Reflex

C’est en fin d’année 2016 que j’ai enfin découvert Maud Mayeras, jeune auteur de thrillers française qui m’avait épaté avec son style dans son premier roman Hématome. En 2013, elle publiait son second roman chez les éditions Anne Carrière, intitulé Reflex. Il paraît en poche chez Pocket en 2015 et c’est dans cette édition que j’ai eu le plaisir de replonger dans le style de Maud Mayeras…

Un talent dingue qui se confirme

Il est impressionnant de constater que j’aurai pu lire Reflex, sans savoir que c’était Maud Mayeras qui en était l’auteur et réussir à le deviner. En deux romans, cela se confirme, elle a un style bien à elle, terriblement incisif, direct, parfois cru et parfois complètement envolé, mais un style qui claque et auquel je suis définitivement accroc. Dans ce nouveau thriller psychologique, elle nous propose en plus, sous une plume qui a mûri un peu, une histoire beaucoup plus approfondie que dans Hématome, avec notamment des personnages extrêmement travaillés et dont la psychologie complexe, un peu barrée, mais tout à fait logique, m’a littéralement bluffé. Son style sans compromis et sa rythmique rendent la lecture extrêmement rapide et haletante et l’effet est d’autant plus renforcé que les chapitres sont très courts et alternent entre deux époques qui s’entrecroisent. J’ai adoré les deux périodes historiques, mais encore plus celle du « présent » où nous suivons Iris et où le caractère plus intime de la narration permettait une plus grande liberté dans l’usage des punchlines qui claquent comme Maud Mayeras a le don de les écrire (bien que le début de l’histoire en 1919 ne manquait pas de piquant non plus à ce niveau-là). 

« Il paraît que nos entrailles sont capables de percevoir le mal que ressentent nos enfants, que l’on sait instantanément si quelqu’un ou quelque chose les attaque. Il paraît que le sang qui coule dans nos veines rougit et brûle au même instant. Dites-vous bien que ce ne sont que des mensonges. De pures foutaises inventées pour vous rassurer. Dites-vous que si votre enfant crève à l’étage supérieur, s’il décide de sauter par la fenêtre parce que ça lui chante, ou bien s’il chute dans l’escalier de votre cave, vous ne l’entendrez pas. Vous battrez tout juste des cils, et vous le trouverez trop tard.»

Une histoire complètement barrée

En plus de tous les arguments positifs que j’ai déjà évoqué, l’histoire elle-même rend le livre impossible à lâcher. Maud Mayeras enchaîne avec brio les retournements de situations et rebondissements à la pelle. Si certains éléments de l’intrigue étaient assez évidents pour moi, d’autres m’ont scotchés au fond de mon siège tellement je ne les avais pas vu venir. Elle s’amuse à tromper son lecteur et se joue de lui avec malice et intelligence. L’histoire qu’elle nous propose est d’ailleurs portée sur les apparences, et croyez-moi quand je vous dis que beaucoup sont trompeuses ici. Chaque personnage est nuancé, et chaque a-priori trompé. J’ai littéralement adoré ce récit du début à la fin. D’ailleurs je l’ai aussi trouvé très immersif, et cet aspect-là est renforcé par la proposition d’une playlist avec un titre de chanson pour chaque chapitre du « présent » (ils sont à la toute fin dans l’édition poche, ne les manquez pas avant de commencer la lecture). Ces chansons, en plus d’être de la très bonne musique, nous plongent dans l’état d’esprit de la narratrice, Iris, et impliquent, de fait, émotionnellement le lecteur. En tout cas, c’est l’effet que j’ai eu. On regrettera que les musiques soient parfois trop longues pour la durée de lecture du chapitre, mais c’est difficile de calibrer à ce point une playlist. Cette immersion musicale a renforcé mon attirance pour le récit et pour l’histoire d’Iris et a aussi perturbé quelquefois mon jugement. L’histoire de manière générale est juste complètement dingue et bien malin est celui qui aura tout percé à jour avant le dernier quart du livre…

« Pour oublier son rire, j’ai tenté de comprendre ceux qui avaient cherché à l’effacer. Pour oublier son visage, j’en ai cherché d’autres plus abîmés. Pour oublier la douceur de sa peau, je me suis entourée de corps froids. Et, pour oublier son odeur, j’ai choisi la puanteur de la mort.»

En bref, cela se confirme, j’aime énormément ce qu’écris Maud Mayeras et il est certain que son troisième livre, Lux, atterrira directement dans ma wish-list tellement Reflex confirme son talent pour écrire des histoires dingues, son style très particulier et sa capacité à nous rendre dépendant de ces livres. 

« Photographe de l’identité judiciaire, Iris Baudry est discrète, obsessionnelle, déterminée. Disponible nuit et jour, elle shoote en rafales des cadavres pour oublier celui de son fils, sauvagement assassiné onze ans auparavant.

Mais une nouvelle affaire va la ramener au coeur de son cauchemar : dans la ville maudite où son enfant a disparu, un tueur en série s’est mis à sévir. Et sa façon d’écorcher ses victimes en rappelle une autre…

La canicule assèche la ville, détrempe les corps et échauffe les esprits, les monstres se révèlent et le brasier qu’Iris croyait éteint va s’enflammer à nouveau dans l’objectif de son reflex. »

(Photographie de couverture : © Philippa Berch)