La Saignée

Dernier roman en date de Cédric Sire, La Saignée a été publié en 2021 chez Fayard puis en poche au Livre de poche en 2022. Ayant beaucoup aimé tous les romans que j’ai lu de l’auteur, que ce soit ses thrillers aux accents fantastiques ou ses œuvres sans imaginaire plus récentes, j’avais très envie de me plonger dans ce roman depuis sa sortie. J’ai alors profité d’un départ en vacances pour me replonger dans un genre laissé de côté depuis quelques années. Et voici donc ce que j’en ai pensé…

« La seule personne que vous aimez faire souffrir, c'est vous.»

Un retour au thriller survolté

Il y a quelques années, je dévorais autant d’imaginaire que de thrillers si ce n’est même plus. Mais peinant de plus en plus à y trouver de l’originalité, j’ai fini par me lasser complètement du genre, l’abandonnant progressivement. Il y a cependant quelques auteurs et autrices qui étaient pour moi des valeurs sûres en terme de plaisir de lecture dans le domaine et que j’ai bien envie de relire de temps en temps. C’est le cas de Cédric Sire. Tous ses romans contiennent une petite part d’originalité savoureuse mais ces intrigues sont surtout haletantes et trépidantes, m’emportant dans un maelström de tension et d’hémoglobine à un rythme survolté. La Saignée ne déroge absolument pas à ces critères. Dès le prologue, le ton est donné : le roman sera glauque, violent et ne vous laissera aucun repos. S’ensuit une mise en place précise du puzzle de l’intrigue, où l’auteur vous mènera de fausses pistes en révélations jusqu’à un final explosif intense. J’ai alors enchaîné les chapitres très courts à une vitesse folle, ne voyant pas défiler les plus de 600 pages qui constituent le roman. Et ce malgré le fait que certaines ficelles de l’histoire m’ont paru trop évidentes. Si j’ai regretté que les pièges tendus par l’auteur n’aient pas vraiment fonctionné sur moi, je n’ai cependant jamais été frustrée par cette intrigue qui m’aura conquise par la tension permanente mise en place.

« […] elle était fascinée par cette capacité d’escalade qu’avait la haine, tout le temps, chez tout le monde. 

De la moindre étincelle surgissait un incendie redoutable.»

Take it like a woman

Comme toujours avec les écrits de Cédric Sire, il est conseillé aux âmes sensibles de s’abstenir. L’affaire dans laquelle il nous plonge est sordide, horrifique. On parle ici de torture et mise à mort en direct, mais aussi de violences sexistes presque continuelles tout au long du roman. C’est une intrigue où l’abject et l’obsession entrent dans une danse malsaine dérangeante. Bien que très visuel, le roman réussit pourtant le pari difficile de ne pas mettre ces atrocités sur un piédestal, laissant sans cesse filtrer l’horreur et le malaise absolu qu’elles sont censées suggérer, pointant du doigt, avec plus ou moins de subtilité, celles et ceux qui semblent s’en délecter. Il y a en creux une critique d’une société patriarcale pourrie jusqu’à la moelle portée par des personnages féminins remarquables. Estel notamment est magnifiquement écrite. Nuancée, pas forcément attachante mais néanmoins touchante, elle est devenue rapidement pour moi un personnage fascinant que je cherchais à comprendre pleinement. Il est aussi question de traumatisme dans ce récit et de notre manière d’y faire face. C’est un roman qui, sous couvert d’une enquête sous tension et d’une débauche d’horreur, conserve une belle épaisseur qui nous fait nous y accrocher et passer outre quelques ficelles plus grossières en plus de son ambiance diaboliquement maîtrisée.

En bref, Cédric Sire a réussit à m’emporter sans faillir dans ce roman dérangeant mais captivant. Le rythme est trépidant, l’intrigue plutôt bien menée et les personnages, notamment féminins, très réussis. Je regrette un peu le manque de surprise sur certaines révélations mais je n’ai jamais ressenti de frustration pour autant, emportée par la tension maîtrisée et les dénonciations sous-jacentes.

« « Est-ce que tu aimes ? » clame le site sous la photo d’un cadavre mutilé. Sur le Dark Web, il existe des espaces interdits où les voyeurs de la pire espèce assouvissent leurs pulsions.
Estel Rochand a été écartée de la police après une terrible bavure qui a causé la mort d’une innocente. Sa vie est en miettes, son couple à la dérive. Cette ancienne championne de boxe se fraie un chemin dans l’existence comme elle l’a toujours fait : à coups de poing. Prise dans un engrenage infernal, Estel a de plus en plus de mal à contrôler ses accès de violence. Quentin Falconnier, policier spécialisé en cybercriminalité, enquête sur un site du Dark Web qui propose des vidéos de torture et de mise à mort en direct. Qui se cache derrière cette « red room » appelée « La Saignée » ? Le jeune homme se lance corps et âme dans cette nouvelle croisade : découvrir l’identité du coupable derrière le masque du bourreau, et l’arrêter.

Une plongée dans un monde où chacun doit affronter ses démons.»

(Illustration de couverture: )

> Lire un extrait < (© LGF)

[Diversité: ps lesbienne]

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