Une immense sensation de calme

Dans le cadre de ma participation au jury de la finale du Prix Imaginales des Bibliothèques 2019, j’ai découvert Une immense sensation de calme de Laurine Roux publié en 2018. Ce premier roman, publié aux éditions du Sonneur a déjà reçu le prix SDGL Révélation 2018, et voici ce que j’en ai pensé…

« En passant sa main dans mes cheveux, Baba ornait ma coiffe de la parure du ciel, accrochant dans mes boucles des fragments de cobalt, des noirs épais, irisés de minuscules étoiles habillait ma tête du silence profond des nuits. »

Inclassable poésie

Cette chronique est difficile à écrire, car il est presque impossible de parler de ce roman sans en gâcher le plaisir de la découverte en n’en révélant de trop. Et difficile aussi de classer cette lecture qui oscille entre plusieurs genres. L’ensemble ressemble à un conte, par un aspect merveilleux et une narration digne de récits légendaires. Mais il y a aussi un aspect d’anticipation, la guerre ayant apparemment métamorphosé le monde (cette partie ou l’ensemble, nous ne le savons pas), recréant une façon de vivre plus archaïque et proche de la nature. Il y a aussi des légendes, une certaine poésie et un côté contemplatif au cœur de cette nature à la fois berceau et danger. On peut aussi le rapprocher de romans comme La route de McCarthy, par son épopée et son aura de mort. Pour définir Une immense sensation de calme, je dirai qu’il s’agit d’une lecture hors-du-temps et de l’espace. Un roman qu’on lit dans un souffle dans lequel s’engouffre nostalgie, souvenirs malheureux et drames, mais qui provoque aussi un apaisement certain. Le tout enveloppé dans une poésie folle de l’écriture qui donne aux descriptions un soupçon de merveilleux.

« Alors la Lune faisait apparaître son front, festonnant de lumière le contour des arbres, modeste  dentelle, et, timide s’élevait dans le ciel, si simple et ronde qu’on pouvait l’observer à l’œil nu car elle n’avait aucun artifice à cacher, aucune blessure à taire, laissant voir à qui voulait s’en moquer  les cratères poussiéreux maculer son corps blanc. »

Désorientation heureuse

Au départ, j’étais aussi conquise par l’écriture que désorientée par le récit qui n’offre presque aucun repère spatio-temporel et nous propulse à la rencontre de vies et de destins sans encore posséder les clés qui nous permettent de les comprendre. Malgré tout, je me suis laissé porter, envahie par une véritable sensation de calme au point que l’aura de mystère a fini par rendre le récit intemporel, magique et universel à mes yeux. Les histoires contées à notre narratrice nous enveloppent alors dans une dimension de merveilleux qui mêle l’amour de la nature, la mort et posent un questionnement de notre humanité. L’émotion alors procurée par cette lecture est difficile à définir, et m’a laissé émue et sans voix dans un final d’une grande beauté.

En bref, Une immense sensation de calme porte fabuleusement son nom. Ce premier roman est magnifique, indescriptible, touchant et envoûtant. Je ne peux que vous inviter à le découvrir.

Résumé: 

« Alors qu’elle vient d’enterrer sa grand-mère, une jeune fille rencontre Igor. Cet être sauvage et magnétique, presque animal, livre du poisson séché à de vieilles femmes isolées dans la montagne, ultimes témoins d’une guerre qui, cinquante ans plus tôt, ne laissa aucun homme debout, hormis les « Invisibles », parias d’un monde que traversent les plus curieuses légendes.»

(Couverture: Fog, Hearth © Siris Visual)

> Lire un extrait < (© éditions du Sonneur)

[Lecture n°7/36 (pour l'échelon 3) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 7 de Ma Lectorutothèque]