Journal d'un vampire en pyjama

Le chanteur de Dyonisos, Mathias Malzieu, est connu pour sa poésie et sa créativité, sortant chaque fois un livre envoûtant accompagnant un album du groupe. Lorsque des soucis médicaux importants s’imposent à sa vie, cette flamme poétique ne s’éteint pas et sera à l’origine de ce récit sous forme de journal et d’un nouvel album « Vampire en pyjama ». Ce sixième livre de Mathias Malzieu a remporté le prix Essai France Télévisions 2016.

Beau, tout simplement. Je suis généralement très mal à l’aise avec les récits personnels, notamment sur la maladie, trouvant souvent que cela me met en position de voyeurisme un peu malsain. Mais comme les livres de fiction de Mathias Malzieu ont toujours été de grands coups de coeur pour moi, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai ouvert le livre, inquiète et curieuse à la fois. Et finalement, j’ai encore eu une petite claque poétique qui m’a implosé devant les yeux.

« Les mailles du filet qui m’emprisonnent sont désormais plus serrées qu’une cotte de maille. L’en-fer. Aux prises avec des doutes en métal lourd, je porte une armure qui se rebelle contre moi et me détruit de l’intérieur. »

Alors oui, ce n’est pas aussi fort que ses romans, mais ce n’est en rien comparable. On joue ici dans un autre registre, un autre monde. Malgré tout, la poésie reste présente, la beauté des mots aussi. J’aime l’écriture de Mathias Malzieu qui sait m’émouvoir sans aller dans le pathos mielleux et collant. Et ce n’est pas parce que l’histoire se trouve être, ici, si réelle que sa façon admirable de jouer avec la musique des mots disparaît, bien au contraire.

J’ai également envie de saluer le fait que dans ce livre, malgré les évènements relatés, on n’entre jamais dans un drame sirupeux qui fait pleurer dans les chaumières. L’auteur arrive très nettement à nous relater ses peurs, ses rêves, ses doutes et des-espoir(s), touchant l’humain-lecteur sans en faire un spectacle grotesque, tout en simplicité. J’ai malgré tout verser quelques larmes, lorsque l’auteur en a versé aussi, parce que je comprenais l’émotion et qu’elle a su traverser les mots pour entrer dans mon coeur. 

« Moi qui ai tant rêvé de chimères, géants, monstres amoureux et autres sirènes, me voici au combat pour un retour à la normalité. Le plus intense des contes de fées. Aller trainer dans une librairie sans penser à rien d’autre qu’à dénicher un bon livre. Sans se méfier du type qui tousse, ni de l’heure de prise de médicaments, juste s’oublier tranquillement. »

Enfin, je pense que ce journal est, comme tout témoignage, un acte nécessaire pour l’auteur, à la fois pour se donner un but créatif mais aussi pour inciter les gens à donner pour sauver des vies. Il nous rappelle également combien la normalité est une belle aventure qu'on doit chérir lorqu'on en a encore l'occasion. Je salue le courage des personnes qui comme lui, subissent des situations médicales aussi tragiques chaque jour, et qui n’ont pour lutter face à cette Dame Oclès, que l’espoir fragile que tout s’arrangera un jour. Je signalerai aussi que j’ai entrecoupé ma lecture de morceaux de l’album dont certains sont pour moi les plus beaux du groupe (Hospital Blues notamment, écrit en chambre stérile) et que ce fut un délice.

En bref, Mathias Malzieu signe ici un témoignage sincère et intimiste sur la maladie, sortant des chemins habituels de ses fictions pour nous faire vivre une aventure bien réelle, mais avec tout autant de poésie.

« Ce livre est le vaisseau spécial que j'ai dû me confectionner pour survivre à ma propre guerre des étoiles. Panne sèche de moelle osseuse. Bug biologique, risque de crash imminent. Quand la réalité dépasse la (science-) fiction, cela donne des rencontres fantastiques, des déceptions intersidérales et des révélations éblouissantes. Une histoire d'amour aussi. Ce journal est un duel de western avec moi-même où je n'ai rien eu à inventer. Si ce n'est le moyen de plonger en apnée dans les profondeurs de mon cœur. »