Lâchez-nous l’utérus ! : en finir avec la charge maternelle

Fiona Schmidt, autrice du compte Instagram @bordel.de.meres, publiait en janvier 2020 chez Hachette pratique l’essai Lâchez-nous l’utérus!, pour en finir avec la charge maternelle. La nullipare stérilisée volontairement que je suis a souvent cherché ce genre de titres pendant le long combat avec le mode médical. J’avais donc envie de voir de quoi il retournait pour pouvoir le conseiller en toute connaissance de cause…

« Alors que le monde était bien rangé, avec d’un côté les femmes normales qui avaient des enfants et de l’autre celles qu’on plaignait de ne pas en avoir, soudain, certaines femmes se sont mises à refuser d’être mères. C’est là que tout s’est barré en ovaires, que les icebergs se sont mis à fondre, et c’est pour ça que la forêt amazonienne ressemble désormais à un square parisien.»

Un appel à la prise en compte de tous les désirs et à la sororité

Sous ce titre qui claque, Fiona Schmidt nous propose une réflexion multiple autour de la question de la « charge maternelle ». Elle propose non seulement la prise en compte du désir de ne pas enfanter, souvent jugé égoïste, immature ou encore contre-nature (si vous saviez le nombre de réflexions qu’elle relève et que je me suis prise dans la tronche à répétition!) et propose aussi une analyse assez juste du jugement continu des femmes qui décident d’enfanter, avant la décision, pendant la grossesse et en tant que mères (toujours imparfaites). Elle pointe avec un ton parfois piquant et sarcastique très plaisant les quantités astronomiques de pressions et de conseils contradictoires qui pèsent sur l’utérus des femmes, pressions de la société toute entière mais surtout des autres femmes, bourreaux d’elles-mêmes. Fiona Schmidt lance avec cet essai un appel à la sororité, à l’égalité (elle n’oublie pas, en effet, d’évoquer la considération du père) et au respect des choix de vie de chacun.e.s en se basant sur de nombreuses sources et témoignages qu’elle a reçu sur son compte Instagram, donnant à l’ensemble un cachet d’authenticité. 

« Aimante, multitâche, bien organisée, dévouée, humble, rayonnante d’abnégation et de joie intérieure, la bonne mère moderne est donc un mix parfait entre Marie Kondo, la Vierge Marie et un Magimix.»

Une lecture enrichissante et plaisante

Malgré une mise en page assez étouffante selon moi, cet essai se lit sans peine et souvent avec plaisir tant l’autrice emploie un ton ironique savoureux et déploie des punchlines qu’on a envie d’imprimer sur des tee-shirts (j’en veux un avec la phrase « Je m’auto-composte »!). Couplé aux témoignages, cet essai n’a vraiment rien de pompeux mais n’en est pas moins très enrichissant. J’ai juste un petit regret concernant le chapitre sur la contraception, et bien que je conçois que ce n’est pas le sujet central, j’aurai aimé plus de détails, notamment sur les différentes formes de contraception et stérilisation (non, il n’y a pas que la ligatures des trompes) et les risques de chaque type malgré ce que peut cacher le monde médical par facilité pour eux. Ou, à minima, au moins une piste pour aller plus loin. Je pense vraiment que ce sujet mérite d’être abordé plus largement. (Par ailleurs, si vous avez des question sur la stérilisation volontaire, mes DM sont toujours disponibles). L’essai est néanmoins assez complet et permet une prise de conscience bienvenue sur nos comportements à l’égard des femmes que nous connaissons. Et en ça, vraiment, il est à conseiller au plus grand nombre de lectrices et de lecteurs.

En bref, Lâchez-nous l’utérus! est un essai percutant, plaisant à lire grâce à son ton sarcastique piquant et surtout essentiel pour revoir nos comportements et nos jugements à l’égard de nous-mêmes et des autres. Un appel à la sororité et au respect des choix de vie de tou.te.s concernant la question de la reproduction.

« Au départ, il y avait cette question : pourquoi le fait que je ne veuille pas d’enfant pose-t-il un problème à tout le monde, sauf à moi ? J’ai trouvé la réponse : parce que je suis une femme en âge d’en avoir qui coche 100% des cases du bingo procréatif. Même 50 ans après la légalisation de la pilule et de l’avortement en France, être une femme, c’est être une mère : être nullipare, volontaire ou plus souvent, involontaire, c’est donc être reléguée en D2 de féminité.  

Pourtant il ne suffit pas d’être mère pour qu’on vous fiche une paix très relative - oh non… Encore faut-il être une «  bonne  » mère, selon des normes procréatives et éducatives de plus en plus nombreuses, rigides et contradictoires. Résultat : la plupart des mères, celles qu’on ne voit pas à la télé ni sur Instagram, sont de plus en plus épuisées tout en se sentant de moins en moins légitimes (capables?).

Tant que l’on considèrera que la maternité n’est pas une option mais une preuve de la féminité, tant que la parentalité restera d’abord une affaire de femmes, donc que c’est à elles de concilier leurs douze journées, les inégalités persisteront, non seulement entre les femmes et les hommes, mais aussi et avant tout entre les femmes. A nous de décider qu’elles ne sont pas une fatalité.»