Helena

Paru le mois dernier dans la collection Littérature Rivages des éditions Payot & Rivages, le second roman de Jérémy Fel (après Les loups à leur porte) connaît un beau succès côté critique pour cette rentrée littéraire. Intitulé Helena, il m’a attiré immédiatement par sa couverture hypnotisante et parce qu’un thriller psychologique français comparé dans la presse à du Stephen King, ça intrigue ! Voici ce que j’en ai pensé…

"Il ne devait pas pleurer. Il n'était plus un gamin. Les gamins, on les dévorait dans les champs à la nuit tombée. Les gamins, on les faisait hurler derrière les portes closes."

Une fresque noire

Helena est un roman chorale qui nous propose le point de vue alterné de 4 personnages, formant une sorte de fresque familiale détaillée sur plus de 700 pages. Si le début m’avait paru un peu longuet (hormis le premier chapitre qui donne le ton), l’auteur prenant le temps de nous présenter ses protagonistes avant de démarrer une quelconque action, c’est, avec le recul, un mal pour un bien. Jérémy Fel nous offre ainsi des personnages fouillés et crédibles en détaillant leur psychologie et leur état d’esprit afin que, lorsque le tourbillon infernal qui va bouleverser leur existence arrive, nous comprenions leurs réactions qui nous apparaissent alors logiques et terriblement prévisibles… et c’est là que ça devient glaçant. Le travail détaillé sur la psychologie des personnages est la réelle force de ce livre, d’autant que l’auteur s’appuie également sur les relations intergénérationnelles et les effets de causalité entre des événements du passé et les réactions au présent pour nous démontrer le réalisme terrifiant de son roman noir. La fresque familiale se noircit de page en page, emportant nos personnages dans un cycle infernal dont aucun ne peut ressortir indemne, ni même le lecteur qui se retrouve à développer une empathie, ou tout au moins une compréhnesion pour des personnages aux comportements dérangeants. Et au centre de ce tourbillon, un sujet central : l’amour maternel. 

"Il faisait jour au-dehors. Mais, au fond, cela n'avait plus d'importance. Que la nuit vienne, elle ne lui faisait plus peur. Bientôt, elle n'aurait plus à ouvrir les yeux. Bientôt, elle n'aurait plus faim. Bientôt, elle basculerait vers la douceur."

Une tension qui monte, explose, puis retombe

Dans ce roman noir aux allures de thriller psychologique, Jérémy Fel installe progressivement un climat de tension qui atteint son paroxysme autour des 200/300 pages dans un déferlement palpitant d’événements. Impossible de lâcher alors le livre tant l’auteur s’est amusé avec nous, et tant l’histoire prend un tournant fou qui nous dérange autant qu’il nous captive. Mais par contre, après 350 pages, j’ai trouvé que l’effet retombait un peu pour finalement ne jamais revenir réellement. Heureusement, les mystères, notamment sur l’identité d’Helena, nous accrochent au roman et le livre continue à se dévorer à une allure folle tant la curiosité nous emporte de page en page, appuyée par une écriture fluide appréciable. J’ai apprécié également l’analyse de l’ampleur des conséquences d’un seul acte qui prennent alors une dimension effrayante et qui donnent envie de savoir comment nos protagonistes vont pouvoir s’en sortir. Mais ça fait un peu long sur 400 pages restantes... De plus, malheureusement, quand la révélation tant attendue sur Helena tombe, le soufflé s’effondre et c’est la déception qui l’emporte pour moi. En somme, je suis restée sur un sentiment de « tout ça pour ça » avec ce final, d’autant plus renforcé que mes théories erronées me semblaient plus croustillantes.  Et c'est dommage, parce que ça ternit un peu mon avis général alors que ma lecture a été plutôt agréable dans son ensemble. Je regrette aussi un manque d’angoisse, trompée que j’ai été par les critiques presse le présentant parfois comme un livre horrifique, ce qu’il n’est pas du tout.

En bref, Helena est un excellent roman noir avec des personnages très travaillés et une histoire assez dingue qui gagne en tension jusqu’à la moitié du livre. Ensuite, l’intensité a tendance à s’essouffler et le final déçoit un peu, même si on dévore ses plus de 700 pages en un rien de temps.

« Kansas, un été plus chaud qu’à l’ordinaire.

Une décapotable rouge fonce sur l’Interstate. Du sang coule dans un abattoir désaffecté. Une présence terrifiante sort de l’ombre. Des adolescents veulent changer de vie. Des hurlements s’échappent d’une cave. Des rêves de gloire naissent, d’autres se brisent.

La jeune Hayley se prépare pour un tournoi de golf en hommage à sa mère trop tôt disparue.

Norma, seule avec ses trois enfants dans une maison perdue au milieu des champs, essaie tant bien que mal de maintenir l’équilibre familial.

Quant à Tommy, dix-sept ans, il ne parvient à atténuer sa propre souffrance qu’en l’infligeant à d’autres…

Tous trois se retrouvent piégés, chacun à sa manière, dans un engrenage infernal d’où ils tenteront par tous les moyens de s’extirper. Quitte à risquer le pire.

Et il y a Helena… »

(Photographie de couverture: © Kasia Baczulis & Remi Kozdra)

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