Cadavre exquis

Parmi les livres de la rentrée littéraire, il y en a un qui, avec sa couverture sublime avait capté mon attention dans les rayons des librairies. Mais c’est surtout suite aux nombreuses très bonnes critiques à son propos, notamment chez Maks du blog Un Bouquin sinon rien que j’ai décidé de le découvrir. Cadavre exquis est un roman de l’autrice Agustina Bazterrica publié cette année par les éditions Flammarion pour son édition française. Et voici ce que j’en ai pensé…

« […] certains mots dissimulent le monde.»

Une petite cuisse? Ou une main peut-être?

Voilà un roman absolument parfait à l’heure des repas gargantuesques des fêtes… ou pas! Agustina Bazterrica propose un univers dérangeant qui transpose ce que nous faisons vivre aux animaux (de l’élevage aux abattoirs en passant par les laboratoires et la chasse) en plaçant l’humain au coeur du processus en tant que bétail. Radical, parfois dérangeant, l’univers dystopique vous mettra face à vos convictions dans une volonté assez évidente de critiquer nos habitudes alimentaires. Les âmes sensibles risquent de se sentir mal à la lecture même si, pour ma part, j’ai été certainement plus dérangée par le traitement des animaux que celui des « humains-bétail » dans ce roman (#JeSuisHannibalLecter). Le cannibalisme me semble finalement plus tolérable que le massacre d'un chiot… Surtout avec une humanité aussi atroce! L’univers est assez original et nous laisse aussi avec de nombreux questionnements passionnants sur les origines de la situation à base de théorie du complot. Le tout est présenté avec un ton assez froid, parfois clinique mais très marquant, porté par une personnalité qui interroge beaucoup l’humain en face de lui et la vérité sous les mots. L’écriture peut dérouter mais elle m’a convaincue.

« Personne ne doit plus les appeler « humains » car cela reviendrait à leur donner une entité ; on les nomme donc « produit », ou « viande », ou « aliment ». Sauf lui, qui voudrait n’avoir à les appeler par aucun nom. »

Un twist final épatant mais une intrigue un peu faible

Le roman est assez « contemplatif », nous emmenant en visite sur toute la chaine alimentaire au détriment d’une intrigue qui se résume finalement en peu de lignes. Les messages sont forts et la manière de nous les transmettre marquante mais il est dommage qu’il ne s’intègre pas plus dans une histoire. On se sent un peu lésé côté « action » jusqu’à un twist final véritablement étonnant qui nous éclaire soudain le chemin parcouru et la tromperie dans laquelle cette « visite » nous a enfermée. Je regrette cependant que l’univers fort intéressant et central dans ce roman ne soit pas assez justifié. Je le trouve bien construit et j’apprécie les mystères restants mais je trouve la psychologie des personnages assez déroutante, ayant du mal à concevoir un cannibalisme accepté aussi facilement. Malgré tout, la métaphore est assez puissante et de ce point de vue là, le parallèle animaux/humain est plutôt réaliste. 

En bref, Cadavre exquis est une lecture marquante qui ose mettre en avant le cannibalisme pour mieux critiquer notre comportement alimentaire. Sa fin inattendue apporte toute la saveur à ce plat glaçant!

« Un virus a fait disparaître la quasi-totalité des animaux de la surface de la Terre. Pour pallier la pénurie de viande, des scientifiques ont créé une nouvelle race, а partir de génomes humains, qui servira de bétail pour la consommation. Ce roman est l’histoire d’un homme qui travaille dans un abattoir et ressent un beau jour un trouble pour une femelle de « première génération ». Or, tout contact inapproprié avec ce qui est considéré comme un animal d’élevage est passible de la peine de mort. А l’insu de tous, il va peu а peu la traiter comme un être humain. »

(Photographie de couverture: © Flora Borsi)

> Lire un extrait < (© Flammarion)