Une si jolie petite fille : les crimes de Mary Bell

Une si jolie petite fille est un essai écrit après de longues années d’études et d’enquêtes autour de Mary Bell, jeune fille de 11 ans, arrêtée et condamnée à perpétuité en 1968 pour le meurtre de deux petits garçons de 3 et 4 ans. Gitta Sereny, ayant suivi l’affaire de près, avait écrit un premier récit en 1972 mais continua son étude de Mary Bell jusqu’en 1998, année de publication pour ce second opus, publié en français en 2014 puis en poche chez Points en 2016. (Lire le premier n’est pas nécessaire).

« Je n’avais pas l’intention de le tuer pour toujours. »

Une longue enquête pour un sujet difficile

Même si ce livre fut récompensé du Prix du Meilleur Polar 2016 des lecteurs Points, il ne s’agit absolument pas d’une fiction et il n’est d’ailleurs pas du tout présenté ainsi. Il s’agit d’un essai fouillé, riche en contenu, qui s’intéresse à l’étude précise de la vie de Mary Bell, de 1957 à 1998. Et cette enquête, démontrant un indéniable travail titanesque de recherche ne se contente pas de relater les faits de l’extérieur mais prend en compte les témoignages de toutes personnes pouvant nous donner un éclairage sur les faits, y compris Mary Bell elle-même. L’ensemble se base également sur des documents, des lettres, des traces écrites de ce qui s’est passé, de l’enfance, aux meurtres, puis de l’arrestation à la libération. Sans volonté d’influencer un jugement d’innocence sur cette enfant clairement coupable, l’auteur nous fait comprendre, par les faits, que le jugement porté à son égard n’est pourtant pas tout à fait juste car ne s’étant jamais penché sur le pourquoi de ces actes. Elle évoque le traitement juridique inadapté des enfants, pénalement responsable à 10 ans en Grande Bretagne, mais aussi le regard de la société qui, cherchant une représentation du mal l’a trouvé dans Mary Bell sans même se poser la question de ce qui pouvait l’avoir amené à ça. C’est tout un système, tout le fonctionnement juridique et même moral de la société que Gitta Sereny interroge, et elle le fait sans volonté d’orienter le regard de son lecteur, si ce n’est éventuellement dans sa conclusion où elle donne enfin son avis sur le sujet. Une chose est sûre, ce travail fouillé nous donne à réfléchir.

« Mais il y a, chez les enfants, un gouffre entre ce que l’on croit qu’ils savent, et ce qu’ils ressentent et comprennent. La preuve de leur crime, une fois obtenue, devrait donc, à mon sens, devenir presque sans importance. Seules les données humaines devraient compter - la réponse à la question « Pourquoi ? ». »

Oui, mais…

Si c’est clairement une lecture assez troublante que Gitta Sereny nous propose, remettant en question nos convictions et nos jugement hâtifs et illustrant les failles d’un système bien établi, je me suis malheureusement ennuyé à plusieurs reprises. Ce n’est pas que le sujet n’est pas intéressant, il l’est sur de nombreux points, mais la construction m’a paru parfois un peu complexe et décousue, puisque suivant le récit parfois décousu de Mary Bell elle-même, ce qui m’a perdu à de nombreuses reprises. J’ai trouvé le traitement de certains éléments un peu long ou répétitif, même si on comprend la volonté de l’auteur d’insister sur certains faits pour mettre en lumière le cas de Mary. Ne connaissait pas vraiment les faits, et n’étant pas passionnée par la système juridique anglais, j’avoue m’être sentie peu concernée par instants, m’en voulant ensuite de ne pas m’intéresser plus que ça à la vie chaotique de cette jeune fille. Je crois que je ne suis tout simplement pas le public cible et le besoin de concentration nécessaire pour suivre le fil de l’étude (bien que très accessible) n’était pour moi pas l’idéal en ce moment. Je pense malgré tout qu’il pourra intéresser de nombreux lecteurs, avides de connaissances sur ce cas précis ou sur ce genre de récits de vie. Enfin, si je peux me permettre une remarque sur la traduction du titre, je trouve que le titre anglais suggère plus de pitié que le titre français, beaucoup plus agressif à l’égard de Mary Bell et je trouve cela un peu étrange d’avoir fait un tel choix.

En bref, Une si jolie petite fille est un essai hyper travaillé sur un cas intéressant qui nous impose une réflexion sur la société et aussi sur nous-mêmes en tant qu’humain aux jugements hâtifs. Si certaines longueurs et quelques aspects décousus ont légèrement créé un sentiment d’ennui, l’intérêt pour le sujet restait intact. 

« 1968. Angleterre. En quelques semaines, deux petits garçons de 3 et 4 ans sont assassinés. Très rapidement, Mary Bell, 11 ans, est arrêtée, puis condamnée. Qui est cette fillette vive, jolie et si intelligente ?

Trente ans plus tard, à sa sortie de prison, la journaliste Gitta Sereny la retrouve. Avec elle, lors de longs entretiens, se rejoue l’enquête et se précisent les mystérieux mécanismes qui ont conduit à l’indicible.

Et une seule question subsiste : le mal est-il en chacun de nous? »

(Illustration de couverture : © Erwan Denis)

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