Le garçon et la ville qui ne souriait plus

Après nous avoir envoûté avec Que passe l’hiver (chez L’Homme Sans Nom), pour lequel il fut coup de coeur des Imaginales 2019, David Bry a publié chez Lynks le roman Le garçon et la ville qui ne souriait plus. C’est lors de la rencontre de l’auteur aux Imaginales que j’ai pu me procurer ce titre qui me donnait très envie. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Les petites flammes forment les grands feux qui repoussent l’obscurité.»

Une aventure palpitante

A la différence de Que passe l’hiver, j’estime que Le garçon et la ville qui ne souriait plus s’adresse à un public plus jeune (bien qu’il plaira aussi aux adultes), étant plus vif et moins complexe dans son ensemble. En effet, ici l’intrigue, qui ne manque pas de rebondissements, a un rythme assez soutenu et la bande de gamins qui est au coeur de l’histoire renforce ce côté aventure ado plutôt bien mené mais qui change par rapport à l’autre roman de l’auteur. J’y ai retrouvé des échos à des histoires telles que Les mystères de Larispem ou A la croisée des mondes avec ces jeunes héros qui prennent tous les risques et agissent pour contrer d’immenses complots diaboliques. J’avais besoin d’une lecture palpitante et immersive sans aucune prise de tête, et c’est exactement ce que nous offre David Bry: un bon moment de lecture. Alors oui, sous certains aspects les résolutions sont assez miraculeuses, le pendant un peu « jeunesse » du récit oblige, mais cela ne gâche pas la lecture qui nous offre aussi des moments fort sombres et porteurs de réflexions importantes.

« Si nous poursuivons sur cette voie, qui nous garantit que demain, la Police de la Norme ne viendra pas chercher les veuves éplorées coupables d’avoir perdu leur mari, les gauchers, ceux à la vision trop basse, les vieux ou les femmes et les hommes aux cheveux roux? »

Une ode à la différence, à la liberté et à l’amour

La grande force de ce roman c’est sa thématique. L’histoire se déroule dans un Paris uchronique où tous les déviants (entendez par là handicapés, malades, homosexuels, etc.) sont rejetés sur l’île de la Cité par la Loi de la Norme qui traque les différents. Avec la rencontre de ces exilés, c’est une formidable ode à la tolérance qui est faîte dans ce roman, mais aussi une ode à la liberté et à l’amour, portés en étendard par des héros plus que sympathiques. Et au travers du personnage de Romain, c’est toute la question de l’acceptation de soi et la souffrance du rejet que nous interrogeons. Les valeurs de cette intrigue m’ont beaucoup touchées et j’avoue avoir été très impliquée dans l’aventure grâce à cela. D’autant que ce Paris réinventé de 1858 apparaît comme très crédible, aidé par l’argot de la Cour des miracles et une multitude de détails, comme les documents inter-chapitres, qui nous immergent complètement dans cet univers. Et si la poésie  envoûtante et riche de David Bry est ici moins perceptible, il parvient toujours à nous emporter sans peine dans son imaginaire très fouillé. Enfin, la très jolie mise en page et les illustrations de Mélanie Delon sont des petits plus indéniables qui font de ce livre un très bel objet qu’il est agréable de parcourir. 

« -Tu as raison, Akou. Mais il me manque une chose. Une seule qui gâche toutes les autres, que vous avez et que moi je n’ai pas.

- Et c’est quoi ce fameux trésor?

- La liberté. »

En bref, Le garçon et la ville qui ne souriait plus est un roman passionnant qui se lit sans peine et qui promeut de belles valeurs. David Bry propose une aventure palpitante aux héros sympathiques dans un univers crédible et immersif. Une belle réussite!

« Romain fuit chaque nuit sa demeure bourgeoise et confortable, pour rejoindre la Cour des Miracles où vivent les anormaux – fous, difformes, obèses, et autres parias parqués là par les Lois de l’Église. Le soir de ses quinze ans, il découvre qu’un terrible complot vise les habitants de la Cour.

Des coupe-gorges de Mouffetard aux ruines de Notre-Dame, il devra compter sur son ami Ambroise, sur Joséphine, Lion et Akou, pour lever le voile sur la conjuration et échapper aux terribles Lames Noires, à la solde de l’archevêque de Paris.

Dans un monde assombri par la peur et l’intolérance, le salut peut-il venir de quelques adolescents en quête d’amour et de liberté ? »

(Couverture: © Miesis-Sylvie Veyres)