Dieu-Denis ou le divin poulet

Quand on me demande si je veux lire un livre où Dieu se réincarne dans un poulet du marais poitevin pour sauver la cause animale, impossible pour moi de refuser tant l’idée loufoque et un brin engagée m’interpelle. C’est ainsi que j’ai découvert Dieu-Denis ou le divin poulet d’Alexis Legayet qui est à paraître le 2 mai prochain aux éditions François Bourin…

[NB: Un immense merci aux éditions François Bourin pour l’envoi de cet ouvrage et à Nadia pour sa confiance sans cesse renouvelée.]

« Après une inspection d’une extrême minutie, le légiste conclut:

« Ce sont des côtes d’agneau. Trente-six belles côtes d’agneau…

- Les barbares! » »

Une satire sociale au loufoque assumé 

Alexis Legayet, dans ce roman, a imaginé la réincarnation de Dieu dans un poulet dans le but de sauver la cause animale et de mener l’humanité vers un véganisme et un respect de la liberté des bêtes. Imaginez alors Dieu dans le corps d’un coquelet de ferme, se débattant bec et plumes pour faire entendre sa voix. L’idée complètement farfelue donne lieu a des situations très cocasses et prend forcément des allures de farce loufoque. Mais sous couvert d’absurde, Alexis Legayet en profite pour interroger notre rapport aux animaux. En imaginant une société où le véganisme devient un devoir et où l’idée même de se faire des pilons de poulet devient un crime sévèrement puni, il interroge aussi les limites des actes visant à protéger les animaux et les questionne. Mais il va plus loin et provoque aussi sur les questions religieuses et les questions liées à la morale. Alors oui, ça ne va pas plaire à tout le monde d’être ainsi malmené par une histoire aussi loufoque car comme le disait Desproges, on peut bien rire de tout mais pas avec n’importe qui. Pour ma part, j’ai trouvé l’idée de base si cocasse que j’ai gardé l’esprit ouvert au cheminement fou de l’auteur tout au long de la lecture.

« L’élévation morale de notre humanité réduisait le champ du rire comme peau de chagrin.»

Un style piquant mais lassant

Le côté satirique de cette fable est très prégnant, y compris dans le style d’écriture de l’auteur qui joue des mots pour mieux critiquer. Ce n’est pas sans évoquer des contes philosophiques comme Candide de Voltaire où le loufoque vient nourrir l’esprit par les débats qu’il crée. Le but est ici de bousculer le lecteur par l’absurde des situations mais aussi par un vocabulaire sans-fard afin de l’amener à la réflexion. Mais malheureusement, passé le début franchement jubilatoire des tribulations du jeune coquelet divin, l’intrigue s’enlise un peu et le côté satirique devient lassant. On tourne finalement un peu en rond et je suis forcée de constater que malgré ses 192 petites pages, l’histoire souffre de longueurs. Incarner Dieu dans un poulet est une idée si géniale que je regrette que le reste du roman n’ait pas d’autres excellentes surprises comme celle-ci en réserve… Je ne retiendrai donc finalement que l’idée de base très drôle et originale, mais le reste ne sera pas à long-terme dans ma mémoire. Malgré tout, cela n’aura pas empêché de me faire passer un bon moment et de noter plusieurs citations épiques au cours de ma lecture.

« Le muscle saillant, le rire gras, le propos grivois, homme à femmes, de surcroît, vraisemblablement homophobe, nationaliste évidemment, raciste nécessairement, il incarnait tout ce que l’époque détestait. C’était un homme de l’ancien temps ou, pour le dire en des termes plus contemporains, un véritable salopard.»

En bref, Dieu-Denis ou le divin poulet est, certes, lassant mais son idée de base est si originale qu’il vaut tout de même la découverte tant les situations surréalistes qui en découlent sont exaltantes. A réserver aux amateurs de satire tout de même. 

PS: Je terminerai cette critique par les mots d’un grand sage: « Poulet, poulet, piou piou piou ». Les adeptes comprendront.

« Dieu est scandalisé. Les hommes, loin d’avoir compris et appliqué le message de paix et de fraternité qu’il a prodigué il y a deux mille ans, torturent et exterminent plus que jamais les animaux de la planète. Déterminé à mettre fin à ce massacre, Dieu décide de revenir sur la Terre et de se réincarner en… poulet, l’animal le plus ignominieusement exploité.

Comment réussira-t-il cette nouvelle mission ? Sera-t-il entendu ? Et quelles conséquences aura ce second passage sur Terre ?

Dans cette fable à la Voltaire, c’est toute la question de notre rapport aux animaux qui est traitée, de manière à la fois humoristique et provocante, pour permettre de mieux réfléchir à l’un des sujets essentiels de notre époque. »

(Couverture: © Istock / Elodie Campo)