Apprendre à se noyer

Après une publication en VO en 2017, In the river de Jeremy Robert Johnson débarque sous la traduction de Jean-Yves Cotté, le 26 août prochain, dans la collection Vice caché des éditions le Cherche midi avec pour titre Apprendre à se noyer. Il s’agit du premier livre traduit en français de l’auteur et sa présentation comme « conte initiatique et horrifique » m’a immédiatement attirée. Voici donc ce que j’en ai pensé…

[NB : Un immense merci à Benoît et aux éditions le Cherche midi pour ce service presse, et tout le reste.]

« Le fleuve leur donnait tant de choses, mais le fleuve n’était pas à prendre à la légère. »

Une plongée cruelle

Avant toute chose, il me semble essentiel de vous mettre en garde pour ce roman. Si le sujet de la mort d’un enfant vous touche particulièrement, vous n’avez peut-être pas les armes pour lutter contre ce texte difficile et suffocant. Car Apprendre à se noyer c’est une vague de désespoir qui anéanti tout sur son passage, un raz-de-marée de larmes acides qui laissent des marques au plus profond de nous. C’est une fable bien cruelle et macabre qui a une puissance d’impact impressionnante grâce à une maîtrise des mots et de la narration indéniable. Lire Apprendre à se noyer, c’est accepter d’appliquer son titre au sens littéral, c’est plonger dans l’injustice et la cruauté du monde en compagnie d’une âme qui ne cesse de s’enfoncer dans la noirceur de son désespoir. Et pourtant il y a du beau aussi. Beaucoup de beau même.

« Il était si petit. Un scarabée épinglé sur une planche, tête en bas, ses jambes ne le menant nulle part.

Il n’était rien.

Il regarda dans toutes les directions.

Il n’y avait rien.

Oh, mon Dieu.

Mon Dieu non. Rien.

Rien. Rien. Le garçon : parti.

Son garçon.

Mort »

… mais belle

Derrière l’ombre il y a de la poésie, il y des mots qui s’entremêlent et nous transportent, il y a de la vie et surtout beaucoup d’amour. Un amour si puissant qu’il peut faire très mal. Ce roman c’est avant tout l’histoire d’un deuil impossible, du déni, de la rage qui l’accompagnent. Oui, c’est une histoire d’amour qui détruit toutes nos barrières, ouvrant le barrage pour que les flots libérés détruisent nos limites pour nous transcender au point de défier la mort elle-même. Je ne ressors pas indemne de cette lecture qui fait l’effet d’un choc autant que d’un envoûtement par les mots. Tout y est maîtrisé. La mise en page, les respirations, tout insuffle un rythme, une suffocation et une poésie à cette histoire. Au fur et à mesure des pages, le récit prend de plus en plus une allure mystérieuse, troublante et troublée qui peut désarçonner mais que j’ai trouvé envoûtante. Cependant, la toute fin est le point noir du récit pour moi. Confuse, plus brutale, elle m’a mise à distance, me laissant finalement sur la berge. Cela empêche un coup de cœur et me donne un arrière-goût amer pour une lecture qui était pourtant si intense jusque-là. Je ne peux vous expliquer pourquoi sous peine de vous divulgâcher son final mais ceux qui me connaissent bien comprendront à la lecture.

« Quelle conception erronée du monde est la tienne pour considérer que les humains portent les seuls enfants ? Que seul l’homme peut être accablé de chagrin ou gémir dans la nuit ? »

En bref, Apprendre à se noyer est une lecture qui ne nous laisse pas indemne. Suffocant, cruel, macabre, c’est un récit qui nous plonge au plus profond des ombres et du désespoir grâce à une narration maîtrisée et percutante et un usage des mots remarquables. Son final, plus confus m’a cependant un peu déçue. Cela reste néanmoins une lecture forte qui laissera mes yeux embués de larmes. Il sort en librairie le 26 août.

« Quelque part dans la jungle somptueuse et inquiétante d’un pays d’Amérique du Sud, un père emmène son fils pêcher, l’autorisant pour la première fois à s’aventurer au milieu d’un fleuve dont les eaux se révèlent aussi dangereuses que généreuses. Ce rite d’initiation va bientôt tourner au cauchemar lorsque le jeune garçon disparaît subitement. À la recherche de son enfant, l’homme débarque sur un rivage hostile, peuplé de tribus, de chamans et de sorcières. »

(Illustration de couverture : © Matthew Revert - couverture © Jeanne Mutrel)

[Diversité : pp latinx, ps latinx]

Amputation, Automutilation, Cannibalisme, Cruauté animale, Deuil, Dépression, Insecte, Mort, Noyade, Sang