Mes bien chères soeurs

Sorti le 7 mars 2019 aux éditions du Seuil dans la collection Fiction & cie, Mes bien chères soeurs est un essai féministe de Chloé Delaume qui lance un appel à la sororité à l’heure de la quatrième vague féministe. La sorcière nullipare que je suis ne pouvais pas passer à côté de ce court texte (122 pages) après les avis très positifs croisés chez les gent.e.s de la blogosphère. Voici donc ce que j’en ai pensé…

« La France reste le pays des droits de l’homme, c’est pourquoi une femme sur dix y est victime de violences conjugales.»

Un vent violet pour balayer le sexisme ordinaire

D’une plume acérée, Chloé Delaume nous transmet son ressenti, son histoire et son analyse sur le quotidien des femmes et l’importance de la quatrième vague féministe en cours, celle du virtuel, celle qui libère enfin publiquement la parole des femmes à grande échelle. Piquante, la plume de Chloé Delaume est brillante comme une lame. Elle affute les mots comme les armes tranchantes qu’ils sont et ponctue son texte de punchlines aussi savoureuses que cinglantes qui marquent les esprits telles que: « Internet a libéré la femme là où Moulinex a échoué ». Engagé, le texte est court mais claque fièrement au vent comme un drapeau violet porté par une foule de combattant.e.s. Elle y parle de droits des femmes, de représentations dans l’espace publique, d’histoire et d’évolution de la société, de maternité, ou même encore de l’Académie française et de la nécessité de reprendre le pouvoir du langage. Du fait du format très court, les sujets vastes sont parfois juste survolés. Mas cela n’empêche pas l’essai d’être puissant et enthousiasmant. C’est un appel engagé et guerrier qui donne un élan de courage et une volonté de poursuivre les combats en cours.

« Dans l’espace privé et public, un être vivant soit, mais surtout domestique. Une sorte de servante, soumise et disponible, une poupée qu’on bascule et qui ouvre les yeux juste pour accoucher et tenir la cuisine, une poupée qui ne dit non que dans les chansonnettes, qu’on place et déplace, qu’on palpe et manipule, propriété de l’homme à l’égal d’une esclave, un objet ménager à usage personnel dont l’homme dispose afin de dîner et d’éjaculer à l’heure qui lui convient dans de bonnes conditions. C’est ça la représentation de la femme, dans mon milieu social tout le monde s’y conformait.»

Sororité, j’écris ton nom

Savant dosage entre récit personnel et essai sociétal, Mes bien chères soeurs s’inspire de l’intime mais avec une portée universelle. Elle inclut tou.te.s celleux qui sont traité.e.s comme femmes, elle évoque de nombreuses formes d’inégalités et engage une large partie de la population (à l’exception des vieux mâles alpha blancs dominants irrécupérables) dans la lutte pour contrer les vieux systèmes dépassés. L’autrice met également en garde contre un système matriarcale inégalitaire ainsi que contre les « mamatrones » qui, ayant réussit seule, n’hésite pas à participer à la dégradation des soeurs. Elle prône une société d’égalité, elle mise tout sur la sororité et nous donne même quelques pistes savoureuses pour agir concrètement et tenter de faire basculer le sexisme ordinaire. Badaboum! Et la société patriarcale s’effondrera! Je crains que cela ne soit pas aussi simple, mais plutôt que de partir défaitiste, Chloé Delaume nous encourage, comme une soeur, à tenter le coup. On pourrait, je pense, être surpris.es de l’effet d’une vague violette solidaire et unanime qui déferle sur le monde… 

En bref, Mes bien chères soeurs est un texte court mais cinglant qui résonne comme un appel à la solidarité entre tou.te.s celleux qui souhaitent anéantir la société patriarcale. Le style est acéré et enthousiasmant et le cri qu’elle lance pour l’égalité résonne vivement en nous à l’issue de cette lecture.

« En France, la quatrième vague féministe a fait son entrée : non plus des militantes, mais des femmes ordinaires. Qui remettent en cause les us et les coutumes du pays de la gaudriole, où une femme sur dix est violée au cours de sa vie, et où tous les trois jours une femme est assassinée par son conjoint.

Dans ce court texte incisif qui prône la sororité comme outil de puissance virale, Chloé Delaume aborde la question du renouvellement du féminisme, de l’extinction en cours du patriarcat, de ce qu’il se passe, et peut se passer, depuis le mouvement #metoo.»

> Lire un extrait < (© Seuil)