Moi, j'adore la pluie!

Et si on découvrait des albums venus d’ailleurs ? C’est ce que propose l’excellente collection Coup de cœur d’ailleurs des éditions Rue du Monde ! Parmi eux, pour la rubrique « Album du mois », j’ai choisi de vous présenter Moi, j’adore la pluie de Özge Bahar Sunar et illustré par Uğur Altun, un album turque publié en février 2019 en français. Voici donc ce que j’en ai pensé…

Bien plus que la pluie et le beau temps

Tout commence simplement dans cet album, par l’alternance et l’opposition du beau temps et de la pluie. Quand il fait beau, les gens sont heureux, se promènent, exercent des activités de loisirs jusqu’à ce que le mauvais temps arrive et rende les gens tristes, les empêchant d’aller dehors. Une opposition somme toute classique mais qui se trouve tout à coup bousculer par l’incarnation de la pluie comme personnage à part entière. Mal aimée, boudeuse, la pluie décide de baisser les bras et d’arrêter de venir. Elle intervient dans cette réalité comme une entité fantastique aux allures de gros nuage noir. Et c’est là que la grande force du livre entre en jeu : une jeune fille supplie la pluie de revenir car sans le tempo des gouttes sur le sol elle ne peut pas danser. Le lecteur fait face à sa surdité et à l’importance du rythme de la pluie pour cette demoiselle qui aime danser mais n’entend pas de musique. C’est donc un album qui parle aussi et surtout de handicap, à travers un petit conte presque ordinaire sur la météo. Une manière étonnante et détournée d’en parler qui rend l’album si précieux à mes yeux puisqu’il ne pointe pas vraiment la différence de la jeune fille qui doit se déduire à la lecture. De quoi faire naître de belles discussions entre l’enfant et l’adulte lecteur. Le retour de la pluie rappelle enfin l’importance de cette eau tombée du ciel pour la vie de tous les jours. Car après tout, qui peut s’en passer ?

Une esthétique épurée

Loin des illustrations complexes ou trop cartoonisés, cet album a un look très graphique et épuré qui peut en rebuter certains mais que je trouve, pour ma part, apaisant et très bien pensé. L’opposition des périodes de beau et de pluie est marquée par un indice très simple : des traits, tantôt verts pour l’herbe sur laquelle les gens vivent, tantôt gris pour tracer les gouttes de pluie. On comprend aussi, malgré les nombreux éléments sur chaque page, le dynamisme des moments de beau temps avec la multiplicité des activités à observer, face au vide laissé par la pluie. Ce sont des illustrations qui ont beaucoup à dire et qui demandent de s’y attarder plus que le texte pour tout y saisir. Les tons doux, pastels, offrent de plus un côté cotonneux et apaisant qui n’est jamais criard.

En bref, Moi, j’adore la pluie ! est un bel exemple de la collection Coup de cœur d’ailleurs. Non seulement, il évoque l’importance de la pluie mais aussi la question de la surdité, le tout dans une esthétique graphique très originale.

« Quel bonheur quand la pluie s'arrête ! Les promenades, les pique-niques... la vie peut reprendre ! Mais pour cette petite fille, c'est une affreuse nouvelle ! Alors, elle essaie de convaincre Madame la Pluie de revenir, c'est si important pour elle... »

(Illustrations de couverture et extrait : © Uğur Altun)