Après le monde

Parfois, quand j’explore les sorties à venir en bande dessinées, je craque immédiatement pour une esthétique, pour un style graphique qui se différencie des autres et me fait déjà la promesse d’un voyage fabuleux. C’était le cas en 2020 avec la bande dessinée one-shot Après le monde de Timothée Leman parue chez Sarbacane et que je m’étais jurée de découvrir dès que mes yeux s’étaient posé sur le dessin. C’est maintenant chose faîte et voici ce que j’en ai pensé…

« Les objets sont des témoins de la présence dans le temps et l'espace des êtres qui les ont fabriqués, transportés, entretenus. Ils sont comme des repères sur une ligne continue.»

D’ombres et de lumière

Au-delà de la couverture sublime, plonger dans Après le monde c’est s’imprégner d’illustrations superbes. Oniriques, sombres, lumineuses, détaillées mais légères, chaque page de cette bande dessinée est un petit chef-d’oeuvre à l’identité visuelle très marquée. C’est un véritable coup de coeur pour le dessin de Timothée Leman qui réussit à nous présenter un monde en noir et blanc tout en nuances qui n’oublie jamais d’apporter la lumière dans l’obscurité. Oppositions, contrastes, le dessin souligne les caractères bien différents de nos deux jeunes protagonistes avec un Héli morose, aux crayonnés plus sombres et une Selen lumineuse qui apporte une légèreté et une joie de vivre qui irradient les pages. L’auteur-illustrateur est aussi particulièrement talentueux dans le dessin animalier, donnant vie à son univers post-apocalyptique par la faune croisée en chemin lors du road-trip initiatique de Héli. La nature sur piédestal pour une apocalypse très organique. Bref, visuellement, c’est parfait.

Sortir de chez soi, affronter le monde

Par le biais d’une intrigue post-apo, l’auteur nous embarque dans un road-trip initié par le jeune Héli, garçon angoissé, qui décide de sortir de son refuge après des années d’attente pour donner sens à ce qui est arrivé au monde. Son avancée peuplée de souvenirs nous permet de comprendre la timidité excessive de ce jeune homme, son isolement imposé par la peur alors même que la vie était « normale » et la force qu’il lui faut déployer pour continuer d’avancer. Il est porté par un besoin de contacts, une nécessité de communiquer qui datent de bien avant la disparition des autres êtres humains. Tendre, touchante, l’histoire de cette BD va bien au-delà de l’aventure haletante qu’elle propose en trame de fond. C’est une histoire de construction de soi avant tout, un récit initiatique où affronter le monde c’est s’affronter soi-même, dépasser le carcan de son refuge et apprendre à vivre. Selen est également très touchante, tenace et lumineuse malgré sa peine. Mon seul regret tient peut-être à une fin assez abrupte qui ne conclue l’intrigue qu’à moitié. Mais ça reste néanmoins une belle conclusion, tout en finesse, en équilibre entre poésie et émotions. 

En bref, Après le monde est une formidable bande dessinée où le noir et blanc se fait lumière, où les constates se font nuances, où la peur effleure sans arrêt la frontière de l’onirisme. Magnifique visuellement, c’est aussi un beau récit initiatique, touchant et fin que l’on se plaît beaucoup à découvrir.

«  Depuis qu’une étrange tour de lumière blanche a fait son apparition, le monde s’est progressivement évaporé. Les gens ont disparu un à un, aspirés, inexplicablement. Héli et Selen ne se connaissent pas, mais sont les derniers survivants. Autour d’eux, c’est une ville fantôme, un monde arrêté : ne reste que la mystérieuse tour blanche, qu’ils tiennent pour responsable de toutes ces âmes volées. Alors c’est décidé : ensemble, ils vont y aller afin de découvrir la vérité.»

(Illustration de couverture & extrait: © Timothée Leman)

Mort, Deuil, Araignées

[Lecture n°40/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]