Peines de mots perdus

Sorti début mars aux éditions Argyll, Peines de mots perdus est le nouveau roman de Jean-Laurent Del Socorro. Présentant comme personnage principal Axelle de Thorenc, il s’inscrit dans l’univers d’autres œuvres de l’auteur à savoir Royaume de vents et de colère, La guerre des trois rois ainsi que Du roi je serai l’assassin. Ayant adoré ma rencontre avec le personnage par le passé, il me tardait de la retrouver et voici ce que j’en ai pensé…

« J’ai cherché mes mots toute mon existence. Je découvre ceux de l’amitié dans les creux du silence.»

Une pièce en 3 actes

Peines de mots perdus n’est pas une histoire linéaire. Le roman est en effet composé de 3 actes sur 3 périodes de temps très différentes. La première partie est même issue d’une novella ici retravaillée, Noir est le sceau de l’enfer, qui fut publiée en ligne gratuitement par Albin Michel à la sortie de Morgane Pendragon. On saute ensuite plusieurs années ainsi que l’intrigue du roman Royaume de vents et de colère pour une seconde partie et, après une nouvelle ellipse, un dernier acte. On a alors le sentiment de lire 3 textes assemblés (et liés) ensemble en lieu et place d’un long roman. Cela joue évidemment sur la mise en place. Le décor se trouve ainsi planté en quelques mots ainsi que l’ambiance sans s’alourdir de longueurs qui ne correspondrait pas au format de ces micro-intrigues. Simple et efficace, le contexte historique et local n’est pas creusé comme on en a l’habitude chez l’auteur mais nous apparaît pourtant clair et accessible, libérant ainsi le récit d’un poids qui aurait alourdit le divertissement proposé. En effet, dans la digne filière des romans de cape et d’épée, Peines de mots perdus se caractérise par une action très présente, un rythme soutenu, de savoureux échanges entre les personnages et de l’héroïsme. Et le pari est plutôt réussi.

« Les religions montrent moins de patience et de tolérance que les écrits sur lesquels elles bâtissent pourtant leurs dogmes. »

Histoire et fantastique

Ce que j’aime beaucoup chez Jean-Laurent Del Socorro c’est qu’il utilise l’Histoire pour alimenter des romans teintés d’imaginaire. Inscrivant ici son récit dans le 16ème et 17ème siècle, il arrive en quelques mots à dresser la fresque de l’époque tout en manipulant un peu les faits (avec l’honnêteté de l’expliquer en fin d’ouvrage), notamment ici en féminisant une large partie des protagonistes. On a également ici un florilège de personnages historiques avec lesquels l’auteur joue un peu, personnages qui nous interpellent, marquent nos esprits et peuvent nous amener à en découvrir plus sur elleux dans des lectures parallèles. Je suis cependant un peu restée sur ma faim par le manque de détails sur l’époque comme j’y avais été habituée dans ses récits précédents. Le format en 3 actes intenses et rythmés empêche en effet de s’appesantir sur l’Histoire et il m’a manqué ce petit plus que je retrouve généralement chez l’auteur. Il n’en reste que Peines de mots perdus est une bonne lecture, divertissante à souhaits. On note aussi avec plaisir l’ajout, en fin d’ouvrage, de la traduction inédite, effectuée par l’auteur lui-même du pamphlet féministe de Jane Anger, elle-même personnage du roman. C’est tout à fait savoureux et c’est une belle découverte qui méritait, en effet, une traduction.

En bref, Peines de mots perdus est un excellent divertissement, digne des classiques de cape et d’épée avec un esprit beaucoup plus féminin. Composé en 3 micro-intrigues sur 3 périodes temporelles différentes, il plante rapidement le décor historique, le rendant accessible avec une facilité déconcertante et propose, en sus, un florilège de personnages ayant réellement existé. Je suis cependant un peu restée sur ma faim, appréciant les histoires qui prennent leur temps là où le format des ces récits ne le permet pas.

« France, 1593.
La chance a tourné pour les membres de la compagnie du Chariot : les voilà désormais enfermés à la prison de Rennes. Contre leur libération, leur capitaine Axelle de Thorenc est envoyée sur ordre du roi Henri IV en Angleterre pour retrouver le sceau de l’enfer, un artéfact alchimique aux immenses pouvoirs.
Première d’une longue série, cette mission la verra s’opposer à la mystérieuse École de la nuit. Des jardins du palais de la reine Élisabeth aux planches du théâtre de William Shakespeare, Axelle tiendra – souvent malgré elle – le premier rôle dans des complots en tous genres et donnera la réplique à des compagnons de scène inattendus : l’impertinent corsaire Francis Drake, la gouailleuse Mary la tire-laine ou encore la très engagée poétesse Jane Anger.»

(Illustration de couverture: © Xavier Colette)

[Diversité: pp noir.e, ps noir.e, ps lesbienne]

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