Rebis

Premier roman graphique pour les deux autrices italiennes Irene Marchesini et Carlotta Dicataldo, Rebis est un récit historique aux légers soupçons fantastiques en un volume publié aux éditions Le Lombard le 12 janvier dernier. Attirée par son graphisme comme par son résumé, j’ai eu envie de m’y plonger d’autant qu’on accueille les autrices lors d’une séance de dédicaces le 3 février à la libraire Molière (Charleroi, Belgique). Voici ce que j’en ai pensé…

« On peut s’aider à vivre.»

Sororité face aux ténèbres

Rebis c’est l’histoire de personnes rejetées par le reste du monde à une époque en proie à la superstition et à l’aveuglement religieux. Soit parce qu’elles sont différentes ou considérées comme des erreurs de la nature, soit parce que le monde les considère comme des sorcières, comme de nombreuses femmes de l’époque où se déroule la bande dessinée. Mais c’est aussi et avant tout l’histoire du lien fort, de la sororité qui naît entre les exclues et qui peut soigner même les blessures les plus cruelles. Bouleversant, ce récit dresse le portrait de deux personnes particulièrement attachantes qui ont tant besoin de ce lien pour survivre au monde. C’est un cri puissant pour la liberté d’exister telles que nous sommes et pour l’acceptation des différences quelles qu’elles soient. En plus d’un message féministe évident, les autrices évoquent aussi dans cette histoire le handicap, la différence physique, la transidentité ou encore l’amour non hétérosexuel de manière totalement naturelle, sans pointer du doigt ces sujets. Bref, de manière parfaitement inclusive. La narration est ainsi pleine de petites subtilités, d’éclats de lumière au creux des ténèbres.

Émotions et envoûtement

Graphiquement, même si je regrette un traitement numérique, Rebis est une œuvre très agréable à parcourir. La narration graphique est particulièrement réussie, tant pour l’intensité qu’elle donne à l’histoire et aux émotions des personnages que pour la force de ce qu’elle véhicule là où les mots sont insuffisants. C’est dans ce graphisme qu’on lit l’espoir, l’importance du lien qui unit nos chères exclues ou encore les instants fugaces de joie et de peine. Il y a une sincérité bouleversante qui se dégage de certaines cases, comme si les personnages dans le silence de la nuit, nous laissait voir leurs failles. La colorisation tout comme le design des personnages est aussi un point fort, rendant l’ensemble envoûtant et immersif. Le récit nous emporte ainsi sans faillir de la première à la dernière page, entre moments suspendus d’une beauté folle et scènes intenses. Je regrette peut-être une fin un peu brusque où j’ai eu le sentiment qu’il me manquait quelques éléments pour avoir le temps de dire au-revoir à ces deux personnages que j’ai aimé du fond du cœur.

En bref, porté par un graphisme doux et envoûtant, Rebis est une bande-dessinée en un volume qui nous propose une histoire particulièrement touchante, portée par des personnages attachants. La narration, tant visuelle qu’écrite, est particulièrement réussie et dessine en creux d’un monde injuste la beauté absolue de l’espoir, de l’amour et de la liberté d’exister.

« En plein Moyen-Âge, Martino a eu le malheur de naître atteint d'albinisme au beau milieu d'une communauté prompte à purifier toute différence par le feu. Rejeté par son père, harcelé par les autres enfants du village, il va devoir prendre les chemins de traverse. En plein coeur de la forêt, Martino fait la connaissance de Viviana, une « sorcière ». Entre exclus, on se reconnaît. Au sein d'une sororité de femmes mises au ban de la société, le jeune garçon va grandir et se révéler à lui-même pour tenter d'accepter sa différence face à l'intolérance de la société. »

(Illustration de couverture & extrait : © Carlotta Dicataldo)

[Diversité : pp albinos, pp lesbienne, pp trans, ps lesbienne, ps aveugle]

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