Dans la forêt

Publié initialement en 1996 et traduit en français seulement en 2017 pour les éditions Gallmeister, le livre Dans la forêt de Jean Hegland a été publié dans la collection Nature writing. Ce livre m’attirait énormément mais c’est en lisant la critique coup de coeur de Maks sur son blog Un bouquin sinon rien que j’ai su que j’allais adorer. Voici donc mon avis…

« Et je dois avouer que ce cahier, avec ces pages blanches pareilles à une immense étendue vierge, m’apparaît presque plus comme une menace que comme un cadeau – car que pourrais-je y relater dont le souvenir ne sera pas douloureux ? »

Une écriture SUBLIME!

J’ai ouvert le livre, et dès les premières lignes, j’ai su que j’allais avoir un coup de coeur sur la plume. Jean Hegland et la traductrice Josette Chicheportiche on écrit une petite pépite de beauté. J’ai eu les larmes aux yeux, souvent, face à la valse des mots dont je m’enivrais pleinement. La poésie et l’intensité qui se dégage de ce texte sont incroyables. J’ai lu et re-lu encore et encore certains passages et j’ai même dilué mes instants lectures au fil des jours pour en profiter au maximum. Certains auteurs ont vraiment un don pour me transporter! Et l’écriture est si raffinée et si forte à la fois que l’immersion est décuplée. A chaque phase de lecture j’étais complètement plongée dans la vie de Nell et Eva, je sentais l’odeur du bois et de la terre, je ressentais la caresse du soleil et les courants d’air froids, j’étais comme plongée dans ce cocon isolé et fragile comme une bulle. Ce sentiment n’est que renforcé par un narrateur interne, Nell, qui se confie à nous et nous ouvre la porte de son âme. Du coup, j’ai tremblé avec elle, j’ai ris et j’ai pleuré avec elle, j’ai eu l’impression de m’insérer dans ce duo si intime et si fort. Et je n’en suis pas ressortie indemne. Les larmes ont filé à tout va tant les émotions suscitées ont été fortes. Le sujet du deuil, notamment, a été vraiment marquant car il est parfaitement abordé, tout comme l’amour de la danse. Mais attention, ce n’est pas un livre larmoyant, je retiens juste ce fait pour son intensité. Car avec Jean Hegland et via sa plume si puissante, l’émotion, quelle qu’elle soit, nous inonde complètement. 

« D’après notre mère, il avait une aptitude infinie à apporter de la gaieté, quoique je me demande maintenant si ce n’était pas une aptitude infinie à l’aimer, car, après qu’elle nous ait quittés, tout ça a changé. Quand elle est morte, la vie entière de notre père a semblé s’effondrer comme un trou noir, créant cette densité que l’encyclopédie appelle singularité, une force de laquelle rien ne peut s’échapper, une négativité qui dévore même la lumière. »

Un retour à l’essentiel

Ce qui est génial avec Dans la forêt, c’est qu’on se retrouve avec un roman apocalyptique original qui, par le biais de l’isolement de nos personnages en pleine nature, en devient à la fois un roman contemplatif de nature writing, mais conserve un rythme imposé par la situation catastrophique du monde qui entoure cette forêt. L’horreur semble éloignée mais n’est jamais oubliée et repose comme une épée de Damoclès sur le destin de ces deux femmes auxquelles on s’attache forcément. Ce roman, c’est aussi et surtout une leçon de vie. Il nous rappelle à l’ordre, nous signale notre ignorance et notre bêtise et promeut un retour à l’essentiel, à la nature, à l’instinct. Ce sont des sujets qui me parlent énormément, j’ai de plus en plus envie de m’isoler ainsi, de revenir à ce qui est simple, nécessaire et ne plus m’encombrer du reste, et Jean Hegland donne à ces valeurs une place forte. Et elle le fait sans pour autant oublier la nature humaine tumultueuse et notre habitude au confort moderne. Alors oui, certains ressentiront quelques longueurs. Et oui, certains évènements ne se sont pas déroulé comme je le souhaitais, mais pour autant, Dans la forêt est un coup de coeur pour sa poésie, pour son intensité et pour ses messages. J’ai été transportée, comme lors d’une danse improvisée et primitive et je regrette d’avoir tourné la dernière page.

« Je me demande, a dit Eva en se levant pour recommencer à danser, pourquoi qui que ce soit voudrait marcher sur l’eau… alors qu’on peut danser sur la terre. »

En bref, Dans la forêt est un petit bijou que je ne peux que vous inviter à découvrir. Avec des airs de Sur la route de Cormac McCarthy et d’Into the wild, c’est un récit fort, intense et particulièrement poétique. Il a été adapté en film (avec notamment Ellen Page) mais je ne l'ai pas encore vu et ne peut donc pas vous donner mon avis dessus.

« Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.»

(Photographie de couverture : © Stephen Carroll/Arcangel images)

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