Les choses immobiles

Les choses immobiles est le tout nouveau roman de Michael Roch sorti le 23 août au label Mu des éditions Mnémos. Récit d’anticipation afrofuturiste caribéen, roman de lutte politique et de liens fraternels, c’était un titre incontournable pour moi à cette rentrée et voici ce que j’en ai pensé…

« C'est pas avec des mots qu'on lutte contre ce qui nous tue.»

Une vague de mots

Lire Michael Roch c’est se confronter à un usage puissant, évocateur et poétique de la langue. C’est se laisser submerger par l’intensité des mots, la force de leur image. Michael Roch a une identité narrative marquée. De sa voix semble résonner des milliers d’autres, comme un cri commun aux propos pourtant parfois dissonants. C’est une plume qui peut désarçonner mais qui est assumée et, personnellement, cette écriture me fascine à chaque fois. Les choses immobiles est un roman étonnant aussi par sa construction. Morcelé, il se compose de cours passages comme des instantanés. Certains se relient entre eux quand d’autres semblent se situer hors du temps, portant une réflexion qu’il est impossible de cloisonner à un instant. Le récit se veut nerveux, organique et perturbé, à la lumière de l’état du narrateur en proie aux doutes et aux monstres ; ceux du passé, ceux qui l’entourent et ceux qui sommeillent en lui. Les langues elles-même se mêlent. Il s’agit alors de se laisser porter, de s’imprégner de tout, quitte à naviguer et revenir en arrière pour mieux profiter de tout l’éclat des mots. 

« notre lutte commune, c’est l’indépendance. mais pas au prix du martyre, pas en glorifiant la mort, en vouant un culte à l’héroïsme et la résistance, qu’elle soit ancestrale ou non, pas au prix d’un peuple réduit à une seule voix, ou à un chef. pas au prix de traditions fantasmées, d’incohérences à la gloire d’un passé qui n’a jamais existé. pas au prix de la haine de toute culture ou de toute science, puis au prix de la haine de l’autre, la haine de celui au plus près de soi, son frère ou sa soeur, parce qu’il ne pense plus tout à fait comme nous, pas au prix de la haine de soi. tout ça, c’est du fascisme. et le fascisme vous fait croire que vous êtes seuls, que tous les autres sont contre vous.»

Un cri de lutte

Les choses immobiles est un récit multiple. C’est le retour d’un jeune homme en Martinique, un retour où sa peau métisse et la vague de contestations exigent qu’il prenne sa place. C’est aussi le récit des retrouvailles avec un frère qui évoque autant le passé fuit que l’avenir plein de doutes mais n’offre finalement qu’un présent chaotique en miroir où lutte rime avec héroïsme et héroïsme avec martyr. C’est aussi un récit organique, où la sexualité se fait intense et féroce, essentielle et souffrance et où l’addiction et l’autodestruction se mêlent au plaisir. C’est surtout un cri de lutte. Celle intérieure qui dévore notre narrateur, le bouscule sans cesse, le ronge et celle, en résonance de toute un peuple qui demande liberté, dignité et justice. C’est un puissant cri pour l’indépendance, pour des Caraïbes décolonisées, où s’affrontent diverses moyens de lutte : celui de la violence barbare qui enferme le destin et celle, plus subtile, qui se tisse d’entraide et de sororité. Un récit d’anticipation qui semble si présent, si réel, quand on voit la situation actuelle par exemple à Mayotte. Terrifiant et glaçant par ce rejet historique de la France pour ses territoire d’Outre-mer. Conquis, pillés, abandonnés. Les choses immobiles s’en imprègne avec force et ça ne laisse pas indifférent.

« Ce qu’il faut de rage pour tenir la tête au monde. Ce qu’il faut de peine pour se soigner en dépit de tout. Ce qu’il faut de force pour construire sur du rien. Ce qu’il faut d’idéaux pour sauver le plus petit morceau de ce qu’il nous reste. La terre. La mer. » 

En bref, Les choses immobiles est un roman épatant par la qualité de son écriture mais aussi par la puissance de son propos. Cri de lutte de tout un peuple, récit organique où mort et désir s’entremêlent, où passé et futur riment avec chaos. Puissant et subtil, c’est un roman envoûtant et troublant qui marque les esprits.

« Au décès de son père, un jeune homme revient à la Martinique. Accueilli par son frère, il va découvrir l’envers d’une île que la France abandonne, une île en proie à des bouleversements écologiques et sociaux, une île où tout a définitivement changé… comme lui.

Poursuivi par ses démons hexagonaux et les visions d’une étrange anguille spectrale, Charles va s’engager peu à peu, entre relations fraternelles tendues et amours multiples, aux côtés des indépendantistes.»

(Illustration de couverture: © Kevin Deneufchatel)

- Merci à Mu et Mnémos pour ce service presse - 

[Diversité: pp pansexuel.le, pp métis.se, ps noir.e]

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