La descente ou la chute

Pour l’opération Pépites de l’imaginaire 2021 des Indés de l’imaginaire, Les moutons électriques nous proposent le second roman de Basile Cendre intitulé La descente ou la chute, à paraître le 19 mars prochain. Entre fantasy, conte philosophique et postapo, c’est un titre qui avait retenu mon attention. Et voici ce que j’en ai pensé…

[NB : Je remercie les éditions Les moutons électriques pour cet envoi.]

"Nos estomacs grouillent de vide, nos cheveux et nos corps puent la saleté, nos gorges grésillent de sécheresse. Et pourtant, je rêve que nous sommes un peu heureux."

Il est difficile de définir La descente ou la chute ou même d’en écrire une chronique très complète car c’est un roman qui se compose de plusieurs strates de lectures et de multiples interprétations possibles en termes de message, de philosophie et de sens. Il s’agit d’un roman original oscillant entre la fantasy et le postapo, avec un monde dévasté, ruines d’aciers et de béton mais couplé à des êtres titanesques soufflant une brume de cauchemars qui corrompt les hommes. Basile Cendre nous offre un récit qui oscille sur le fil des genres de l’imaginaire, pour mieux nous proposer une épopée initiatique et philosophique où il est surtout question de quête du bonheur. Allégorie de la dépression, illustration de la déshumanisation et de l’abrutissement des masses sous le travail harassant, réflexion sur les démons intérieurs, le suicide et l’importance du lien social et du prénom ou même encore représentation des Enfers, La descente ou la chute est un roman qui peut être interprété de nombreuses manières en fonction de la personne qui le lit et du moment de la lecture. En ceci, c’est un roman très intéressant, riche de sens et porté par une plume très élégante. Basile Cendre écrit avec beaucoup de poésie, de belles formulations envoûtantes et lourdes de sens elles aussi, pour des envolées lyriques agréables. Mais malheureusement, tous ces points positifs sont parfois au détriment du rythme ou de l’intrigue elle-même.

" Parfois, elle doit palabrer longuement, et parfois un seul chuchotement suffit pour éveiller les remords qui dorment. Alors c'est le désespoir, la tristesse et l'oubli, un océan dans lequel vous sombrez, hagard. Incapable de comprendre que cette main qui vous noie vous appartient."

Un world building imparfait

Il s’agit indéniablement d’un très bon roman mais il a aussi quelques failles qui ont ralentit ma lecture et mon enthousiasme. Les belles idées de l’auteur sont parfois au détriment du rythme de l’intrigue qui, notamment dans sa deuxième partie à la Manufacture, a tendance à s’enliser et à lasser quelque peu. Il convient alors de s’accrocher un peu pour obtenir la conclusion de cette histoire. Mais je pardonne aisément cet aspect un peu trop contemplatif à mon goût car il va de pair avec le style d’écriture et la volonté philosophique. L’aspect qui m’a le plus dérangé c’est un world building assez flou et un manque de crédibilité qui m’a laissé parfois perplexe dans le déroulé de l’intrigue. J’ai eu du mal à concevoir le fonctionnement de cet univers, la façon de survivre de certains personnages et surtout, la logique d’un outil central de l’histoire : le Fil. Je ne parviens pas à saisir comment tout peut s’articuler avec ce fil qui semble visiblement ne jamais se coincer. Est-ce qu’il traverse la matière ? Est-ce que c’est le terme de Fil qui est trompeur ? Il manque, pour moi, des explications sur cet outil et je n’ai cessé, à la lecture, de m’interroger sur la logique de cet aspect, ce qui a entravé mon immersion. Lié à ce world building un peu flou, le final m’a semblé un peu trop brusque et trop facile. Je n’arrive pas à l’imaginer, à le concevoir et donc, malheureusement à y croire. Il n’empêche que la lecture est malgré tout agréable, que le roman mérite la découverte pour la plume, superbe et pour la richesse de sens de ce récit étonnant et original.

En bref, La descente ou la chute est un roman qui oscille en fantasy, conte philosophique et postapo et nous propose une intrigue riche de sens qui peut être interprétée de diverses façons. Porté par une plume maîtrisée et très poétique, c’est un ouvrage qui se lit avec plaisir mais au rythme assez lent car contemplatif. Quelques failles dans le world building ont un peu entravé mon immersion à la lecture et me laissent un sentiment mitigé bien que je vous conseille tout de même sa découverte.

"Sauter pour sombrer dans la brume ou descendre de son perchoir et dégringoler les montagnes de décombres, de ferrailles enfouies et hostiles. Peut-être atteindre les profondeurs obscures où dorment les titans, ces géants corrompus au sommeil éternel... et tourmenté. Il lui faudra éviter les chuchotements vicieux de la brume, l’étreinte froide et violente des Oubliés, et la tentation troublante du vertige. Mais Loup le sent, il y a un secret en bas, une liberté que le ciel plombé des hauteurs lui refuse."

(Illustration de couverture: © Melchior Ascaride)

Amputation, Dépression, Deuil, Mort, Suicide

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[Lecture n°27/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]