Les attracteurs de Rose Street

Quinzième opus de la collection Une Heure-Lumière des éditions Le Bélial’, la novella inédite en français de Lucius Shepard, Les attracteurs de Rose Street, est paru le 30 août dernier. Ayant profité de l’offre permettant d’obtenir le premier Hors-Série de la collection, j’ai jeté mon dévolu sur ce titre, appréciant le Londres du XIXème et la littérature gothique. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Toute cette misère grotesque, au sein de bâtiments en brique effritées et noircies par la suie dont les étages se perdaient dans le brouillard, faisait de ces rues le fond d’un ravin comme il en court sans doute dans l’un des districts périphériques de l’enfer. »

Un récit d’ambiance

Lucius Shepard, avec ce court roman, s’inscrit dans la digne lignée des auteurs de littérature gothique du XIXème siècle, en proposant une histoire à mi-chemin entre le fantastique horrifique et l’enquête, le tout évidemment dans le brouillard des quartiers mal fréquentés de Londres. On y ressent une inspiration très Edgar Allan Poe, notamment pour la nouvelle The Fall of the House of Usher (La chute de la maison Usher), mais avec une pointe de modernité discrète qui, sans trahir l’appartenance gothique, lui donne aussi un nouveau souffle. Je suis passionnée de ce genre de récit et notamment ceux du Londres fin XIXème, de ces histoires d’enquêtes paranormales qui, si elles n’effraient pas, plongent dans une ambiance particulière. Et ici, je suis donc comblée. Les attracteurs de Rose Street démontre la maîtrise de cette littérature de la part de son auteur qui nous immerge pleinement dans son semi huis-clos en plein fog.

« Etrange, n’est-ce pas ? dit-il. Penser que lorsque nous errons dans le brouillard londonien, l’étoffe évanescente d’autres vies se drape autour de nos capes et de nos manteaux, va même jusqu’à s’introduire en nous par la bouche ou les yeux ? »

Un récit multiple et élégant

Ce que j’ai particulièrement apprécié avec ce récit c’est l’élégance de la plume. C’est très XIXème, avec des formulations liées à l’époque, mais c’est aussi très accessible. D’ailleurs, de tous les documents de la collection que j’ai pu lire, Les attracteurs de Rose Street est sans doute le plus « simple » à lire. Mais ça n’enlève en rien sa richesse et sa qualité littéraire. C’est également un récit multiple, offrant certes une histoire de fantôme, mais aussi une romance, une enquête, une plongée dans la psychologie humaine et une analyse de la société londonienne. On aimerait que l’histoire dure encore et encore tellement elle est passionnante. Et même si le format reste toujours un peu frustrant pour moi, l’intrigue ici est complète et offre une véritable conclusion, ne nous laissant pas sur notre faim.

En bref, Les attracteurs de Rose Street est un récit d’ambiance et d’inspiration gothique parfait, riche et très élégant qui nous plonge avec délice dans le brouillard londonien et les méandres de la psychologie humaine. Parfait pour la saison !

« Londres, fin du XIXe siècle. Une métropole enfumée, étouffant sous le smog et les remugles de l’industrialisation en pleine explosion… Samuel Prothero est aliéniste. L’un des meilleurs de sa profession. Membre du sélect Club des Inventeurs, jeune homme respecté, son avenir est tout tracé dans cette société victorienne corsetée. Jusqu’à ce que Jeffrey Richmond, inventeur de génie mais personnage sulfureux, sollicite son expertise sur le plus étrange des cas. Troublante mission, en vérité, pour laquelle le jeune Prothero devra se résoudre à embrasser tout entier l’autre côté du miroir, les bas-fonds de la ville-monde impériale et ceux, bien plus effrayants encore, de l’âme humaine… »

(Illustration de couverture : ©Aurélien Police)