Le vieux qui voulait sauver le monde

Il y a quelques années, j’avais passé un moment très agréable en compagnie du livre loufoque de Jonas Jonasson, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire. C’est donc avec un grand plaisir que j’ai reçu, dans le cadre d’une masse critique Babelio, sa suite intitulée Le vieux qui voulait sauver le monde, paru aux éditions Presses de la Cité le 11 octobre dernier. Et voici ce que j’en ai pensé…

" Comme si autoriser les femmes à conduire ne suffisait pas, la population toute entière avait regagné le droit d'aller au cinéma, pour la première fois depuis 1983. S'ils continuaient sur cette pente, les Saoudiens auraient bientôt le droit de boire un coup et de se sentir bien."

De l’art de dénoncer par l’absurde

Pour ceux qui ne connaissent pas les romans de Jonas Jonasson, sachez que cet auteur suédois utilise un côté surréaliste et absurde dans ces romans. Avec le personnage du vieil Allan Karlsson, ce sont des enchaînements loufoques et des situations plus abracadabrantesques les unes que les autres qui parsèment le récit. Mais l’auteur mêle également ici des aspects très réels, à savoir la situation dans le monde en 2017 et les personnes qui sont au pouvoir, avec le loufoque qui entoure toujours le personnage d’Allan qui est décidément toujours là où personne ne l’attend. Ce côté surréaliste a bien entendu une utilité. Il permet de dénoncer les travers de la société moderne et également, pour cet opus, de critiquer les dirigeants. Les figures politiques sont bien moquées, Trump en tête, pour notre plus grand plaisir (bon par contre, la mise en garde qui précise que toute ressemblance avec une personne réelle est fortuite ne me paraît pas très justifiée ici…). Cette suite m’a paru plus piquante, plus acide que le premier. On ressent en effet plus l'amertume de l'auteur face au monde qui l'entoure. Et attention, l’insistance sur le déclin de notre monde à travers le bulletin quotidien des horreurs qui le parsème peut faire baisser le moral du lecteur, alors que le premier roman avait tendance à nous faire plus rire qu'autre chose. Vous rirez certes, mais vous allez aussi sans doute être amené à réfléchir et à ressentir un peu cette amertume qui a poussé l’auteur à écrire une suite. Je préfère prévenir, parce que je n’y ai pas trouvé la légèreté que j’attendais personnellement.

" La rétience à aider n'était nulle part aussi élevée que là où on ne l'avait encore jamais fait. Voilà comment fonctionnait la rancoeur humaine."

Un peu lent au démarrage

Pour être honnête, j’ai quelque peu eu peur de devoir abandonner durant les 100 premières pages. Le récit est quelque peu enlisé et peine à démarrer. On attend que l’action arrive et on a l’impression que cette suite n’était finalement pas la meilleure des idées, malgré tout « l’amour » que l’on peut avoir pour le personnage d’Allan. Mais ensuite l'humour débridé et les situations folles s'enchainent, ainsi que les dialogues étranges mais terriblement caustiques d'Allan avec les dirigeants de ce monde et le plaisir est retrouvé. On poursuit notre lecture, emporté par ce récit qui ne nous emmène jamais où l’on croit aller pour terminer sur un final assez juste et même assez fort. La morale finale nous laisse en effet un sentiment à la fois plein d'espoir et de craintes. Elle nous amène à réfléchir et explique toute la raison d'être de cette suite, peut-être pas essentielle pour nous, mais certainement pour l'auteur et Allan, qui avaient encore des choses à nous dire.

En bref, cette suite est tout aussi surréaliste que le premier volume, mais comme elle s’ancre dans notre présent, elle prend des allures aussi plus graves et plus piquantes. C’était en tout cas un grand plaisir de retrouver Allan Karlsson qui, par son étrange capacité à être là où on l’attend pas, parvient à critiquer le monde tout en nous donnant le sourire.

"Tout commence au large de Bali, avec une montgolfière et quatre bouteilles de champagne. Aux côtés de Julius, son partenaire dans le crime, Allan Karlsson s’apprête à fêter son cent unième anniversaire quand… patatras ! Le ballon s’échoue en pleine mer. Voici nos deux naufragés recueillis à bord d’un vraquier nord-coréen. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, il se trouve que l’embarcation, dépêchée par Kim Jong-un, transporte clandestinement de l’uranium enrichi. Ni une ni deux, Allan se fait passer pour un spécialiste de la recherche atomique, parvient à leurrer le dictateur et s’enfuit avec une mallette au contenu explosif... un néonazi suédois à ses trousses. De Manhattan à un campement kenyan en passant par la savane de Tanzanie et l’aéroport de Copenhague, Allan et son comparse se retrouvent au cœur d’une crise diplomatique complexe, croisant sur leur route Angela Merkel, Donald Trump ou la ministre suédoise des Affaires étrangères, se liant d’amitié avec un escroc indien au nom imprononçable, un guerrier massaï, une entrepreneuse médium engagée sur le marché du cercueil personnalisé et une espionne passionnée par la culture de l’asperge."

(Couverture: © R. McGuire / Gratisography, T. Archibald / Getty images, Kali9 / Pixabay - Stanislas Zygart)

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