Invasion

Parfois, le choix d’un roman se fait par la lecture d’une première phrase de résumé si étonnante qu’elle donne envie d’aller plus loin. « Des boules de poils intelligentes débarquent sur Terre » est typiquement le genre de phrase qui crée la surprise et sous-entend un côté loufoque et original. Il ne m’en fallait pas plus pour tenter la découverte de Invasion de Luke Rhinehart, publié en VO en 2016 et traduit en français pour les éditions Aux forges de Vulcain en avril 2018. Et voici ce que j’en ai pensé…

« D’ailleurs, n’oubliez pas que nos réserves de charbon, de pétrole et de gaz naturel devraient nous permettre de consommer sans compter pendant encore au moins soixante ans! Quand ces réserves s’épuiseront, cela n’aura aucune importance: la planète sera tellement chaude que nous n’aurons même plus besoin de chauffer nos maisons! »

« Pasquecérigolo » ou l’art de faire rire par l’usage du sarcasme

Si déjà le résumé vous semble surréaliste, le roman va vous paraître complètement farfelu! Invasion c’est un concentré de situations assez loufoques autour de l’apparition d’extra-terrestres qui ressemblent à des ballons de plage poilus. Mais attention, leur but n’est pas de nous exterminer (ils estiment d’ailleurs que nous le faisons très bien tout seul (et ils n’ont pas tort)), mais de s’amuser. Par le biais des créatures venus d’ailleurs et terriblement intelligentes, l’auteur se permet de critiquer, avec beaucoup de cynisme et de sarcasmes, le société dans laquelle on vit, et notamment la société américaine qui en prend beaucoup pour son grade! Tout y passe, les aspects politiques et économiques, les inégalités, l’absence de considération pour les autres espèces vivantes de la planète, l’usage de la guerre et de la destruction à tout va, et le rejet systématique de l’autre. Luke Rhinehart, sous couvert d’humour et armé d’une plume pince-sans-rire excellente semble se lâcher complètement pour notre plus grand plaisir. Les dénonciations sont parfois directes, mais souvent, elles se font par le biais d’écrits des extra-terrestres, notamment des définitions ou encore de faux articles de presse écrits « pour rigoler », mais qui sont finalement là surtout pour dénoncer. On rit, souvent jaune, et on se délecte de l’ironie des situations. Bon par contre, si vous n’aimez ni le surréalisme ni le cynisme, ça ne fonctionnera peut-être pas pour vous.

« - Les enfants disent qu’ils l’ont vue en train de lire un magazine pornographique. 

- Je ne suis pas convaincu qu’il lisait. Je pense qu’il regardait les photos. Comme tout le monde finalement.»

Les meilleures blagues ne seraient-elles pas les plus courtes?

Si pendant toute une partie de ma lecture j’étais très très enthousiastes, adhérant aux propos et surtout au style et à l’humour, je dois avouer que le final a été plus laborieux pour moi. Le roman fait 530 pages, et malheureusement, finit par tourner un peu en rond au-delà des 350 premières pages. L’auteur apporte d’autres messages et des rebondissements intéressants, mais l’intrigue s’enlise tout de même et nous donne le sentiment d’avoir été un peu trop étirée. J’ai malgré tout poursuivi ma lecture, non seulement parce que j’ai adoré le début mais aussi parce que j’avais envie de savoir comment tout cela allait finir. Et je préfère le signaler pour ceux qui détestent ça: le roman s’achève sur une fin ouverte. Si au départ j’étais assez déçue de ce final qui m’a laissé une espèce de frustration, avec du recul je le juge assez pertinent, comme si l’auteur nous tendait la perche en nous disant « à vous de jouer! ». En tout cas, moi j’i choisi mon camp et je dis « vive les PP! ».

En bref, une chose est sûre, malgré ces longueurs finales, je ne regrette pas d’avoir découvert Invasion pour la plume sarcastique et pour les propos qui sont à la fois loufoques et drôles, mais aussi justes et conscientisants. En tout cas, la promesse du résumé est tenue, Invasion est très atypique.

« Des boules de poils intelligentes débarquent sur Terre. Venues d’un autre univers, elles n’ont d’autre but que de s’amuser. L’une d’entre elles, Louie, est adoptée par Billy Morton, un Américain moyen plein de bon sens. Quand les autorités décident de se saisir de ces bestioles, Billy et sa famille, échaudés par l’Amérique contemporaine où ils se sentent de moins en moins à l’aise, prennent la tangente : peut-être que, finalement, la sagesse n’est pas du côté du pouvoir politique, mais du côté de cette anarchie sympathique, de cette libération improbable que cette invasion apporte.»

(Illustration de couverture: © Elena Vieillard)