Les refuges

Si vous avez un peu regardé du côté des blogueurs amateurs de thriller en 2019, vous n’avez pas pu passer à côté de la pluie de coups de coeur pour Les refuges de Jérôme Loubry dans la collection Noir de Calmann-Lévy. Il a même remporté le Prix Cognac du Meilleur roman francophone 2019. J’étais très curieuse de le lire, surtout avec des avis aussi enthousiastes que celui du L’oeil de Luciole. Mais j’ai d’abord un peu freiné mes attentes avec un avis plus mitigé chez Flo & Books pour ne pas risquer une grosse déception. Alors coup de coeur ou pas?

« La folie serait la finalité de son isolement. Aussi inévitable que l’orage qui gronde au loin et qui s’approche avec détermination.»

Une intrigue poupée russe

Une chose est sûre, Les refuges est un thriller surprenant à plus d’un titre. Le roman mêle non seulement plusieurs époques (principalement 1949 et 1986) mais aussi plusieurs intrigues entremêlées qui s’emboîtent un peu à la manière des poupées russes. On navigue ainsi de révélations en surprise qui nous laissent pantois à un rythme soutenu mais pas bâclé pour autant. Le roman est diablement accrocheur, nous offrant une quantité d’indices et de mystères à élucider impressionnante qui nous pousse à poursuivre la lecture. Mais je rejoins un peu Flo dans le fait que ça va parfois trop loin. Trop d’éléments, trop d’indices, trop de refuges, trop de poupée russe. C’est un thriller efficace et captivant mais j’ai eu parfois le sentiment que ça partait trop loin, y compris avec son final imprévisible, certes, mais amené de manière maladroite en mode « voilà ce que vous avez raté dans cette histoire » qui manque un peu d’effet coup de poing. Malgré tout, il remplit complètement la fonction attendue d’un thriller: il nous surprend! Et ça, très clairement, ça en fait un très bon roman! J’ai suivi les conseils qui me suggérait de le lire en me laissant porter et ça a sans doute aidé à m’éviter de belles migraines. Malgré tout, le roman nous invite à enquêter dans son introduction et c’est un peu dommage de n’avoir sans doute par toutes les clés pour résoudre quoique ce soit…

« -Ce n’est pas possible.

Cette phrase avait perdu toute consistance. La notion d’impossibilité avait été violée par la nature humaine. Ces bombes sur la population. Ces corps de femmes abandonnés par les soldats dans les décombres de leurs pulsions sexuelles. Ces enfants tendant leurs bras faméliques à travers les barreaux d’un wagon de train…

Plus rien n’était devenu impossible. La guerre avait aussi ravagé les mots.»

Une ambiance particulièrement envoûtante

Ce qui m’a accroché à ce roman que j’ai lu très rapidement, c’est sans doute son ambiance. C’est très vite oppressant, notamment dans le huis-clos sur l’île, et les mystères s’épaississent autant que la tension. On est vite prisonniers nous-mêmes de ces refuges, envoûtés par l’aspect étrange qui se dégage de l’intrigue, notamment sur la première partie. Le roman est aussi bien glaçant par instants pour nous accrocher aux pages avec une certaine fébrilité. Attention cependant, je préfère signaler, des chats sont maltraités dans cette histoire et les amoureux de ces petits poilus risquent de passer quelques mauvais moments à la lecture. Et si par moments l’histoire parait un peu trop alambiquée avec quelques éléments déroutants, tout finit par trouver sa logique dans une construction machiavélique que seul un très bon auteur peut imaginer.

En bref, Les refuges n’est pas un coup de coeur à cause de quelques failles comme un excès d’intrigues en poupées russes mais il reste un excellent titre terriblement accrocheur, surprenant et à l’ambiance oppressante à souhaits. 

« Installée en Normandie depuis peu, Sandrine est priée d’aller vider la maison de sa grand-mère, une originale qui vivait seule sur une île minuscule, pas très loin de la côte.

Lorsqu’elle débarque sur cette île grise et froide, Sandrine découvre une poignée d’habitants âgés organisés en quasi autarcie. Tous décrivent sa grand-mère comme une personne charmante, loin de l’image que Sandrine en a.

Pourtant, l’atmosphère est étrange ici. En quelques heures, Sandrine se rend compte que les habitants cachent un secret. Quelque chose ou quelqu’un les terrifie. Mais alors pourquoi aucun d’entre eux ne quitte-t-il jamais l’île ?

Qu’est-il arrivé aux enfants du camp de vacances précipitamment fermé en 1949 ?

Qui était vraiment sa grand-mère ?

Sandrine sera retrouvée quelques jours plus tard, errant sur une plage du continent, ses vêtements couverts d’un sang qui n’est pas le sien…»

(Photographie de couverture: © Oleg Breslavtsev / iStock)