Dompteur d'anges

Nom dorénavant inévitable dans le domaine du thriller français, Claire Favan a marqué les esprits avec Serre-moi fort en 2016 (que je vais m’empresser d’acquérir maintenant qu’il est en poche), prix Griffe noire du meilleur polar français. Le 16 février prochain sort son nouveau livre, Dompteur d’anges, aux éditions Robert Laffont, collection La Bête Noire. Et je pense qu’encore une fois, Claire Favan ne vous laissera pas indifférent…

[NB: Je remercie vivement les éditions Robert Laffont pour la confiance qui m’a été accordée et notamment Cécile Ruelle pour sa gentillesse. Je remercie également Claire Favan pour cette dédicace surprise qui m’a fait sauté de joie pendant 15 bonnes minutes. Bien entendu, ce n’est pas parce que c’est un service presse que ma critique en sera affectée.]

Diablement efficace

Lorsque j’ai commencé la lecture de Dompteur d’anges, je ne pouvais plus m’arrêter. Et même si je manque cruellement de temps en ce moment, ce petit bijou de suspens n’aura pas tenu 48h. Je l’ai dévoré avec avidité tant l’histoire était finement menée et l’ambiance relativement oppressante pour m’accrocher pleinement. En quelques 400 pages, ce sont plusieures dizaines d’années qui se déroulent. À un rythme effréné, renforcé par des chapitres extrêmement courts et des ellipses qui cisèlent le récit à intervalles réguliers, ce thriller est un page-tuner addictif qui vous embarque, vous accroche et ne vous lâche qu’une fois la dernière page tournée. Claire Favan a une écriture « efficace ». Sans fioritures inutiles, directe et fluide, sa plume renforce l’addiction à ce récit intelligent. L’auteur nous mêne allègrement par le bout du nez, nous entraîne dans un flux incessant de rebondissements et de découvertes étonnantes qui captivent jusqu’au dénouement final. C'est tout bonnement jouissif! Et tout petit spoil: c’était sympa d’y croiser Olivier Norek et Victor Coste.

« Chaque matin avant de se rendre à son travail dans le cabinet du médecin qui a repris l’activité de son père après son décès, elle s’arrête à l’église pour s’agenouiller devant l’autel afin que Dieu entende ses prières. Histoire qu’elle ne se fasse plus de mouron, il l’exauce. Tandis qu’elle vient juste de fêter ses trente-cinq ans, un camion la fauche sur un passage piéton.»

Une histoire de vengeance

L’auteur nous propose une histoire complètement dingue: celle d’un homme innocent, transformé en « monstre » vengeur par une justice injuste. Elle questionne la culpabilité, elle interroge nos propres certitudes sur ce qui est bon ou pas et sur le jugement parfois trop rapide que l’on peut porter sur quelqu’un. Cela m’a évoqué les écrits de Karine Giebel dans la manière où, là aussi, on est un peu amené à comprendre le mal, à le justifier sous certains aspects. Je comprenais la révolte de Max et je me surprenais même, durant la partie en prison, à l’encourager… Bon bien sûr, de là à tolérer l’enlèvement d’enfants et leur endoctrinement il restait encore de la marge. Je regrette un peu que le récit se déroule sur tant d’années et avec tant d’ellipses, même si j’en comprends l’intérêt, parce que j’aurai souhaité m’appesantir un peu plus sur la psychologie des personnages, notamment de Max, afin de le « comprendre » un peu plus et être, de fait, plus mal à l’aise (moi, maso? Noooon!). C’est ce qui, selon moi, a empêché le coup de coeur. Alors certes, cela donne une fresque hyper haletante qui ne souffre d’aucun répit, mais j’aime aussi quand quelques longueurs sont là pour nous embrouiller un peu plus et nous retourner le cerveau.

« Ce que ni Porter, ni Moore ne mesurent pleinement, c’est que s’ils ont fait emprisonner un innocent, c’est un être assoiffé de vengeance et ivre de haine envers la société qu’ils contribuent à libérer. Le Max Ender qui a pénétré entre ces murs n’existe plus. »

Sombre sans être trop trash

Claire Favan réussit avec brio a écrire une histoire sordide et particulièrement sombre avec « délicatesse ». Sans entrer dans un trash insoutenable, elle décrit des scènes d’horreur absolue avec ce qu’il faut de détails pour qu’on se retrouve plongé dedans, mais aussi ce qu’il faut de distance pour ne pas nous filer la nausée. Certes, je ne suis pas contre les descriptions sordides et j’ai trouvé le tout parfois un peu « propre » mais cela en fait un récit fluide et efficace pour le plus grand nombre. C’est assez déroutant de voir qu’elle arrive à mettre en scène des enfants élevés comme des machines à tuer sans que cela ne devienne intolérable pour le lecteur. Claire Favan arrive à nous faire apprécier ces enfants parce qu’ils sont victimes autant de coupables et c’est aussi ce qui rend plus acceptables leurs actes selon moi. Alors oui, le récit est noir, brutal, un peu dingue, mais cela reste suffisamment supportable pour que votre lecture reste un bon divertissement glauque. Malgré tout, je regrette légèrement la conclusion que j’ai trouvé un peu express et que j’avais imaginé/espéré beaucoup plus angoissante.

En bref, Dompteur d’anges est un excellent thriller, sacrément intelligent, terriblement addictif et un peu dingue qui vous embarquera irrésistiblement de la première à la dernière page. Lisez-le sans hésiter! Pour moi, il a frôlé le coup de coeur à cause d’un côté un peu trop propre et d’une ambiance qui ne m’a pas mise suffisamment mal à l’aise mais ça c’est juste mon côté amatrice de glauque qui parle…

« On ne choisit pas sa famille. Encore moins celle de son ravisseur...

Condamné pour un meurtre qu'il n'a pas commis, Max Ender a été jeté en pâture à ses codétenus par ceux-là mêmes censés assurer l'ordre et la discipline au sein de la prison. Lorsqu'il est reconnu innocent et libéré, ce n'est plus le même homme. Il n'a désormais plus qu'une seule idée en tête : se venger de cette société qu'il hait par-dessus tout.

Pour frapper ses bourreaux au coeur, il va enlever leurs enfants et, méthodiquement, au fil des ans, faire de ces petits anges des bêtes féroces avant de les envoyer punir ses tortionnaires à sa place. Tout se déroulera selon ses plans jusqu'à ce qu'une de ses créatures lui échappe et disparaisse dans la nature… »

(Photographie de couverture: ©Jessica Lia/Arcangel images )

* Question du jour : dans la situation de Max, chercheriez-vous à vous venger? *