise Isabel Ashdown, Juste avant la nuit paraît le 1er mars aux éditions du Cherche Midi. Traduction de Little Sister, publié en 2017 au Royaume-Uni, ce thriller psychologique en huis-clos est la seconde lecture 2018 de la #TeamThrillersCHM, et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: un tout grand merci encore à la maison d’édition pour la confiance et à Benoît pour le courage qu’il a d’encadrer une team aussi cinglée.]

« Vous seriez étonnée de savoir ce dont les gens normaux sont capables.»

La maîtrise d’une tension permanente

Isabel Ashdown, en plus d’avoir une écriture plutôt agréable à lire dans sa traduction, et assez efficace et fluide, a un joli talent pervers pour nous tromper. Tout commence avec la disparition d’un bébé, les protagonistes de la maison familiale sont présentés, le huis-clos démarre et bien sûr, avec lui, les soupçons. Pendant toute la première partie du livre, le lecteur se fait balader de semi-révélations en doutes, par une autrice qui maîtrise son histoire et s’amuse à nous entraîner dans de nombreuses fausses pistes. Mon cerveau fusait dans tous les sens et j’étais ravie de voir que je me trompais ou de me sentir complètement perdue, car c’est qu’on aime dans un thriller psychologique! Et la révélation en fin de première partie m’a complètement surprise! La seconde partie joue ensuite dans un registre un peu différent mais n’est pas avare de révélations et de doutes et j’y ai même encore plus accroché qu’à la première. Ce qui frappe surtout dans Juste avant la nuit, c’est l’ambiance, lourde, malsaine, sombre, dévastatrice. Car forcément qui dit famille dans une situation d’attente angoissante, dit secrets qui se révèlent, personnalités qui se découvrent, le tout dans un climat très tendu. On ressent pleinement à la fois la souffrance de ces personnages, leur sentiment d’impuissance et la colère sourde trop longtemps contenue qui approche du point d’implosion. La disparition du bébé est comme la flamme qui allume la mèche d’une bombe, on ne sait pas quand, on ne sait pas qui en sera victime, mais on sait que quelque chose va exploser.

« Si Emily ne l’avait jamais aimée, jamais serrée sur son coeur, aujourd’hui elle ne ressentirait pas   la douleur de sa perte, comme celle d’un membre amputé qui persiste à vous tourmenter jusqu’à la fin de vos jours. »

Un rythme lent

Sachez tout de même, vous les friands de livres qui vont à 100 à l’heure, que ce roman a un rythme assez lent. En effet, suite à la disparition de Daisy, l’action est quasi absente, nous accompagnons les membres de la famille proche dans l’attente que l’enquête avance, et celle-ci traîne un peu. Cet immobilisme crée un sentiment de lenteur assez logique, mais participe aussi à la tension du récit et rajoute à l’impression de climat lourd et oppressant. Pour être honnête, entre la page 50 et 150, je commençais à me lasser un peu, le schéma des chapitres suivant une trame assez répétitive: états d’âme de la protagoniste du chapitre, dernière phrase avec un suspens. Puis, la surprise de la fin de première partie m’a complètement ré-embarqué dans le récit et ce schéma tend ensuite à s’atténuer de plus en plus au profit d’une autre forme de tension et de suspens qui me convenait mieux. Ce manque d’accroche au départ tient aussi peut-être au fait que n’étant pas mère (et ne tenant pas à la devenir), je ne saisis peut-être pas autant que les parents, la souffrance et le bouleversement de cette disparition. Mais j’ai malgré tout été plus que conquise par ce bon thriller qui m’a laissé, avec son final, un bon sentiment de malaise et une vision de la nature humaine encore plus dégradée qu’avant…

« L’hiver aiguise vos sens plus subtilement que l’été. C’est facile de se sentir bien quand il fait beau et chaud. Alors que dans le froid et l’humidité, être heureux devient un défi. »

En bref, Juste avant la nuit est un bon thriller psychologique à l’ambiance pesante maîtrisée  qui vous fera partir sur une quantité innombrables de mauvaises pistes jusqu’aux multiples révélations surprenantes.

« Lors des funérailles de leur mère, Jess retrouve sa sœur Emily, perdue de vue depuis près de quinze ans. Elle lui propose de venir habiter chez elle et son mari, James, dans leur maison de l’île de Wight. Le soir du Nouvel An, le couple part faire la fête et laisse Emily avec leur bébé, Daisy. Lorsqu’ils rentrent, au petit matin, la police est là. Daisy a disparu. Le cauchemar commence. Bien vite, le commissaire Jacobs, en charge de l’enquête, relève des incohérences dans les récits des uns et des autres. Entre secrets et mensonges, les relations entre les protagonistes se fissurent peu à peu au cours d’un huis clos éprouvant. Que s’est-il réellement passé cette nuit-là ? »

(Couverture : photographie © Bill Diodato - Getty images ; graphisme © R.Pépin 2018)