Demain le silence

Après avoir longtemps eu envie de découvrir la collection Dyschroniques des éditions Le passager clandestin, proposant des nouvelles de science-fiction exhumées pour leur qualité visionnaire, je me suis lancée avec leur titre à paraître le 17 février prochain. Demain le silence est une nouvelle de Kate Wilhelm datant de 1970 et s’inscrivant dans le courant de la speculative fiction. Et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Merci aux éditions Le passager clandestin de m’avoir proposé cet ouvrage qui me faisait très envie.]

« Pas d’oiseaux. Pas d’insectes. Pas de poissons. Et partout, le silence. Tandis qu’il s’endormait, le silence devint une entité, un être doté de bras pour le bercer et de doigts apaisants qui s’insinuaient en lui, caressant sa chair et soignant ses nerfs à vif, ses nerfs brisés.»

Anticipation écologique et sociale 

Avec ce texte, l’autrice nous propose un récit d’anticipation qui n’a rien à envié aux récits actuels. En une cinquantaine de pages, elle décrit un univers terrifiant, bercé des réalités et perpectives de son époque, entre une écologie dévastée et des cités humaines surpeuplées et étouffantes de bruit et de poussière. Nous suivons un couple très uni qui s’oppose malgré tout dans leur ressenti face à l’exploration d’une nature vaste et silencieuse. Jan, comme tous les autres membres de l’équipe d’exploration, est terrifiée par ce silence, habituée d’une vie citadine pleine de vie, d’éclats, d’activités permanentes. Lorin, lui, est en plein épanouissement dans ce décor plein de surprise et de repos qui lui semblent synonymes de libertés. Kate Wilhelm aborde la terrifiante perspective d’une nature disparue, ici retrouvée mais où la vie animale n’est plus. Elle donne à cette forêt silencieuse une aura de tombeau autant qu’un lieu d’apaisement face à la mégalopole, qui, en quelques lignes, prend pleinement sa dimension éprouvante. Le texte a ainsi une aura un peu mélancolique qui s'attache aux personnages comme aux mots. C'est un beau texte qui reflette l'esprit visionnaire de son autrice autant que les doutes déjà présents de son époque.

« Quand nous rentrerons à la maison, nous nous retrouverons au soixante-deuxième étage, avec quarante-sept autres étages au-dessus de notre tête. Nous ne verrons tomber du ciel que des particules de poussière qui s’accrocheront à nos fenêtres ou à nos vêtements.»

Court mais riche

Bien que courte, la nouvelle Demain le silence est un texte qui contient une belle richesse. Non contente d’écrire un récit d’anticipation qui se révèle aujourd’hui visionnaire, Kate Wilhelm lui offre en plus un paradigme de voyage temporel au fonctionnement intéressant ainsi qu’une dystopie/méritocratie qu’on aimerait pouvoir approfondir. Elle aborde avec elle plusieurs thématiques, comme les dérives de la psychiatrie à son époque avec le traitement de Lorin jugé fou pour son amour de la nature. Toutes ces thématiques sont d’ailleurs remises dans leur contexte après la nouvelle lors de la petite mise en perpective qui accompagne chaque titre de la collection Dyschroniques. Concernant la lecture, elle m’a donné envie de lire d’autres récits de l’autrice que je n’avais, à tort, encore jamais lu, mais aussi de retenter d’autres découvertes dans la collection. Et pourtant, le texte est imparfait, souffrant évidemment d’un manque d’originalité aujourd’hui qu’il n’avait pas à son époque mais aussi d’un manque d’approfondissement de l’ensemble des thématiques que le format court impose. Cela n’empêche pas d’en apprécier la lecture, loin de là!

En bref, Demain le silence est une nouvelle intéressante qui, pour son époque, était novatrice et visionnaire. Elle aborde plusieurs thématiques qu’il est important de remettre dans le contexte de 1970 et offre une anticipation écologique et sociale encore très moderne. Un texte qui méritait donc une nouvelle publication et, surtout, accompagné de sa mise en contexte. Une belle découverte à (re-)découvrir le 17 février prochain.

« Dans un monde surpeuplé, ravagé par la pollution et où les ressources s’épuisent, des expéditions scientifiques sont organisées pour trouver des territoires à exploiter, non pas dans des contrées lointaines mais à d’autres époques.

Lorin et Jan, un couple de biologiste et bactériologiste, font partie d’une de ces expéditions et découvrent un futur vierge de traces humaines, où aucune espèce animale n’a survécu et où les séquoias géants ont remplacé les chênes, hêtres et bouleaux. Tandis que Jan est prise de panique face au silence qui règne dans la forêt et semble impatiente de retrouver son quotidien au 62e étage de sa tour, son compagnon Lorin y voit la promesse d’une vie paisible, reconnectée avec la nature et décide de tout mettre en place pour ne plus repartir…»

(Couverture: © Yanni Panajotopoulos)

[Lecture n°12/108 (pour l'échelon 5 Synchronisation avec la page) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 10 de Ma lecturothèque]

- Lecture 38 pour le Challenge Winter short stories of SFFF de Célinedanaë -