Sang dessus dessous

Claude Izner est le pseudonyme de deux soeurs, Liliane Korb et Laurence Lefèvre, écrivant depuis 1999 des romans policiers à quatre mains. Surtout connues pour la série des enquêtes de Victor Legris dans le Paris de 1900, Sang dessus dessous fut leur premier roman et met en scène un lointain descendant de leur personnage fétiche. C’est aussi leur seul roman se déroulant dans notre époque. Il fut réédité en 2013 chez 10/18, collection Grands détectives. 

Sans grand intérêt

Voilà quelques mois que ce livre, abandonné gracieusement par un lecteur, errait dans ma PAL. Par deux fois je l’avais commencé et par deux fois je l’ai laissé de côté pour passer à une lecture qui m’attirait plus ou qui était plus urgente. Ma relation avec ce livre était donc déjà mal engagée. Profitant d’une pause entre deux grosses lectures, j’ai décidé d’aller au-delà de mes a-priori et de me lancer pour finalement regretter un peu le voyage mais être soulagée de pouvoir, à mon tour, l’abandonner quelque part. Ce n’est pas que ce livre soit totalement mauvais, ni trop complexe ou long, mais voilà, il est juste passable, comme un livre qu’on lirait dans un transport ou en vacances pour l’oublier sur un banc aussitôt fini. L’histoire n’a pas grand intérêt, nous guidant par la main dans un imbroglio faussement complexe que l’on démêle rapidement sans pour autant en saisir les tenants et aboutissants. Je dois avouer n’avoir toujours pas compris les motifs de ces meurtres, la motivation sous-jacente du meurtrier, et encore moins la résolution finale complètement miraculeuse. Pas de surprise, pas de réel suspens, aucune angoisse… juste un peu d’ennui. L’histoire n’a vraiment pas d’intérêt, les « énigmes » que j’espérais se résolvent d’elle-mêmes et l’ensemble n’est pas suffisamment bien ficelé pour nous intriguer. 

« Elle rencontrait toutes sortes de gens, des personnes âgées peu pressées de retrouver leurs quatre murs, des hommes solitaires en quête d’aventures, des fanas de flipper, des poivrots, patchwork d’humanité accoudée à des zincs, assise sur des banquettes tuant les prémisses de la nuit avant de se perdre en elle.»

Un ensemble peu crédible

Au-delà de l’histoire un peu plate, le tout m’a semblé peu crédible, dans les faits comme dans le fond. Première concernant les personnages: ceux-ci me paraissent un peu hors-du-temps, échangeant des propos particulièrement tarabiscotés qui ne font pas très actuels (et surtout qui ne me semblent pas correspondre à leur âge et milieu social la plupart du temps). Je n’y croyais pas une seule seconde. Sans parler de leur psychologie, assez linéaire voire particulièrement floue, surtout pour le meurtrier. Quitte à évoquer les caractères, notons que les romances qui se créent ici sont à la fois express, étranges et peu réalistes elles aussi. Concernant les faits, il aurait également été souhaitable de fignoler un peu le tout pour que tout nous paraisse plausible. Je ne sais pas mais, par exemple, quand on laisse ses empreintes partout autour d’un cadavre on est pas censé être un jour interrogé par la police? (D’ailleurs, malgré qu’il s’agisse d’un polar, la police est complètement absente dans ce récit.) Par manque de crédibilité, le récit n’est pas captivant car le lecteur un minimum attentif n’y adhérera pas une seule seconde. 

« Le ciel déversait une pluie de cinéma. Il la prit dans ses bras, ses lèvres étaient douces et chaudes. Il s’écarta légèrement, posa une main sur ses cheveux.

- Soyez prudent, Milo, je risque de m’attacher.

- Trop tard, chuchota-t-il, je n’ai plus de défense. »

Un livre pas complètement mauvais

Il y a quelques points positifs que j’aimerai malgré tout souligner pour ne pas dresser un tableau complètement noir. Premièrement, les livres. Milo, le personnage principal, étant bouquiniste, les références littéraires sont nombreuses et parsèment le récit de petites citations agréables. Deuxièmement, l’écriture. Bien qu’inégale sur de nombreux aspects, il est important de souligner sa qualité pour un premier roman à quatre mains. Certains paragraphes sont particulièrement élégants dans leur formulation et on ressent un vrai talent au niveau de la plume par instants. Je pense également que la série dans le Paris de 1900 qu’elles ont écrite ensuite est beaucoup plus adaptée à leur style, notamment dans les échanges entre les personnages. Enfin, même si je l’ai abandonné à deux reprises, plus par manque d’envie qu’autre chose, il faut avouer que ce petit livre de 250 pages se lit vite. Et même si il sera oublié aussi vite, il peut permettre de passer le temps de façon relativement agréable si on a rien d’autre sous la main.

En bref, Sang dessus dessous n’est pas un roman policier que je recommanderai volontiers. En effet, pourtant loin d’être complètement mauvais ou dénué de qualités, son histoire peu crédible et ses personnages irréalistes en font un polar anecdotique pour lequel on peut aisément passer notre chemin. 

«Paris, 1998. Un libraire est retrouvé assassiné dans sa boutique – nu, la tête dans un sac plastique, poignardé post mortem. À ses pieds, deux Jules Verne de la collection Hetzel lacérés et posés sur la tranche. Milo Jassy, bouquiniste désabusé des quais de la Seine, est condamné à résoudre cette énigme s’il ne veut pas connaître le même sort. Il devra pénétrer le labyrinthe des vestiges d’un Paris qui s’en va, avec pour seul fil d’Ariane celui de ses amours et de ses amitiés perdues. »

(Photographie de couverture: © Nicolas Galy )

* Question du jour : aimez-vous flâner sur les étals des bouquinistes de rue? *