Paternoster

Julia Richard revient avec un nouveau roman aux éditions de L’Homme sans Nom à paraître le 12 mai prochain. Intitulé Paternoster, il inaugure un nouveau label chez l’éditeur, « Ir_Reel », à l'orée de l'imaginaire et de la littérature contemporaine. Avec un tout léger soupçon de fantastique (qui peut passer inaperçu), Paternoster s’inscrit en effet plus dans le thriller psychologique que la SFFF. Et voici ce que j’en ai pensé…

[NB : Un grand merci aux éditions de L’Homme sans Nom pour ce service presse.]

« Comme on dit: dans l’espace, personne ne vous entend crier; mais au fond de la Dombes non plus.»

Une ambiance oppressante à souhaits

Julia Richard nous prouve une fois de plus tout son machiavélisme en nous offrant cette fois un roman qui nous plonge dans un sentiment de malaise très puissant du début à la fin. On démarre la lecture sur un prologue terrifiant avant de plonger dans un récit sur deux temps, celui des débuts amoureux et celui des vacances au coeur de la Dombes à la rencontre de la belle-famille. Deux temps où on alterne entre la construction d’une relation de plus en plus toxique (alerte perversion narcissique hyper insidieuse!) et rencontre avec les beaux-parents emplie de malaises, de jugements de classes gerbants et d’incertitudes glaçantes. En tant que lectrice, j’ai alterné entre l’addiction terrible à la lecture, avide d’en savoir plus même quand il ne se passait pas grand chose, malaise terrible face à certaines situations qui atteignent pour moi un niveau d’horreur psychologique bien trop réel mais aussi beaucoup de colère. Ooooh que j’ai eu envie de casser des genoux à la lecture! Et de secouer notre jeune Dana! Et ce maelströms d’émotions assez intense ne fonctionne que parce que le roman est absolument maîtrisé en termes d’ambiance, d’écriture, notamment des personnages, et de découpe narrative. Il secoue bien comme il faut, nous malmène un peu (voire beaucoup) et laisse en tête une impression tenace une fois la lecture achevée. Paternoster est clairement un roman obsédant qui vous happe dès les premières pages et ne vous permet plus de vous échapper ensuite, pris au piège que l’autrice nous tend avec un plaisir assez évident.

« Je porte le nom de ma lignée, les attentes de mes ancêtres… Et elles sont féroces. Implacables, même. Si tu acceptes de rester avec moi, tu acceptes tout le reste. À vrai dire, c’est pire que ça. Si tu donnes ton accord sur ce minuscule petit point, tu peux dire adieu à tes choix, le reste est déjà tout tracé.»

Le coût du bonheur

Paternoster est un roman dont l’horreur est finalement bien ordinaire, ce qui ne la rend pas moins terrible. Julia Richard nous dresse le terrible portrait de notre société qui promeut si fort la réussite sociale et tout ce qu’elle implique (être bien né, réussir professionnellement, respecter une certaine étiquette, …) et qui impose, de facto, une pression terrible sur certaines populations, et encore plus chez les femmes de qui on exige beaucoup. Non seulement il s’agirait de rentrer dans la case de la réussite mais aussi dans celle de la femme belle, de l’épouse parfaite et de la mère de famille impeccable. Julia Richard nous met le nez dans ce système qui cherche à effacer notre identité, nos marqueurs culturels et nos aspérités pour entrer dans la jolie case lissée et atteindre des sphères synonyme de cette réussite qui, à mon humble avis, ressemble plus à un échec. Subtil mais néanmoins féroce, le roman démontre avec brio ce mécanisme terrifiant où la monstruosité n’est pas irréelle mais se cache dans les profils impitoyables des hautes sphères. Insidieux dans l’évidence, le procédé est ici magnifiquement mis en lumière et nous file une sacré claque, porté par la plume piquante de l’autrice. Concernant l’aspect imaginaire du récit (puisque c’est une question qui m’a beaucoup été posée durant ma lecture), Paternoster se situe pour moi majoritairement du côté non-imaginaire de la force bien que certains éléments installent un doute permanent avec quelques aspects pas tout à fait explicables (quoique). On navigue par instants dans une zone un peu floue de la frontière des genres mais qui ne bloquera aucunement les allergiques à la SFFF. Je crains un peu qu’en étant édité chez L’Homme Sans Nom, Julia Richard ne se soit privée d’un public plus large tant ce roman entre dans les cases du thriller psychologique classique. À nous de l’amener sous les lumières de ce public éloigné des littératures de l’imaginaire car il a tout pour plaire au plus grand nombre. C’est un roman si accrocheur et si efficace avec son ambiance oppressante qu’il constitue un page turner diabolique à côté duquel il serait dommage de passer.

« C’est tellement plus simple de s’accrocher à ses privilèges et de blâmer gratuitement les autres que de remettre en cause le système et de se faire mutuellement confiance.»

En bref, Paternoster est un roman obsédant qui nous attrape, nous sidère et nous fout en rogne avec son histoire d’une monstruosité ordinaire. Son ambiance glaçante est maîtrisée de bout en bout et souligne avec force la violence de classes, teintée de féminisme. Impossible à lâcher et machiavélique, Paternoster file une claque qui résonne encore longtemps.

« Pour Dana, jeune femme issue d’un milieu modeste, Basil Paternoster a tout du compagnon idéal : séduisant, éloquent et de bonne famille. Mais lorsque vient la rencontre avec les beaux-parents, dans leur vaste propriété de campagne lors d’un été caniculaire, les choses s’engagent mal.

Ballottée entre les apéritifs qui n’en finissent pas, les traditions qui lui sont étrangères, et les échos de sombres secrets de famille, Dana doute. A-t-elle vraiment envie de faire partie de ce clan ?

Alors que ses idéaux se brisent et que la réalité la rattrape, c’est tout son équilibre qui chavire. Et si le bonheur n’était qu’un piège bien cruel ? »

(Illustration de couverture: © François-Xavier Pavion)

[Diversité : pp arabe - Algérien.ne, ps arabe - Algérien.ne, ps mulsuman.e, ps avec un bec de lièvre]

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[Lecture n°35 (38/84 points avec les bonus pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 11 de Ma lecturothèque]