Rouge

Paru en mai dans la collection young-adult Électrogène des éditions Gulfstream, Rouge est un roman de Pascaline Nolot qui réécrit le conte du Petit chaperon rouge dans une version sombre et oppressante. Finaliste du Prix Imaginales des lycéens 2021, il m’attirait depuis longtemps par sa superbe tranche rouge vif et les très belles critiques que j’ai vu passer à son propos. Voici donc ce que j’en ai pensé…

[TW: viol, harcèlement physique et moral, pédophilie]

« Aucune de vous deux ne correspondait aux critères de cette chose contraignante que l’on nomme normalité… Alors ils ont inventé toutes ces histoires à faire peur, ces boniments à propos d’oeuvre de Satan et de contagion de couleur, afin de se donner bonne conscience et d’excuser leur haine.»

Une réécriture très sombre

Rouge s’inspire du Petit chaperon rouge, reprenant les balises et aussi les thématiques sous-jacentes du conte mais en nous proposant une histoire tout à fait originale empreinte d’une ambiance bien sombre. Les allergiques aux réécritures de conte seront donc rassurés, si on retire quelques détails, Rouge est une histoire tout à fait détachée de l’oeuvre de base hormis sur les sujets qui sont abordés et que le livre explore de manière plus directe que le conte. Ce roman, destiné aux plus de 15 ans est assez violent, avec une jeune héroïne bouc-émissaire d’un village entier pour sa différence physique. Forte dénonciation de l’obscurantisme et du harcèlement, ce roman souligne l’inhumanité des hommes face à la bonté des bêtes et nous parle de la place précaire des femmes du monde avec force. Conte cruel et engagé, Rouge nous emporte dans une ambiance sombre et angoissante qui n’oublie pas d’envoûter et d’émouvoir par une certaine sensibilité qui ne m’a pas laissé indifférente. Et la violence, bien que parfois difficile, n’est jamais gratuite et sert à dénoncer avec virulence les horreurs dont sont capables les Hommes et les raisons absurdes qu’ils/elles avancent pour excuser leur cruauté. 

« Prendre de force fait seulement de toi la pire des bêtes! Tu n’es pas un homme. Et tu vas mourir comme l’animal pathétique que tu es!»

Un roman avec quelques failles mais passionnant

Captivant, le roman a beau être parfois éprouvant, il devient rapidement difficile à lâcher grâce à une héroïne remarquable et les messages que véhiculent l’histoire. Une belle leçon de vie sur l’acceptation de soi et le courage de s’affirmer nous frappent en effet particulièrement à l’issue de la lecture. L’intrigue souffre parfois de quelques longueurs mais on les oublie aisément par l’implication émotionnelle que nous impose cette histoire. Mon seul vrai regret tient au fait de certaines résolutions un peu faciles dans l’intrigue mais ça ne m’aura pas empêché d’avoir été emportée dans ce roman passionnant par la plume agréable de l’autrice. Et si parfois j’avais le sentiment que la violence allait sans doute trop loin, je me rappelle cruellement, avec un peu de détachement, que tout ce que Pascaline Nolot a écrit est parfois bien réel à ce niveau-là. Je trouve au final que Rouge souligne assez brillamment à quel point la violence humaine est parfois bien plus horrible que du surnaturel, même horrifique…

En bref, Rouge est un très bon roman young-adult, un conte sombre, cruel et malgré tout sensible qui s’inspire du conte du Petit chaperon rouge et dénonce la violence des Hommes et l’obscurantisme. C’est parfois dur à encaisser mais la violence n’y est jamais gratuite, servant à dénoncer et à passer des messages. 

« Accroché au versant du mont Gris et cerné par Bois Sombre se trouve Malombre, hameau battu par les vents et la complainte des loups. C’est là que survit Rouge, rejetée à cause d’une particularité physique. Rares sont ceux qui, comme le père François, éprouvent de la compassion à son égard. Car on raconte qu’il ne faut en aucun cas toucher la jeune fille sous peine de finir comme elle : marqué par le Mal. Lorsque survient son premier sang, les villageois sont soulagés de la voir partir, conformément au pacte maudit qui pèse sur eux. Comme tant d’autres jeunes filles de Malombre avant elle, celle que tous surnomment la Cramoisie doit s’engager dans les bois afin d’y rejoindre l’inquiétante Grand-Mère. Est-ce son salut ou bien un sort pire que la mort qui attend Rouge ? Nul ne s’en préoccupe et nul ne le sait, car aucune bannie n’est jamais revenue…»

(Couverture: photo © Wojciech Zwolinski / Arcangel Images - conception © Tiphaine Rautureau)

[Diversité: ps lesbienne, pp avec un angiome]