La bibliomule de Cordoue

Publiée cette année aux éditions Dargaud, La bibliomule de Cordoue est une bande dessinée historique écrite par Wilfrid Lupano, illustrée par Léonard Chemineau et mise en couleurs par Christophe Bouchard. Se déroulant dans le Califat d’Al Andalus en 976, elle est le récit du plus grand autodafé de l’histoire et suit les péripéties d’un bibliothécaire, d’une copiste et d’un ancien apprenti voleur tentant la sauvegarde de quelques-uns de ces précieux ouvrages. Avec sa pluie de critiques positives, c’est une BD qui me faisait très envie et voici ce que j’en ai pensé…

" Tant que les hommes vivent comme des bêtes apeurées, grattant la terre pour subsister, convoitant la richesse du voisin et craignant l'épée de l'étranger, il leur est difficile de voir la beauté de la poésie ou de l'intérêt de la science. Ils ne veulent pas être riches. Ils veulent êtres à l'abri."

Entre drame, leçon d’histoire et touches d’humour

Cette bande dessinée s’insère dans des faits historiques réels autour de l’histoire du califat d’Al-Andalus et de la triste destinée de la Bibliothèque de Cordoue, lieu réunissant tant de savoirs inestimables que le fanatisme religieux et la quête de pouvoir ont anéantis. Elle propose d’aborder ce pan de l’histoire passionnant que nous connaissons peu bien qu’il ne soit pas très éloigné de nous et nous plonge avec brio dans cette époque d’une Espagne musulmane riche de connaissances et source de tant d’évolutions. Une plongée historique de qualité qui ne devient pas ennuyeuse ou professorale puisqu’elle sert de décor à une histoire rocambolesque très humaine. Une aventure désespérée pour l’amour des livres et des savoirs qui se teinte de nombreuses émotions, passant de l’émerveillement à la peine tout en n’oubliant pas de nous faire doucement sourire voire rire par instants. Un concentré de vie et une ode à la transmission des savoirs, à la science et à la beauté des livres qui n’est évidemment pas pour me déplaire et dans laquelle je trouve un écho de ce qui me fait vibrer moi aussi. J’ai été émue par cette lecture qui dit beaucoup sous couvert de nous raconter une histoire palpitante pleine de rebondissements. C’est aussi riche en contenu qu’en émotions et ça en fait une très grande BD.

Un trio attachant

Avec son trio de personnages attachants, Wilfrid Lupano propose aussi d’aborder plusieurs réflexions sur l’époque, réfléchissant notamment à la place des femmes, à la place des esclaves aussi et rappelant sans cesse l’importance de l’instruction pour s’offrir un peu de liberté. Une formidable analyse de l’éveil et de la lumière que peuvent apporter les savoirs (ici par le livre) sur le monde en tant que vecteurs d’émancipation et, donc, de paix en comparaison avec l’obscurantisme, le fanatisme et la guerre (qui vont souvent de pair). J’ai beaucoup aimé l’obstination passionnée et dévorante de Tarid, j’ai été très touchée par Lubna et emportée par ses réflexions et j’ai rit aux côtés de Marwan et de cette mule. Cet attachement et cette immersion sont aussi due au talent de Léonard Chemineau qui nous offre des illustrations très réussie et pleine de vie qui donnent à cette bande dessinée ce petit plus d’émotions qui nous emporte. Ces dessins de la bibliothèque de Cordoue sont d’une luminosité superbe grâce aux couleurs de Christophe Bouchard qui a su transmettre l’ambiance de cette histoire avec justesse.

En bref, La bibliomule de Cordoue est une bande dessinée formidable qui nous parle de l’importance des savoirs, de l’amour des livres, d’instruction comme outil de paix et d’émancipation et, bien sûr, d’obscurantisme. Avec son aventure touchante et rocambolesque, elle offre une lecture très agréable tout en proposant une belle plongée dans l’histoire du califat d’Al-Andalus et des trésors que la bibliothèque de Cordoue recelait.

« Califat d'Al Andalus, Espagne. Année 976

Voilà près de soixante ans que le califat est placé sous le signe de la paix, de la culture et de la science. Le calife Abd el-Rahman III et son fils al-Hakam II ont fait de Cordoue la capitale occidentale du savoir.

Mais al-Hakam II meurt jeune, et son fils n'a que dix ans.

L'un de ses vizirs, Amir, saisit l'occasion qui lui est donnée de prendre le pouvoir. Il n'a aucune légitimité, mais il a des alliés. Parmi eux, les religieux radicaux, humiliés par le règne de deux califes épris de culture grecque, indienne, ou perse, de philosophie et de mathématiques. Le prix de leur soutien est élevé : ils veulent voir brûler les 400 000 livres de la bibliothèque de Cordoue.

La soif de pouvoir d'Amir n'ayant pas de limites, il y consent.

La veille du plus grand autodafé du monde, Tarid, eunuque grassouillet en charge de la bibliothèque, réunit dans l'urgence autant de livres qu'il le peut, les charge sur le dos d'une mule qui passait par là et s'enfuit par les collines au nord de Cordoue, dans l'espoir de sauver ce qui peut l'être du savoir universel.

Rejoint par Lubna, une jeune copiste noire, et par Marwan, son ancien apprenti devenu voleur, il entreprend la plus folle des aventures : traverser presque toute l'Espagne avec une « bibliomule » surchargée, poursuivi par des mercenaires berbères.»

(Illustration de couverture & extrait : © Léonard Chemineau, couleurs © Christophe Bouchard)

> Lire un extrait (© Dargaud) <

[Diversité : pp gros.se, pp musulman.e, pp eunuque, ps noir.e, ps musulman.e, ps arabe]

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