Black out : demain il sera trop tard

Edité pour la première fois en 2012, Black out de Marc Elsberg remporte aussitôt le Prix du livre scientifique le plus captivant de l’année en Allemagne. Il sera traduit en français et publié en 2015 par les éditions Piranhas avant une version poche en collection Livre de poche en 2016. Thriller d’anticipation, il se place, à l’instar de son autre roman Zero dans une catégorie de romans réalistes et porteurs de réflexions. Voici ce que j’en ai pensé…

Glaçant de réalisme

Tout comme avec Zéro, Marc Elsberg s’appuie sur notre société actuelle et ses failles pour construire un thriller précis, recherché et, du coup, très réaliste et donc d’autant plus oppressant. L’idée de Black out est simple : l’utilisation de failles de sécurité pour pirater nos lignes électriques et créer un black out sur tout un continent. S’appuyant sur des données précises et en alternant les lieux et points de vue, Marc Elsberg nous raconte avec une justesse assez terrible l’effondrement complet de notre société (sur tous les plans : économiques, médicaux, etc.) à cause de quelques jours sans électricité. Il évoque non seulement les conséquences à court-terme mais aussi à moyen et long-terme, prouvant à quel point nous dépendons de l’énergie. C’est frappant de réalisme et assez déstabilisant. On passe son temps, en lisant, à remettre en question nos modes de fonctionnement actuels et notre mode de vie. L’auteur conserve ce réalisme jusque dans les descriptions des comportements humains, qui, loin des anarchies immédiates et massives habituelles des romans post-apocalyptiques tend vers une nuance à mon avis plus proche de la réalité. Le déni empêche tout d’abord le chaos, seules quelques minorités profitent de la situation, puis au fur et à mesure que l’espoir diminue, les comportements s’intensifient, mais là encore, avec de grandes nuances. Cette volonté de réalisme apporte parfois quelques longueurs et lourdeurs au récit, mais ça créé une telle profusion de réflexions que ça lui donne aussi toute son ampleur. Nul doute que, comme Zéro, longtemps après la lecture, nos pensées continueront de revenir vers cette intrigue.

« Arrêter maintenant, ce serait rendre les armes. Redonner aux autres leur pouvoir. Cette communauté, possédée par l’argent et la force, par l’ordre et la productivité, l’efficacité, par la consommation, les loisirs, l’exaltation de l’individu, sa propension à tout ramener à elle. Pour laquelle l’être humain ne compte pas, seule la maximisation des profits. Pour laquelle la société n’est qu’un facteur de coûts. L’environnement une ressource.»

Ultra addictif

Au départ, sans doute afin de construire la base très réaliste et introduire tous les lieux et personnages de ce roman chorale, l’histoire traîne un peu en longueur, longueurs accentuées par des chapitres de 50 pages. Mais on oublie rapidement la longueur de ces chapitres tant l’intrigue devient captivante et son réalisme angoissant à souhaits. Même si les rebondissements ne sont pas aussi nombreux et rythmés que dans Zéro, on retrouve cette même intensité grandissante dans l’histoire de Black out qui, sur 535 pages, nous raconte à peine 2 semaines d’évènements. Tellement accrochés que nous sommes à l’intrigue après 100 pages, il nous devient impossible de reposer ce thriller qui se dévore à une vitesse folle. On s’attache aussi beaucoup aux personnages qui, face aux évènements, évoluent tous. Et si le roman est peut-être moins dans le « spectaculaire » que Zéro, on s’y attache tout autant pour la froideur de son réalisme et l’impression tenace que tout peut vraiment mal finir, et que ça peut surtout vraiment arriver.

« « T’auras tout le temps de dormir quand tu seras mort. » Blanchard trouvait cette expression stupide depuis la première fois qu’il l’avait entendue. Dormir, voilà plusieurs jours que ça ne lui était pas arrivé, mourir, il n’en était plus très loin.»

En bref, Black out est un excellent thriller d’anticipation qui se caractérise par un réalisme frappant et glaçant qui nous pousse à remettre en question nos modes de fonctionnement actuels. Déstabilisant, il induit de grandes réflexions qui vont bien au-delà de son intrigue finement construite. Seules quelques longueurs freinent le coup de cœur.

« Par une froide soirée d’hiver, le réseau électrique européen commence à lâcher. De nombreux pays s’enfoncent dans l’obscurité et plusieurs centrales nucléaires mettent en danger la vie de millions d’êtres humains. Menace terroriste ou défaillance technique ? Piero Manzano, ex-hacker italien, croit savoir qui est responsable. Avec l’aide d’un policier français d’Europol, François Bollard, Manzano s’engage dans une véritable course contre la montre face à un adversaire aussi rusé qu’invisible.»

(Couverture: © ADGP)

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