Et Dieu se leva du pied gauche

Voilà maintenant 3 ans que j’ai découvert et adoré Oren Miller avec le premier opus des enquêtes d’Évariste Fauconnier: J’agonise fort bien, merci. Depuis, elle fait indéniablement partie des auteurs polars que je suis assidûment, d’autant que le second opus, A présent vous pouvez enterrer la mariée, a aussi été un gros coup de coeur. C’est donc sans hésiter que je me suis jetée sur le petit nouveau intitulé Et Dieu se leva du pied gauche. Il paraîtra cet automne aux éditions de L’Homme sans Nom mais est déjà vendu dans certains salons où est présent l’éditeur depuis le printemps. Et comme je n’ai pas eu la patience d’attendre l’automne pour le dévorer, voici ce que j’en ai pensé…

«  Plus qu’une bévue pâtissière, remplacer une fraise par une pomme était criminel. »

I would like another cup of tea, please

Si le talent d’un auteur se mesure à l’envie de faire durer la lecture, tout en étant incapable de lâcher le livre et tout en sachant, qu’une fois fini, on ne sera toujours pas rassasié et qu’il nous faudra une suite, alors Oren Miller est indéniablement une autrice merveilleusement talentueuse. Jamais 2 sans 3, Et dieu se leva du pied gauche fait aussi bien que ces deux prédécesseurs et me déclenche un joli petit coup de coeur. Tout d’abord parce que le style d’Oren Miller est toujours aussi plaisant à lire. C’est à la fois so british, avec ce côté Agatha Christie élégant et raffiné, mais c’est également aussi chic que piquant parce que l’autrice ne manque pas de talent pour l’ironie et le cynisme. J’aime sa plume parce qu’elle est unique et immersive. Je me répète à chacun de ses livres, mais l’ambiance est absolument parfaite. Le lecteur est complètement immergé dans les années 50 et dans les divers lieux parcourus. Et j’adore ça! Le côté aussi élégant vient bien entendu aussi des personnages. Depuis 3 livres Évariste Fauconnier m’envoûte par son charisme, son côté tout autant détestable qu’épatant, et son raffinement. Et bien que le personnage charmant du groupe soit censé être Isabeau, le côté fedora /canne /cynisme à tout épreuve d’Évariste fonctionne toujours autant sur moi. Surtout lorsque des failles se dévoilent et que l’émotion (qui apparaissait déjà légèrement dans le tome précédent) touche ce personnage que l’on pourrait penser trop lisse de prime abord. J’ai été très touchée par ce revirement de situation.  Par ailleurs, j’aime toujours autant Georges qui de tome en tome se cesse de me passionner par tout le mystère qui l’entoure. De manière générale, on ressent une réelle évolution des personnages et de leurs relations. Tout comme la plume de l’autrice, les personnages gagnent tous ici en maturité et en complexité, et ça n’en est que plus savoureux. Oren Miller monte d’un cran à chaque livre publié, que ce soit dans la construction psychologique des personnages (q’ils soient principaux ou secondaires, le panel est exquis) que dans l’intrigue. Aussi, bien que l’histoire peut se lire seule, il me semble dommage de passer côté des deux premiers avant de lire celui-ci! D’autant qu’ils sont exquis eux aussi. 

« - Vous pensez que les femmes sont plus faibles que les hommes? provoqua-t-il avec amusement.  

- Heu… bah… je… C’est un piège?

- Un peu. Croyez-moi, mon ami, s’il y a bien des créatures qui sont supérieurement endurantes, ce sont les femmes. Elles le sont bien plus que nous. »

Une enquête complexe

Amateurs de méninges à triturer, vous allez adorer cette troisième enquête! A Paris, un homme se suicide sans raison apparente, 7 personnes meurent au même moment sans aucun signe extérieur dans un hôtel à Venise… Voilà les bases d’une intrigue qui va nous transporter sur 3 pays, plonger dans les histoires de la Seconde Guerre Mondiale, et donner du fil à retordre aux meilleurs enquêteurs du monde. L’intrigue de ce troisième opus est complexe, extrêmement bien ficelée et m’aura mener sur de nombreuses fausses pistes. Et même si certains éléments de la résolution me sont venus à l’esprit, je suis restée encore une fois bluffée par le tableau d’ensemble révélé sur le final. L’intrigue était passionnante, riche, plus mature, plus grave aussi, ce qui laisse moins de place aux dialogues piquants et humoristiques que dans les précédents, mais qui n’empêche pas un plaisir de lecture tout aussi fort. J’ai surtout adoré le final inattendu et très révélateur sur l’un des personnages qui donne à ce troisième livre un caractère plus sérieux mais aussi plus approfondi. Et bien que des coquilles restent encore trop présentes dans le livre, et qu’un personnage a tout bonnement disparu de la circulation en cours de route, j’ai trouvé l’ensemble assez précis et travaillé, plus encore que l’enquête précédente qui m’avait déjà épatée. Si Oren Miller poursuit sur sa lancée, je pense que le quatrième opus me clouera littéralement dans mon fauteuil! 

« La douleur et la peur ne sont pas les pires des épreuves, j’ai pu constater que l’être humain possédait des ressources insoupçonnées quand il s’agit de les combattre. Mais il y a une chose contre laquelle il reste démuni: le manque d’espoir. L’absence de perspectives et d’options. »

En bref, Dieu peut bien se lever du pied gauche plus souvent, si c’est pour nous permettre de lire d’aussi bons romans policiers! J’aime profondément le style d’Oren Miller, ses personnages, l’ambiance de ces livres, et je ne me lasse pas d’y plonger encore et encore. Je ne peux que vous conseiller les 3 enquêtes d’Évariste et Isabeau, et croiser les doigts pour qu’il y en ait encore d’autres.

« Après avoir avoué à sa femme qu’il avait toujours détesté le thé, Ambroise Perrin se défenestre sous les yeux médusés des personnes présentes.

Dans un palace vénitien, Louise Duval se réveille d’une soirée de gala et découvre que sept de ses collègues sont morts au même moment dans leur lit de causes inexpliquées. Rien ne lie ces deux affaires. Si ce n’est leur mystère. C’est assez pour intéresser Évariste Fauconnier, enquêteur émérite spécialisé dans les affaires que personne ne peut résoudre.

Entre crimes en série, esprits diaboliques et complots politiques, le fin limier va devoir dénouer les fils d’une gigantesque toile qui risque bien d’avaler son âme autant que sa raison.

Car l’araignée a souvent le dessus sur le papillon.»

(Illustration de couverture: © François-Xavier Pavion)