Morgane Pendragon

Le 18 janvier prochain, les éditions Albin Michel Imaginaire nous proposent de découvrir le nouveau roman de Jean-Laurent del Socorro, Morgane Pendragon. L’auteur, habitué des romans mêlant historique et imaginaire, s’attaque cette fois au mythe arthurien en le rendant morganien. Très admirative du travail de l’auteur (dont vous trouverez plusieurs chroniques sur le blog), il me tardait de découvrir ce titre que j’ai eu la chance de recevoir en avant-première. Voici ce que j’ai pensé de ma première lecture de l’année…

[NB: Un grand merci à Gilles Dumay et l’équipe AMI pour cet envoi très attendu.]

« En cet instant, nul ne peut prédire ce qu’il adviendra de mon règne. Il sera peut-être à ce point exceptionnel que les bardes en feront une légende. Si cela doit arriver, encore faudra-t-il qu’elle ne soit pas déformée par les hommes qui la chanteront et qui refuseraient le droit à une femme d’en être l’héroïne. Si les personnes qui entendront mon histoire doutent de sa véracité, puissent-elles au moins ne pas oublier mon nom: Morgane Pendragon.»

Une réécriture à la base

S’il y a bien des légendes qui ont fait naître de nombreux récits, ce sont celles de la mythologie arthurienne. Avec ce roman, Jean-Laurent del Socorro propose bien plus qu’une énième réécriture de ce mythe mais le repense complètement depuis la base en changeant jusqu’à la lignée ou le sexe des personnages et, surtout, en repensant complètement la culture du royaume de Logres. Exit les demoiselles en détresse et les femmes de… , il nous offre de véritables chevalières qui ont le même statut que les hommes. Exit les relations homme-femme classiques, place à des relations polyamoureuses et des personnages pan. Il se rapproche ainsi plus des cultures celtes où les femmes n’étaient pas écartées et propose ainsi une Morgane, ici fille d’Uther, chevalière, appelée à régner sur Logres en retirant l’épée du rocher. Une réécriture plus moderne, féministe et inclusive qui permet un bon coup de frais tout en étant un roman pourtant ancré dans certaines réalités historiques (ici un ancrage au VIIème siècle avec l’arrivée du christianisme en Angleterre). On y aborde aussi les mythes celtes, avec des créatures de faëries et des éléments magiques qui parlent beaucoup à mon âme bercée par ces légendes et permettent de très beaux instants plein de poésie et de sagesse. Un mélange réussi donc! L’auteur a également glissé dans ce roman quelques références plus étonnantes, par exemple au Seigneur des anneaux, qui, personnellement, m’ont un peu sorti du récit et ne me semblaient pas nécessaires. Mais elle ne sont qu’anecdotes heureusement.

« La barde transforme notre bataille en un poème, panse nos plaies de rimes réconfortantes, métamorphose chaque visage disparu en un souvenir qu’il nous faudra garder dans nos cœurs pour le faire vivre éternellement.»

Un début plus difficile pour une fin plus épique

Morgane Pendragon est un roman de fantasy épique où guerres et stratagèmes politico-religieux sont centraux et dont l’intrigue se déroule sur des dizaines d’années. Après un prologue admirable en termes d’ambiance et d’introduction des personnages, j’ai ensuite eu quelques difficultés à bien cerner les différents protagonistes, notamment Morgane et Arthur pour lesquels je n’ai finalement développé que peu d’attachements, chose inhabituelle pour moi avec les récits de l’auteur. Cela m’a au départ désarçonné, de même que les ellipses nécessaires dans les batailles et les actions pour que l’intrigue puisse avancer. Je n’avais pas le sentiment d’avoir le temps de m’imprégner des lieux et des ambiances suffisamment pour m’investir émotionnellement. Un sentiment qui a perduré tout de même sur près de 120 pages. Puis l’aspect épique, les intrigues religieuses et les stratagèmes sous tension ont finalement emporté mon rythme de lecture, m’accrochant aux pages avec fébrilité sans pouvoir lâcher le livre sur le final. Le roman n’est pas tant intéressant pour ses personnages et leurs relations que pour ce qu’il dit des légendes et de l’Histoire où les femmes sont si souvent oubliées parce que les hommes qui en ont fait n’ont pas voulu leur donner la place qu’elles avaient. Morgane Pendragon propose une vision de la légende de la Table ronde que j’aime beaucoup plus que l’original, une vision où les croyances païennes, l’égalité des sexes et l’ouverture à l’autre sont bien plus présentes. Et cela ne gâche en rien l’aspect épique de la légende, y ajoutant même un peu plus de poésie pour notre plus grand plaisir. 

« N’y a-t-il pas de place pour les reines dans nos histoires?»

En bref, Morgane Pendragon propose une formidable révision féministe et inclusive des légendes de la Table ronde dans un récit épique de luttes politico-religieuses entre mythologie celte et histoire du VIIème siècle. J’ai eu de nombreuses réticences au départ sur le mode narratif à ellipses et les personnages mais le roman m’a finalement conquise sur sa deuxième moitié en m’accrochant à ses pages avec force. Si ce n’est pas mon roman préféré de l’auteur, il n’en reste pas moins un texte très intéressant qui instaure une belle légende morganienne. 

« An 601. Île de Bretagne. Depuis la mort d’Uther Pendragon, souverain du royaume de Logres, aucun héritier n’est monté sur le trône. Pour cela, il faudrait réussir à extraire l’épée du défunt monarque, enchâssée dans la pierre. À l’aube de ce nouveau siècle, les prophètes en sont pourtant persuadés : un nouveau roi va naître. Le puissant Merlin a la certitude qu’il s’agit de son protégé, le jeune Arthur, mais c’est Morgane, la fille cachée d’Uther, qui s’empare de l’épée. Réussira-t-elle à faire face aux guerres, aux intrigues et aux trahisons, et à s’imposer comme une souveraine légitime ? La légende morganienne ne fait que commencer.»

(Illustration de couverture : © Didier Graffet)

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[Lecture n°1 (1/84 points avec les bonus pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 11 de Ma lecturothèque]