Confessions d’un chasseur de sorcières

Au mois d’août, les éditions La Nuée bleue publiait le troisième titre de leur collection « L’histoire est un roman » et premier roman d’Alexis Metzinger intitulé Confessions d’un chasseur de sorcières. Ce titre, ancré durant la guerre de Trente Ans en Alsace se propose de nous plonger dans l’esprit d’un procureur convoqué dans un village pour un procès de sorcellerie. Curieuse, je me suis plongée dans ce titre et voici ce que j’en ai pensé…

« Je me dois d’accepter le constat suivant, à savoir que ce qui se passe à Schirmeck n’est pas la répétition de ce que j’ai vu comme procureur en Alsace, ni de ce que j’ai lu dans les ouvrages qui m’ont tant guidé au cours des dernières années. Satan a trouvé d’autres voies; pour nous perdre, il s’est joué de moi comme il se joue des habitants de ce lieu.»

Un premier roman audacieux mais bancal

Je vais être honnête avec vous dès le départ, je n’ai pas été particulièrement conquise par ce roman. Et pourtant, je dois reconnaître l’audace de son auteur et le travail qu’il a effectué pour rédiger ce roman historique ancré dans l’Alsace de 1633. Saluons aussi la prise de risque d’offrir un roman sous format épistolaire à voix unique et qui prend donc la forme d’un monologue du procureur Gail envoyé à Schirmeck. L’idée de l’auteur est bien sûr de nous immerger dans l’esprit du « chasseur de sorcières » et de nous faire découvrir, à travers les écrits de cet homme, la pensée de l’époque concernant les faits de sorcellerie. Idée très intéressante mais qui se révèle être aussi un grand point faible dans le sens où ce monologue empêche les descriptions des lieux comme des personnages et bloque ainsi l’immersion voulue. On perd ainsi tout un pan du côté narratif du romans et le rythme s’en trouve lui aussi biaisé puisque chaque évènement nous est raconté à postériori. Le style est, de fait, lourd et redondant et les 215 pages qui composent ce petit roman semblent parfois bien longues. Dommage car l’idée d’aborder une période historique par des documents et témoignages d’époque fictifs était bonne mais elle alourdit finalement le roman par un style peu agréable à lire.

« Question: N’a-t-elle pas confiance en la justice de Notre Seigneur? Rien de bon ne peut venir du mensonge.

Réponse: Elle n’a pas confiance dans les hommes qui la mettent à nu, qui la torturent et qui l’enchaînent à sa maison en la laissant à la merci de ceux qui ont voulu la brûler.»

Un travail historique qu’on aurait aimé plus immersif

Quitte à avoir un roman sous la forme de documents de l’époque, j’aurai apprécié d’avoir un langage approprié à la période, un peu comme l’a fait Flore Vesco dans L’estrange malaventure de Mirella. Peut-être qu’avec l’aspect monologue du roman ça aurait été indigeste mais je pense que cela aurait encourager l’immersion dans l’époque. Ce qui m’a surtout gêné dans l’écriture c’est l’emploi de termes qui n’existaient tout bonnement pas à l’époque où Gail est censé écrire ses lettres (par exemple « aphasie » qui n’apparaît qu’au milieu du XIXème siècle). Pour un ouvrage à volonté historique c’est quelque chose qui m’embête vraiment mais je conçois que le travail de recherche linguistique que cela engage pour éviter ces petits écueils est colossal. Quelques coquilles (noms de personnages erronés notamment) s’ajoutent également. Je crois enfin que ma déception finale tient à la couverture qui suggère, selon moi, un aspect fantastique que je n’ai pas trouvé dans le roman. Bien que des éléments de l’histoire restent non résolus au final, je n’ai jamais eu le sentiment d’une intervention irréelle dans cette histoire et je le regrette un peu…

En bref, Confessions d’un chasseur de sorcières est un premier roman audacieux dans le choix narratif mais qui se trouve finalement engoncé dans un style lourd et redondant qui empêche l’immersion. L’aspect historique est néanmoins intéressant bien que j’aurai apprécié un engagement encore plus profond, côté linguistique, pour donner vie au XVIIème siècle.

« En ce printemps 1633, la ville de Schirmeck est le théâtre d'étonnantes manifestations : un enfant perd l'usage de la parole, une femme accouche d'une pierre, des moutons meurent étrangement lapidés...

Sur fond de guerre de Trente Ans, de rumeurs villageoises, de haines accumulées sur plusieurs générations, le procureur Gail se rend dans la vallée vosgienne et mène le procès de Barbara, que les habitants accusent de sorcellerie. Mais la mécanique bien huilée de la machine judiciaire s'enraye, forçant le procureur Gail à remettre toute l'enquête en question. Il patine et change de cap, se laisse emporter par la colère, erre de certitudes en doutes.»