L’ours et le rossignol

Paru le 17 janvier dernier aux éditions Denoël dans la collection Lunes d’encre, L’ours et le rossignol est le premier roman de Katherine Arden. Publié en 2017 dans sa version originale, il a rencontré un franc succès et constitue le premier tome de la série Winternight Trilogy. J’avais terriblement hâte de lire ce roman inspiré de contes russes, et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Merci aux éditions Denoël pour leur confiance renouvelée ainsi qu’à Maria Luisa pour sa gentillesse et sa disponibilité.]

« Les paysages resplendissants de février avaient fait place à la morne grisaille de mars, et tous dans la maisonnée de Piotr Vladimirovitch avaient la goutte au nez et la maigreur de qui s’est sustenté six semaines de pain noir et de chou fermenté. Mais personne ne pensait aux engelures ou aux reniflements ni n’avait la nostalgie des bouillies et des viandes rôties, parce que Dounia allait raconter une histoire. »

Une sensation de bien-être au coin du feu

L’ours et le rossignol s’inspire non seulement de contes russes, il en constitue un à part entière en reprenant les codes classiques du genre ainsi que tous ses bons ingrédients pour nous proposer une histoire à la fois haletante et magique. J’ai vécu cette lecture comme un moment chaleureux à écouter des légendes au coin du feu. Il a ce côté envoûtant qui nous enveloppe dans la douceur que seule une bonne histoire peut provoquer. Parfaitement adapté à la saison hivernale, ce roman se savoure et nous permet de renouer avec nos âmes d’enfants en nous faisant retrouver la féroce volonté de croire à l’impossible et aux légendes, tout en conservant une part de dureté propre à l’exigence des hivers russes. Alors certes, le schéma ne s’éloigne pas de celui des contes classiques et l’appel aux mythologies nordiques ne les réinvente pas pour peu que nous les connaissions déjà. Il n’empêche que j’ai dévoré ce roman avec un plaisir infini pour la bulle d’évasion qu’il me procurait, appréciant lire un conte qui certes faisant écho à des récits d’enfance mais qui s’enveloppe aussi d’une certaine noirceur et richesse propre au lectorat adulte auquel il s’adresse.

« Comme vous voulez. C’est une tâche bien cruelle, d’effrayer les gens au nom de Dieu. Je vous laisse. » Elle hésita, puis ajouta très doucement: « Quoiqu’il en soit, batiouchka, je n’ai pas peur. »

Une héroïne coup de coeur

L’histoire ne m’aurait peut-être pas tant plu sans la personnalité de la jeune Vassia, l’héroïne flamboyante de ce conte. C’est un personnage terriblement attachant. J’ai apprécié son courage, et sa sauvagerie tout autant que son espièglerie et son aura particulière. Elle m’a littéralement envoûtée! Et quel plaisir de voir un tel caractère lutter farouchement contre tous, contre l’obscurantisme, contre sa situation de femme, contre les esprits trop étroits des gens qui l’entourent. Elle devient le symbole qui prône l’imaginaire et la liberté, celle de croire et celle d’être ce que l’on souhaite. Et à travers son destin complexe mais captivant, c’est toute la dureté de son époque qui se ressent. L’ambiance est d’ailleurs parfaitement maîtrisée et donne à ce premier roman une aura captivante indéniable. On y ressent le froid, la neige, mais aussi la douceur du foyer, réconfortante et à protéger. Et si les scènes plus « épiques » sont peut-être moins maîtrisées et moins visuelles, on est si bien dans cette lecture que l’on passe outre pour ne retenir que la poésie de son histoire et se laisser porter.

En bref, L’ours et le rossignol est un véritable conte avec une mythologie nordique magique envoûtante, une héroïne flamboyante et attachante et une histoire captivante qui nous enveloppe dans une parenthèse enchantée. Parfait pour les amateurs du genre. Sachez enfin que s’il est le premier tome d’une trilogie, il peut se lire comme un volume unique.

« Au plus froid de l’hiver, Vassia adore par-dessus tout écouter, avec ses frères et sa sœur, les contes de Dounia, la vieille servante. Et plus particulièrement celui de Gel, ou Morozko, le démon aux yeux bleus, le roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ces histoires sont bien plus que cela. En effet, elle est la seule de la fratrie à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces nichées au plus profond de la forêt. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales. »

(Illustration de couverture: © Aurélien Police)

> Lire un extrait < (© Denoël)

[Lecture n°9/36 (pour l'échelon 3) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 7 de Ma Lectorutothèque]