Demain et le jour d’après

Après Terminus, que j’ai découvert tout récemment, les éditions Albin Michel Imaginaire publiaient fin avril un autre roman de Tom Sweterlitsch (son premier en fait), grâce à une traduction de Michel Pagel. Intitulé Demain et le jour d’après, il est sorti en VO en 2014 et nous propose une nouvelle intrigue entre science-fiction et thriller. Voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Un grand merci aux éditions Albin Michel imaginaire pour leur envoi.]

« Timothy ne semble pas comprendre. Je ne cherche pas le bonheur, seulement des poches de soulagement - je suis un noyé qui aspire des bulles d’air.»

Un monde sombre 

Après avoir enchaîné les deux romans traduits de l’auteur, je considère Tom Swterlitsch comme l’antithèse de l’auteur feel good. Car si Terminus m’avait déjà bien miné le moral, Demain et le jour d’après ne l’a pas vraiment remonté. Dans ce roman, l’auteur nous propose un univers où tous les vices de notre société sont exacerbés dans une débauche médiatique pour des citoyens assoiffés de sang et d’images pornographiques. Ce monde cyberpunk aux médias omniprésents n’est pas sans évoquer l’univers oppressant de BonheurTM de Jean Baret mais avec un angle d’attaque majoritairement misogyne et sans une once d’humour. Sexiste à l’extrême, l’univers de Demain et le jour d’après, ainsi que son intrigue, s’oriente autour de féminicides qui deviennent attraction médiatique. Bref, pour lire l’auteur, il faut être bien accroché. D’autant qu’à l’inverse de Terminus et son héroïne d’une ténacité épatante, ce roman a un personnage principal en dépression. Mais pourtant, j’ai été émue par John Dominic Blaxton, émue par son amour et par son deuil, et c’est ce qui m’a fait tolérer toute la chape de plomb que nous imposent l’univers et l’intrigue. Parce que, par sa fragilité, par son humanité, par son intérêt à rendre justice à ces femmes tuées, il est l’étendard d’un espoir, et un héros très intéressant. J’aurai cependant aimé des points de vue féminins plus présents dans ce monde qui les réduit toujours à de leur enveloppe de chair…

« Le hashtag Kriz explose dans les flashs, des commentaires sur le physique de la victime - visage trop chevalin mais beaux nibards -, des notes attribuées à sa baisabilité d’après les photos prises sur la scène de crime. J’atteins mon appartement, hors de portée du wifi public. Tout y est silence et, pour le briser, je ne puis guère que pleurer.»

Une intrigue sous tension

Si certaines personnes ont trouvé le roman assez lent, que ce soit dans son début notamment orienté autour du mal-être du héros, j’ai pour ma part immédiatement accroché grâce à la tension sous-jacente qui donne à l’enquête de John Dominic Blaxton un côté très prenant. Il y a aussi une certaine fascination qui s’opère avec la découverte de cet univers et le fonctionnement de l’Archive qui permet de replonger dans la ville de Pittsburgh avant l’attentat. L’auteur nous propose d’ailleurs une formidable réflexion autour de la notion de vie privée et de la surveillance permanente à travers les utilisations viciées de ce monde du souvenir. L’intensité de l’intrigue monte crescendo, notamment dans son derniers tiers, nous prenant au jeu de son univers où il est bien difficile de se cacher quand tout est connecté et médiatisé. J’ai trouvé l’aspect thriller haletant et captivant. Aussi, même si certains passages ont été difficiles à encaisser, j’ai trouvé le roman plus plaisant que Terminus (qui est tout de même plus abouti côté intrigue!). 

En bref, Demain et le jour d’après est un très bon thriller cyberpunk qui propose une intrigue sous haute tension et de puissantes réflexions sur notre monde moderne. Attention, cependant, c’est du Tom Sweterlitsch et donc c’est passablement déprimant. Je vous conseille donc de choisir un moment serein pour attaquer cette lecture et d’avoir le coeur bien accroché.

« John Dominic Blaxton, éditeur de poésie prometteur, a perdu sa femme enceinte dans l’attentat nucléaire qui a rasé la ville de Pittsburgh. Reconverti en enquêteur pour les assurances, il parcourt inlassablement l’Archive, cette recréation virtuelle de la cité via tous les documents, enregistrements publics et privés qui n’ont pas été corrompus par l’explosion. Un jour, il découvre le corps d’une disparue, Hannah Massey, à moitié enfoui dans la boue d’un parc public. Dans l’Archive, l’enregistrement de ce cadavre prouve que la jeune femme a été assassinée. Dans la réalité, il n’existe plus aucune preuve matérielle de ce crime. Pour trouver la force de continuer à vivre, John se lance dans une enquête dangereuse. Car rien ne dit que l’assassin de la jeune femme a péri dans l’attentat. »

(Illustration de couverture : © Aurélien Police)

D’autres avis sur cette édition dans la blogosphère: Un papillon dans la lune, L’imaginarium électrique, Au pays des cave trolls, De l’autre côté des livres…

[Diversité: Ps lesbienne, ps asiatique, ps végétarien.ne]

Addiction, Agression sexuelle, Alcool, Dépression, Drogue, Fausse couche, Féminicide, Gore, Meurtre, Mort, Paranoïa, Revenge porn, Sang, Scarification, Sexe, Slutchaming, Terrorisme, Torture, Viol

[Lecture n°39/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

* Lecture pour le challenge ABC de l’Imaginaire 2021 de Mariejuliet : lettre S *