Sekt. Tome 1 : L’origine du venin

Premier tome d’une trilogie, Sekt, L’origine du venin de Vincent Ravalec paraîtra le 6 avril prochain chez les éditions Tohu-Bohu. Avec son résumé promettant une intrigue glaçante et trépidante et son visuel sanglant effarant, il m’avait tout de suite attiré. Alors, dans ces conditions, quand la maison d’édition vous le propose et vous transmet son enthousiasme, impossible de refuser ! Voici ce que j’en ai pensé…

[NB : un grand merci à la maison d’édition et notamment à Charlotte pour cette confiance réitérée et pour le soutien apporté à la lecture.]

"Le jardin d'une demeure de province. Une croix posée au sol. Un homme qu'on attache. Le son mat d'un marteau sur les clous qui traversent la chair. Un gémissement étouffé."

Un style qui n’était pas pour moi

Alors que tout démarrait plutôt bien, avec une situation bien macabre, mon enthousiasme est malheureusement vite retombé à la lecture. Mais je sais que ce livre a des arguments qui vont convaincre d’autres lecteurs et je ne voudrai pas que vous vous arrêtiez sur mon avis purement subjectif. Je pense que le souci tient surtout au style de l’auteur qui, avec moi, n’a pas fonctionné. Très vite, je me suis sentie perdue, perdue parce que le récit regorge de détails qui n’ont parfois pas grand-chose à voir avec l’intrigue et qui ont parasité mon immersion, mais aussi parce que les enchaînements de lieu et d’espace sont parfois si brusques que je ne parvenais pas à me situer et ce jusqu'au final où l'ensemble m'a laissé un sentiment de confusion (notamment à propos d'un personnage dont je n'ai toujours pas compris les intentions). Le style était peut-être trop exigeant pour moi mais je pense aussi qu’un petit élagage dans les détails superflus aurait peut-être pu suffire à alléger l’ensemble. J’ai également été gênée par l’utilisation massive du présent et de la ponctuation qui crée des scènes très saccadées du genre: «La mère intervient. Demande qu'on laisse sa fille. Serge s'en mêle. Dit qu'il y a des disparitions inquiétantes. Qu'ils vont l'emmener au commissariat. La fille fait une crise d'hystérie. Se jette contre la porte-fenêtre en essayant de se fracasser la tête dans la vitre. Elle saigne du front. Hurle. La mère hurle. Se jette sur Serge. Marie-Hélène a du mal à calmer le jeu. La mère appelle le père, qui travaille pas loin.». Ces demi-phrases hachent un peu trop les moments d’actions et font perdre rythme et fluidité. Je pense qu'à petites doses, ce genre de procédé d'écriture peut donner un effet coup de poing ou augmenter la tension (comme sur la scène d'ouverture citée plus haut), mais quand cela court sur plusieurs pages, l'action devient trop sacadée à mon sens. Enfin, côté style, Vincent Ravalec use de nombreux stéréotypes, de façon complètement volontaire, et souvent par le biais de ces personnages, notamment Serge, le flic très cliché. Mais quand on est comme moi, agacée par tout usage de stéréotypes, ça devient vite embêtant notamment lorsqu’il y a stigmatisation. Heureusement, cet aspect tend à disparaître au fur et à mesure du récit, et ne m’aura finalement dérangé que sur les premières 100 pages, où la question d’abandonner s’est posée. Je ne peux que vous conseiller de lire les premières pages via le site de la maison d’édition pour voir si le style vous convient car c’est essentiellement cet aspect-là qui a fait de ma lecture un moment fastidieux. Car je sais que tout le monde n’aura absolument pas mon ressenti et que ce roman plaira beaucoup plus à la plupart d’entre vous qu'il ne m'a plu, alors tentez le coup au minimum sur l’extrait et ne vous arrêtez pas sur mon opinion s’il vous plaît.

"Nous sommes des aveugles et des sourds, à qui une partie seulement de cet océan infini qui nous entoure est accessible. Le sens commun n'est rien d'autre qu'une barrière qui nous empêche de saisir l'immensité du Mal."

Une histoire complexe

Comme je le disais, j’ai hésité à arrêter la lecture dès les 100 pages, mais encouragée par une maison d’édition qui ne m’a jamais mis la pression (et que remercie encore sincèrement pour leur écoute), j’ai voulu aller jusqu’au bout. Honnêtement, la lecture fut laborieuse mais c’est en grande partie à cause du style qui m’a braqué. L’intrigue, quant à elle, est assez originale. On y suit une nouvelle organisation censée lutter contre les sectes, à travers Serge et Marie-Hélène, deux êtres qui ont faillis dans leur anciens boulots et qui ont chacun leur fardeaux à porter. Cela nous mène face à une organisation sombre, à des mystères aux allures ésotériques et métaphysiques et des histoires de sacrifices humains, de messes sataniques et de sabbats. C’est sombre à souhaits ! Mais il y a aussi beaucoup d'autres éléments plus complexes que l'intrigue amène, l'histoire ne se cantonnant pas aux faits habituels mais puisant dans divers faits divers ou théories plus poussées. A noter par ailleurs que, même en étant le tome 1 d'une trilogie, L'origine du venin pose une conclusion à l'histoire qui permet de ne pas nous laisser orphelin sur le final, et ça c'est plutôt pas mal. J’aurai aimé plus d’action cependant et moins de lenteur dans le récit, mais c’est encore une fois au style que j’impute cette impression. Avec des tournures parfois très littéraires et un grand flot de détails décoratifs, l’intrigue est parfois un peu noyée. L’aspect plus « fantastique » de l’intrigue ne m’a pas entièrement convaincu par contre, n’étant pas très branché par l’ésotérisme dans les thrillers, et ayant du mal, un peu comme le personnage de Serge, à ne pas juger ces histoires comme des sornettes. Malgré tout, les amateurs du genre devraient y trouver pleinement leur compte car tous les ingrédients y sont. Et encore une fois, que je ne sois pas convaincue, ne doit pas vous faire croire que ce roman ne mérite pas sa chance (oui j’insiste, mais ça m’embête beaucoup de ne pas avoir accroché et je ne voudrais pas dénigrer le travail d’auteur et d’édition que demande un tel ouvrage). Il y a clairement un public pour ce livre, mais je n’en faisais pas partie.

En bref, le tome 1 de la trilogie Sekt n'a pas été un gand moment de plaisir à la lecture pour moi à cause du style d'écriture de l'auteur auquel je n'ai pas adhéré. L'intrigue distille de bonnes idées et je suis persuadée qu'il n'aurait pas fallu grand chose (un petit élégage de détails et plus de clarté) pour que je m'y plonge pleinement. Ce n'était juste pas fait pour moi...

« Le chef gendarme y va de son laïus. Ils ont toutes les raisons de penser qu’il est arrivé quelque chose au fils de la femme ici présente et il précise qu’il serait dans l’intérêt de tous de collaborer. Aucune réponse. Silence de mort. Le jour se lève. Les yeux de la femme s’agrandissent d’horreur, ceux de Serge et de Marie-Hélène de stupeur. Dans le jardin, flottant sur des lambeaux de brouillard, scène d’épouvante, un homme est crucifié. On voit qu’il est encore vivant.

Pour Serge, flic déclassé et Marie-Hélène juge fautive, c’est la possibilité du rachat. Résoudre ce mystère démoniaque c’est la rédemption ; échouer, la plongée professionnelle aux enfers. »