Partir : au-delà des frontières

Pour novembre, l’album du mois est un album au sujet d’actualité terriblement fort : les migrants. Récompensé du prix de l’album Flaus Fugge Prize 2017 et de l’Amnesty international special award 2017, Partir : au-delà des frontières est un album illustré et écrit par Francesca Sanna et il est édité, pour la version française, chez Gallimard jeunesse. Je l’ai choisi pour son thème, pour son visuel et parce qu’en le feuilletant j’ai eu un beau coup de cœur que j’avais envie de partager avec vous. Voici mon avis…

Selon moi, les albums jeunesse prennent toute leur valeur lorsqu’ils permettent d’éveiller les enfants à des sujets importants, de les aider à ouvrir les yeux, à oublier les préjugés que les écrans ou les adultes peuvent déverser sur eux, et de contribuer, ainsi, à les faire devenir des adultes plus ouverts qui participeront à la construction d’un monde meilleur. Je sais que c’est une vision utopique, mais j’ose espérer que les livres peuvent apporter leur pierre à l’édifice d’un avenir plus radieux. Francesca Sanna a choisi cette voie, en décidant de parler d’un sujet d’actualité qui n’est pas forcément simple à évoquer pour les enfants : les réfugiés et leur statut de migrants. Elle nous raconte l’histoire d’une famille qui, contrainte par une guerre qui détruit leur vie et emporte le père, décide de partir ailleurs, dans l’espoir d’une vie plus sûre. C’est l’épopée difficile d’une femme et de ces deux enfants, qui perdent tous leurs effets, toutes leurs forces, mais continuent d’avancer car il n’y a plus rien qui les attend en arrière. C’est un texte très puissant, qui en quelques mots, énonce clairement les choses. C’est dit avec justesse et avec simplicité. Et même si le texte est parfois compliqué, ou que les situations ne paraissent pas toujours claires à l’enfant, les illustrations sont là pour leur expliquer ce qu’ils ne peuvent pas forcément saisir par les mots. En effet, chaque détail des dessins a une puissance évocatrice forte et le choix des couleurs renforce également cette portée informative. On y ressent tout ce dénuement, toute la gravité mais aussi, en filigranes, partout, l’espoir. L’album était déjà merveilleux esthétiquement, le style de Francesca Sanna, tout en courbes et assez unique, me plaît énormément, mais en plus ces illustrations sont très parlantes pour les lecteurs et donnent toute leur force aux messages.

L’album nécessite cependant un accompagnement adulte, ne serait-ce que pour répondre aux questions que l’enfant va forcément se poser à l’issue de cette lecture. Il est là pour initier le dialogue, et éventuellement aussi remettre en question l’adulte lui-même, coincé dans ses préjugés. Sa grande force réside pour moi dans une fin ouverte, où on ne connaît pas l’issue du voyage, comme si, après cette note d’espoir du narrateur, c’était au lecteur de prendre le relais, pour aider cette famille à s’en sortir.

« J’espère que bientôt, comme ces oiseaux, nous trouverons un endroit pour nous. Une maison bien à l’abri, où nous pourrons reprendre notre vie. »

L’absence de noms et de genre donné au narrateur, permet également une identification de l’enfant à ces deux petits protagonistes. Le narrateur est un enfant comme un autre, avec sa maman, avec le deuil de son père, et le récit n’en devient que plus bouleversant. Il n’est plus l’étranger, il est comme nous, il peut être nous. Et si certains jugeront peut-être que tout est trop édulcoré, car finalement, ils s’en sortent, je trouve que l’album est, au contraire, déjà sacrément intense et dramatique, et que ce sont les illustrations qui soulignent cette épreuve horrible vécue par les personnages. Je garde encore en mémoire ce chat laissé derrière eux, ou cette double-page où la mère les rassure et craque pendant qu’ils dorment. Et si les mots ne sont pas posés sur ces images, leur force n’en est que décuplée.

En bref, Partir : au-delà des frontières est un album que tout le monde devrait parcourir car il est d’une grande puissance évocatrice et qu’il parle d’un sujet essentiel à aborder, notamment avec des enfants, qui, même si on les écarte de ce genre de faits, entendent des choses et se construisent parfois de fausses idées.

« Pour fuir la guerre, deux enfants et leur maman se lancent dans un long et dangereux voyage loin de leur pays. Passer la frontière, traverser la mer, se cacher, sans jamais perdre espoir... Leur chemin est celui de tous ceux qui tentent de trouver un endroit où vivre en paix.

Un album magnifique et sensible, pour évoquer simplement avec les petits l'exil, la migration vers l'inconnu d'un monde nouveau. »

(Illustration de couverture : © Francesca Sanna)

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