La louve

Paru en 2014 dans la collection Histoire comme ça des éditions Alice jeunesse, La louve est un album écrit par Clémentine Beauvais et illustré par Antoine Déprez. Multiplement primé (entre autres, Prix des Incorruptibles 2015-2016 et Prix des P’tits Loups 2015), ce conte réservé aux plus de 8 ans est l’album à l’honneur en mai pour la rubrique Album du mois. Voici donc ce que j’en ai pensé…

[NB: Un immense merci aux éditions Alice jeunesse de m’avoir proposé un envoi d’albums. Votre confiance me va droit au coeur surtout venant d’une maison d’édition belge et indépendante que j’admire beaucoup!]

« L’hiver est rude. Comme d’habitude, vous avez pêché tous les poissons et chassé tous les lapins, les sangliers et les biches, laissant ma meute mourir de faim. Mais, cette année vous êtes allés trop loin.»

Un conte ténébreux troublant

La louve a tout d’un récit légendaire, d’un conte qu’on se raconterait au coin du feu de générations en générations. C’est un album envoûtant qui aborde des thèmes d’une gravité certaine, tels que le danger de mort, le sacrifice et la métamorphose. Une histoire sombre donc mais qui est racontée en conservant un optimisme à toutes épreuves grâce au courage et à la confiance de la jeune héroïne prête à tout pour sauver son amie, quitte à se perdre (ou se retrouver?) elle-même. La louve est une histoire puissante et troublante qui casse les codes des contes classiques, tout en conservant leur essence même, en proposant un final inattendu. C’est un quasi huis-clos au coeur de l’hiver qui fait tourbillonner les sentiments du lecteur dans une ambiance aussi glaciale qu’enivrante. Et même si tout finit bien pour tout le monde (bien que ce n’est pas l’happy end auxquels les lecteurs sont habitués), on reste longtemps imprégné de l’aura étrange et peut-être un peu dérangeante de cette histoire pas comme les autres. C’est un album à plusieurs niveaux de lecture, de la légende sur fond de malédiction, de courage et d’amitié à la réflexion sur le changement et l’acception de sa nature profonde. Le tout avec un petit aspect écologique en filigranes qui n’est évidemment pas pour me déplaire. Clémentine Beauvais signe ici un grand texte pour les petits!

De l’art de rendre vivante une histoire par un coup de crayon

Côté dessins, Antoine Déprez nous offre, avec cet album, une belle démonstration de son talent pour créer des ambiances envoûtantes en quelques coups de crayon. Son trait virevolte dans un florilège hivernal tantôt foisonnant et comme porté par une tempête de neige, tantôt juste esquissé comme une parenthèse, une pause dans le récit pour mieux laisser au lecteur le soin de combler les non-dits. Bien que les traits soient ronds et doux, les dessins n’entachent en rien l’ambiance troublante de l’album grâce à un jeu astucieux de cadrages qui renforcent l’intensité de l’histoire, éclairant la menace, le danger ou encore le poids de la malédiction voire même en nous donnant le rôle de l’animal. Les illustrations sont vraiment sublimes et accompagnent les mots en un dialogue efficace, et ce jusque dans les choix des couleurs pertinents et immersifs.

En bref, La louve est un superbe album! Les illustrations splendides d’Antoine Déprez entrent en parfait accord avec le récit envoûtant et troublant de Clémentine Beauvais pour nous offrir un conte qui a déjà tout d’un classique. 

« Un villageois a tué un louveteau pour confectionner un manteau à sa fille. Mais la mère du louveteau est une louve-sorcière. Elle lance une malédiction à l’enfant, qu’elle ne lèvera que si on lui rend son louveteau…»

(Illustration de couverture & extrait: © Antoine Déprez) 

[Lecture n°30/60 (pour l'échelon 4) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 8 de Ma lecturothèque]