Mes vrais enfants

Publié en VO en 2014 puis traduit en 2017 pour une parution dans la collection Lunes d’encre des éditions Denoël, Mes vrais enfants de Jo Walton est un roman qui remporte pratiquement tous les suffrages. Prix Otherwise, prix ActuSF de l’Uchronie et Prix Planète-SF des blogueurs, cité à de nombreuses reprises pour le tag #IncontrounablesSFFF récents de Nevertwhere pour lequel il arrive en 2ème position, coup de cœur intersidéral pour de nombreuses personnes, voilà un roman qui s’annonçait comme une valeur sûre. Grâce à ma charmante sœur qui me l’a offert à Noël dans son édition poche Folio SF de 2019, j’ai enfin pu le découvrir et voici ce que j’en ai pensé…

- Et toi? Si tu pouvais changer de sexe, là, maintenant, tu le ferais?

- Ben peut-être, pourquoi pas..." Pat hésita. "Toucher un plus gros salaire, avoir la vie plus facile, trouver du travail ou obtenir un prêt sans problème, être respecté sans avoir besoin de se battre... mais j'aime bien être moi."

La grande question du « Et si… »

Jo Walton nous propose dans ce roman de nous interroger avec ce fameux « Et si » que nous nous sommes toutes et tous posé à un moment donné. Et si nous avions choisi ceci plutôt que cela, que ce serait-il passé pour nous ? Quelle aurait été notre vie ? Par le biais de deux chemins de vies, bifurquant à un moment décisif, elle nous raconte deux histoires en parallèle. Plus largement, elle questionne aussi l’avenir complet de l’humanité en réalisant une double uchronie axée sur ce même « et si ». Quels avenirs peuvent se dessiner en fonction de décisions précises durant la Guerre froide ? Le monde peut-il être plus utopique ou, au contraire, sombrer dans le chaos ? Avec beaucoup de subtilité, et en captivant son lectorat par une plume élégante Jo Walton nous offre ainsi deux fresques de l’évolution de nos sociétés, au travers de la petite histoire et de la grande, pour mieux interroger notre monde tout en conservant une échelle humaine non dénuée d’émotions fortes. Par cette double uchronie, elle aborde la place de la femme en société au XXe et XXIe siècle avec un regard profondément féministe mais elle étudie aussi les droits des homosexuel.le.s, la xénophobie, le progrès scientifique et bien d’autres sujets majeurs sans jamais lasser ni sembler cocher quelques cases au loto de la diversité. Et ça, c’est plutôt brillant ! Petite histoire et grande Histoire s’entremêlent avec brio dans un roman à la construction narrative simple mais impeccable. 

"À une époque, je me disais qu'on aurait le temps de faire tout ce qu'on voulait. Sauf que la vie est trop courte. On ne peut pas réaliser tous ses rêves."

De l’émotion mais un léger regret

J’ai tout bonnement adoré cette lecture, tant pour sa richesse que pour l’écriture finement retranscrite par la traduction de Florence Dolisi. J’avais beaucoup de mal à me décrocher de ce roman qui, par sa construction narrative, captive du début à la fin et nous emporte dans un tourbillon grandiose de sentiments et d’émotions (oui, larmichette il y a eu !). Jo Walton est une conteuse et nous offre un roman profondément humain, qui aborde un florilège de sujets qui font toute l’expérience de la vie, de la passion à la déception, en passant par l’amour, l’accomplissement personnel et la famille. Mais, peut-être avais-je trop d’attentes car je n’ai pas eu le coup de cœur intersidéral attendu et annoncé. Il m’a en effet manqué quelques éléments dans la construction de cette intrigue (sur l’origine de cette uchronie) pour que je me laisse complètement transportée. De même que cette propension au malheur quel que soit le parcours de vie m’a un peu désarçonnée. Mais il est vrai que ça génère de l’émotion et que c’est aussi ça la vie, du bon et du drame. C’est aussi ce qui crée le choix quasi impossible (même si je n’ai personnellement aucune hésitation finalement) qui fait tout le génie du livre et nous contrebalance ce « et si » en pleine figure pour nous rappeler, finalement, que l’essentiel, c’est de s’accomplir et de rebondir, peu importe les obstacles, peu importe les drames (« L’important c’est d’aiiiiimer » !). Je chipote parce que j’aurai aimé ce même effet wahou partagé par la majorité. J’ai tout de même été bluffée par la qualité de ce roman, envoûtant, riche et passionnant qui m’aura beaucoup émue. 

En bref, Mes vrais enfants est une uchronie passionnante qui nous permet, à travers une double histoire touchante, de parcourir deux fresques d’évolution de la société du XXème a XXIème siècle en abordant le droit des femmes, des homosexuel.les et bien plus encore. Plein d’émotions, ce roman nous met face à ce fameux « et si » qui aurait bouleversé nos chemins de vie et nous offre de belles leçons de vie. C’est captivant, écrit avec beaucoup de finesse et d’élégance et nul doute que je vais avoir très envie de découvrir d’autres romans de Jo Walton prochainement, même si ce ne fut pas le coup de cœur intersidéral qu’on m’avait annoncé. 

Résumé :

« Née en 1926, Patricia Cowan finit ses jours dans une maison de retraite. Très âgée, très confuse, elle se souvient de ses deux vies. Dans l’une de ces existences, elle a épousé Mark, avec qui elle avait partagé une liaison épistolaire et platonique, un homme qui n’a pas tardé à montrer son véritable visage. Dans son autre vie, elle a enchaîné les succès professionnels, a rencontré Béatrice et a vécu heureuse avec cette dernière pendant plusieurs décennies. Dans chacune de ces vies, elle a eu des enfants. Elle les aime tous… Mais lesquels sont ses vrais enfants : ceux de l’âge nucléaire ou ceux de l’âge du progrès ? Car Patricia ne se souvient pas seulement de ses vies distinctes, elle se souvient de deux mondes où l’Histoire a bifurqué en même temps que son histoire personnelle. »

(Illustration de la couverture Folio SF: © Aurélien Police)

> Lire un extrait < (© Folio)

[Diversité: pp lesbienne, ps lesbienne, ps bisexuel.le]

Alcool, Classisme, Drogue, Fausse couche, Enfant mort-né, Homophobie, Mort, Relation toxique, Sang, Sexe, Suicide, Tromperie, Viol, Violences conjugales

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[Lecture n°12/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

* Lecture pour le challenge ABC de l’Imaginaire 2021 de Mariejuliet : lettre W *