Blanc autour

En janvier, les éditions Dargaud ont publié la bande dessinée Blanc autour écrite par Wilfrid Lupano et illustrée par Stéphane Fert. Histoire vraie d’une école pour jeunes filles ayant ouvert ses portes aux femmes de couleurs en 1832, cette bande dessinée est le témoignage d’une époque, d’héroïnes et héros ordinaires et d’un combat à ses prémisses. La BD contient également une postface de Joanie DiMartino, conservatrice du musée Prudence Crandall. Voici ce que j’en ai pensé…

" - Nous mettons au monde les enfants, et nous les élevons. Des femmes noires instruites auront des des enfants instruits, qui auront des enfants plus instruits encore. 

- Ils ne veulent pas que ça commence.

- Et ça commence ici.

- Ça commence ici."

Puissant et essentiel

Je ne vais pas vous le cacher, cette BD est un immense coup de coeur. Les deux auteurs ont réussi à nous offrir une œuvre puissante, témoignant d’un fait historique important qui mérite d’être mieux connu et trouve ici un bien bel écrin pour cela. L’histoire de Prudence Crandall et des jeunes filles à qui elle enseigne est aussi belle que poignante car l’héroïsme et la volonté d’égalité de quelques unes se heurte au mur d’une société raciste qui use de tout pour réduire leur courage, du harcèlement aux procédures « légales » en passant par la violence et l’intimidation. Oui, parfois, à la lecture, on entre dans une rage folle parce qu’on s’attache à ces femmes parce qu’on comprend leur combat et qu’on a envie de prendre leur défense. Mais la BD parvient à conserver aussi de superbes instants d’espoir et de joie. Que ce soit par les personnes alliées au projet d’école ou par le bonheur sincère d’apprendre des pensionnaires, on ressent toute la beauté de cette histoire. C’est non seulement une BD qui souligne l’horreur du racisme mais qui nous parle également de féminisme. Car ce sont les femmes qui sont au coeur de cette histoire, celles qui ne peuvent pas se défendre en public car elles n’ont pas le droit d’y parler, celles qu’on traitent de sorcières pour leur soif d’indépendance, celles aussi qui ont d’autres croyances, plus proches de la nature, et qui prient la déesse (oh ce passage <3)… L’égalité pour toutes et tous, voilà ce que transmet cette histoire, voilà ce que véhicule la BD aussi. Et avec quelle puissance! Une claque qui nous fait passer de la tendresse à la rage et me restera longtemps en mémoire.

Une œuvre superbe

Stéphane Fert est si talentueux qu’il devient difficile de trouver assez de superlatifs pour décrire son travail. Avec Blanc autour, il nous prouve une fois de plus ses grandes qualités d’artistes en nous offrant une bande dessinée aux traits doux et envoûtants qui soulignent admirablement les émotions fortes des personnages mais aussi l’ambiance générale. Tantôt onirique, au coeur de la nature à la rencontre d’une déesse sublime, tantôt sombre et menaçant quand la violence gronde autour de l’école, son dessin et sa colorisation nous plonge dans l’histoire bien au-delà des mots déjà si puissants. On est imprégné de ce qui se déroule dans la BD, on s’y investit pleinement et j’en suis ressortie aussi ébahie que bouleversée. Notons enfin que cet album a pour vocation de transmettre une histoire importante. C’est un fait historique qui aura eu des répercussions à long-terme, que ce soit par les résidentes ou personnes alliées directes ou par leur descendance. La postface illustre formidablement l’impact de l’action de Prudence Crandall sur le long terme et nous rappelle ainsi que chaque geste compte dans le combat pour un monde plus égalitaire et plus juste. Une leçon qu’il est bon de transmettre à celles et ceux qui perdent un peu espoir…

En bref, Blanc autour est un chef-d’oeuvre. Le mot est dit. Superbe et puissant autant par les illustrations sublimes de Stéphane Fert que par les mots de Wilfrid Lupano, c’est une BD essentielle qui relate un fait historique important, symbole de tout un combat tant pour la reconnaissance des personnes noires que pour celles des femmes général. C’est une œuvre bouleversante et marquante que je ne peux que vous inviter à découvrir.

« 1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l'institutrice Prudence Crandall s'occupe d'une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah.

La population blanche locale voit immédiatement cette « exception » comme une menace. Même si l'esclavage n'est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l'Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d'une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection. Ils menacent de retirer leurs filles de l'école si la jeune Sarah reste admise.

Prudence Crandall les prend au mot et l'école devient la première école pour jeunes filles noires des États-Unis, trente ans avant l'abolition de l'esclavage. Nassées au coeur d'une communauté ultra-hostile, quelques jeunes filles noires venues d'un peu partout pour étudier vont prendre conscience malgré elles du danger qu'elles incarnent et de la haine qu'elles suscitent dès lors qu'elles ont le culot de vouloir s'élever au-dessus de leur condition. La contre-attaque de la bonne société sera menée par le juge Judson, qui portera l'affaire devant les tribunaux du Connecticut. Prudence Crandall, accusée d'avoir violé la loi, sera emprisonnée... »

(Illustration de couverture & extrait: © Stéphane Fert)

> Lire un extrait < (© Dargaud)

[Diversité: pp noir.e, ps noir.e, ps gros.se]

Agression, Colorisme, Harcèlement, Meurtre, Mort, Racisme