Le projet Myrddinn

Auteur d’essai politique utopiste, Emmanuel Dockès s’est essayé cette année au roman avec Le projet Myrddinn paru aux éditions du Détour au mois de septembre. Mêlant notre histoire récente avec l’histoire d’un petit peuple oublié, ce roman fantastique m’intriguait pour sa proposition. Voici donc ce que j’en ai pensé…

« La surpopulation croissante et la lutte jamais interrompue du proliférans contre toute espèce vivante non domestiquée, conduit actuellement à une destruction du biome de surface. L'éradication rapide des insectes en est le signe le plus clair et le plus dramatique. »

Un savant mélange du réel et de l’imaginaire

Le projet Myrddinn est un roman qui tresse deux narrations. Nous y suivons en effet des gnohms adolescents, créatures minuscules vivant sous terre et dont l’Histoire retrace celle de l’humanité mais également Quasie, dans le monde des humains, une jeune femme retrouvée bébé dans la forêt et souffrant de difformités physiques. Deux histoires d’adolescence en construction qui se font écho, qui se lient et qui racontent ensemble notre monde. Mêlant habilement les deux aspects et points de vue, l’auteur aborde avec malice les évènements récents de la crise sanitaire mais questionne aussi le monde politique à l’échelle d’un petit peuple en plein bouleversement démocratique. Les métaphores sont parfois un peu trop évidentes mais l’univers n’en reste pas moins bien pensé et bien construit. Grâce à l’imaginaire, Emmanuel Dockès propose des messages intéressants, notamment écologiques mais aussi d’ouverture, que seul le point de vue distant et acéré des gnohms sur la race humaine peut permettre de faire passer en force. C’est un roman très malin qui propose en sus une véritable histoire et de belles évolutions de personnages. Certains aspects manquent peut-être encore de finesse mais les intentions sont bonnes.

« Avant l’Éclipse, les relations entre humains et gnohms ont été plus fréquentes qu’on ne le dit souvent. L’ambassade de Grisudhon auprès de Pie Pape était à l’époque moins étonnante qu’elle ne le serait aujourd’hui. De nombreux gnohms avaient des relations avec des humaines qu’on appelait des ‘sorcières’.»

 

Mais quelques faiblesses 

Si j’ai globalement apprécié cette lecture, j’ai tout de même peiné parfois à m’immerger dans l’intrigue, notamment dans son début un peu confus. Certains passages, éclairant notamment l’Histoire passée ou les fondements de son univers, sont très longs et très lents, cassant complètement le rythme de la lecture et créant un sentiment d’ennui. Je vous avoue que j’ai parcouru certaines pages en diagonales, n’en pouvant plus des explications à rallonge qui ne sont finalement pas nécessaires pour rendre ce monde crédible. Heureusement, la majorité du roman n’est pas de cet acabit et se lit tout de même assez rapidement. Outre les petites failles dans le rythme, le roman manque aussi d’intensité émotionnelle. Là où l’auteur nous propose des personnages très intéressants, avec des aspérités et des histoires touchantes, il ne parvient pourtant pas à nous imprégner de leurs sentiments, gardant une distance qui empêchent l’empathie. Cela reste néanmoins un bon roman qui a beaucoup pour plaire et pour convaincre. Espérons que cette première escapade en imaginaire de l’auteur ne soit pas la dernière…

En bref, Le projet Myrddinn est un roman intéressant qui mêle habilement l’imaginaire à notre présent et raconte l’humanité d’un point de vue original et savoureux. Une belle prouesse également dans le construction de personnages adolescents crédibles, qu’ils fassent notre taille ou  moins d’1cm. Je regrette néanmoins une immersion un peu difficile et un rythme qui fait défaut et aurait profité de certaines coupes dans la narration parfois trop « professorale ». 

« La révolte gronde à Miralonde, ville souterraine peuplée de petits humanoïdes. L’ennemi de toujours, l’homo sapiens, celui qui a provoqué la fuite sous la surface, serait en repli, peut-être même en voie d’extinction. Certains craignent une ruse et veulent s’enfouir plus profondément encore ; d’autres appellent à la guerre.

Le jeune Mardo étouffe dans cette société sourdement disciplinaire. Il rêve de sortir, de respirer les parfums du vent, même si c’est au péril de sa vie. Chez les humains, Quasie étouffe, elle aussi, au foyer de l’Aide sociale à l’enfance où elle vit. La violence qui y règne lui est comme une seconde peau. Il est temps pour elle de prendre en main son destin. Elle est prête.

Le Projet Myrddinn est un double roman d’initiation, intense et foisonnant, rythmé par l’avancée inexorable d’une autre race d’humains. Ils reviennent vers nous.»

(Illustration de couverture: © Hippolyte)

[Diversité: pp handicapé.e physique, ps non binaire, ps noir.e, ps arabe, ps lesbienne] 

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* Lecture pour le #PAC Pumpkin Autumn Challenge 2021 de Guimause: Menu Automne Enchanteur - catégorie La lunette de Pierre, c’est extra! Quand on veut voir ce qui ne se voit pas *