Girlfriend on Mars

Sorti fin août aux éditions Rivages pour leur rentrée littéraire, Girlfriend on Mars est un roman de l’autrice Deborah Willis qui se situe à la frontière du genre SF avec la proposition d’une télé-réalité pour envoyer les deux premiers habitants de Mars. Un livre qui m’avait attiré mais qui m’a surtout été très bien conseillé par Shkolopendre sur son blog à tel point que j’ai bouleversé mon programme de lecture pour me jeter dessus. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Il n’y a pas d’espoir. Pas de beauté sans regret; pas de miracle sans peur. Les humains ont transformé la planète à tel point que plus personne n’y est vraiment chez soi.

Elle ne peut pas s’y faire.»

L’histoire de deux pommés 

Girlfriend on Mars est un récit à la fois pop, sarcastique et doux-amer qui nous fait suivre deux personnes qui luttent à leur manière face à leur éco-anxiété. Kevin n’aspire à rien d’autre que rester avec celle qu’il aime sur son canapé sans affronter le monde, fumant de la drogue qu’ils font pousser chez eux. Mais pour Amber, la possibilité de fuir la planète en participant à une télé-réalité qui pourrait l’envoyer sur Mars est l’occasion qu’elle attendait, quitte à vendre son âme. Cynique, drôle et terriblement touchant, l’histoire de ces deux protagonistes abîmés par la vie et désespérés est une petite pépite de tendresse sous une jolie couche fun. Derrière le côté acidulé et l’humour piquant, c’est le portrait très touchant de ces deux-là qui aura laissé sa marque dans mon esprit. Impossible de ne pas comprendre en partie Kevin qui a envie de tout laisser tomber, y compris l’espoir, face à l’absurdité du monde. Difficile aussi de ne pas saisir ce qui pousse Amber à foncer quitte à se perdre complètement au sein de cette société sexiste et absurde. La solastalgique que je suis a évidemment trouvé un écho étrange et attachant à leur désespoir. J’ai notamment une sincère tendresse pour Kevin qui dérive sur son canapé, coincé depuis l’enfance dans une peur du monde extérieur qui l’empêche même de vivre.

« Si j’arrive à sauver Amber, à la convaincre d’arrêter ces conneries et de rentrer à la maison, peut-être pourrais-je de nouveau croire en l’humanité. Peut-être pourrai-je vivre dans ce monde - le monde des théories complotistes et des marées noires, des dissidents emprisonnés et des déboisements, des épidémies et des tuyaux d’échappement. Peut-être pourrai-je trouver un semblant d’espoir. Peut-être pourrai-je me sauver moi-même.»

Humour piquant, amour tragique

Mais Girlfriend on Mars c’est aussi une belle dénonciation de la société consumériste et de la société du paraître relevé d’un humour cynique piquant et savoureux. Avec cette télé-réalité menée par un milliardaire des hautes technologies (qui en prend pour son grade), l’autrice nous confronte à l’absurdité de ce genre d’émission mais critique aussi avec finesse l’influence des médias, eux-mêmes contrôlés par des milliardaires, le green-washing ou encore le sexisme de ce genre de productions marketing. Tous les participants sont grossièrement stéréotypés, mis dans des cases commercialement intéressantes et évidemment sexualisées si ce sont des femmes. Le roman se moque délicieusement de ce monde sans pour autant se leurrer sur sa force de persuasion sur les masses. Girlfriend on Mars c’est aussi le récit intime d’un amour tragique, de deux êtres partis sur des trajectoires opposées et pourtant toujours liés l’un à l’autre. Avec chacun au cœur, l’envie d’une belle fin, digne des plus grandes œuvres de la pop culture. L’ensemble est terriblement efficace, accrocheur. C’est un roman qui ne fait pas mine d’essayer d’être exceptionnel ou de proposer quelque chose d’inédit. Il est, simplement et sincèrement, le récit de deux vies qui partent à la dérive dans un monde qui tente de jeter des paillettes sur un tas de cendres. Et c’est très réussi. Il se fait le porte-parole d’une génération qui aurait grandement besoin d’un peu d’espoir. J’ai eu d’ailleurs de grandes peines à le lâcher, puisant sur ma fatigue pour continuer la lecture le soir. Voilà longtemps qu’une lecture ne m'avait pas autant emportée.

En bref, c’est un franc coup de cœur pour Girlfriend on Mars qui m’aura ému derrière son côté pop, acidulé et sarcastique. J’ai été très touchée par son ton doux-amer porté par deux personnages pommés et désespérés par le monde dans lequel ils vivent/on vit. C’est un récit joyeusement cynique, tendre, dramatique et drôle à la fois qui laisse une impression durable. Un récit efficace et accrocheur qui a évidemment un écho particulier si l’éco-anxiété ou la dépression vous touche.

« Dans leur entresol des quartiers est de Vancouver, Kevin et Amber, la trentaine désenchantée, végètent sur leur canapé. Pour Kevin, le projet de vie est assez clair : cultiver leurs plants de cannabis et s'engager à aller nulle part, ensemble. Mais face à l'effondrement général, Amber a besoin d'idéal et d'action. Elle a besoin d'espace. Ainsi s'inscrit-elle au casting de MarsNow™, nouvelle émission de téléréalité entre Survivor et Star Trek, qui entend élire le couple idéal à envoyer sur Mars pour rendre la planète rouge habitable. Un improbable aller sans retour, à remporter à force de likes et de followers.»

(Illustration de couverture: © Carter Baran)

[Diversité: ps juif.ve, ps gay, ps asiatique - indien.ne, ps asiatique - japonais.e]

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